Coronavirus Barcelone : la misère des artistes de rue

Musiciens, statues humaines, peintres, les artistes de rue font partie du paysage culturel de Barcelone. Avec la crise du Covid-19, leur activité se retrouve en péril. Témoignages. 

« Je vis avec ma soeur, j’ai dû quitter mon logement, je n’avais plus les moyens de payer » raconte Walter Daniel López, président de l’association des Statues Humaines de la Rambla de Barcelone. Lui-même exerce le métier dans la capitale catalane, depuis 2011. « On se retrouve tous la même situation, à gagner entre zéro et cinq euros par jour, heureusement les habitants du quartier sont solidaires et nous donnent de la nourriture » confie-t-il. La situation sanitaire a engendré une absence de revenus pendant le confinement, suivie d’une très forte baisse cet été en raison du manque de touristes.

L’Argentin apparaît habituellement en Don Quijote en centre-ville. Aujourd’hui, il est en colère, « notre réalité est cruelle, nous existons depuis cent ans mais n’avons aucune aide financière de la part de la mairie ». Pour la statue humaine, la situation dure depuis plusieurs années, « le Covid-19 ne fait qu’accélérer les choses, sans subvention nous allons mourir. La municipalité a annoncé des aides pour l’art et la culture mais ce n’est pas vrai » se désole-t-il.

La Rambla – Septembre 2019

Pour se produire sur la Rambla, les artistes doivent avoir une licence « d’occupation de l’espace public » qui s’obtient à l’issue d’un concours. Mais leur nombre se réduit, passant de 30 à 15 en 2019. « Nous sommes considérés comme un bar ou un restaurant, alors que nous offrons un moment de poésie gratuitement, 75% des personnes qui nous regardent ne nous donnent pas d’argent ». 

Le coup de grâce fut pour Walter Daniel en juillet dernier. Pour attirer les visiteurs à Barcelone, les initiatives varient pour mettre en avant la ville. Un épisode du programme télévisé Masterchef Celebrity a été tourné sur la Rambla. Pour ce faire, les statues humaines n’ont pas pu travailler pendant trois jours, et n’ont pas été replacées à un autre endroit « pourtant nous n’aurions dérangé personne ailleurs » déclare-t-il.

Continuer la musique

D’autres collectifs ont été impactés cette année, notamment les musiciens. Justin se produit depuis 2014 en duo avec Gonzalo, saxophoniste, dans le quartier Gòtic. Ils possèdent la licence municipale pour jouer à des horaires fixes dans la rue. L’artiste a dû s’adapter à cette année particulière. « Nous avons un public plus local, j’ai donc changé mon répertoire en proposant des reprises en catalan explique-t-il, et le manque de touristes se traduit par une perte d’argent. » Auparavant, jouer dans la rue était sa source de revenus principale, mais le Français s’est diversifié pour assurer un minimum fixe. « Aujourd’hui avec la pandémie, je ne sais pas comment font les musiciens qui ne vivent que de ça » ajoute-t-il.

Pour Justin, Barcelone devra s’adapter aux problèmes économiques. « Si pour des raisons sanitaires il n’est pas recommandé de donner des pièces de monnaie, il faudra penser à un système pour honorer les artistes, où le public pourrait payer avec son smartphone par exemple. Depuis l’Antiquité il existe des musiciens, les gens en ont encore plus besoin en ce moment ».

De son côté, Walter Daniel est plus pessimiste. « C’est impossible de prédire quel sera notre avenir alors qu’on a même pas de quoi manger, j’étudie déjà ma reconversion » conclut-il.

Face à cette situation, le gouvernement catalan a annoncé jeudi qu’il souhaite déclarer la culture comme un « service essentiel ». Cette résolution offrirait plus de protection pour le secteur.

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