Fume-t-on plus de cannabis en Espagne qu’en France ?

Cannabis en Espagne

medecin français à Barcelone

Moins chère, politique plus permissive… L’Espagne semble cocher toutes les cases pour être le plus gros consommateur de cannabis d’Europe, et pourtant la France la dépasse.

Même si l’on pourrait être tenté de dire le contraire, car la marihuana est très populaire en Espagne, ce sont les Français qui en sont les plus gros consommateurs en Europe.  En 2019, c’était presque la moitié de la population française adulte qui avait déjà goûté au cannabis (45 %), alors que moins de 4 Espagnols sur 10 reconnaissent en avoir déjà consommé (37,5 %) (selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, OFDT, en 2019 et l’Observatoire espagnol des drogues et des addictions en 2019-2020).

Chez les jeunes, la France dépasse aussi tous ses voisins européens : en 2020, 21,8 % des 15-34 ans avaient consommé du cannabis dans la dernière année, en France. En Espagne, ce chiffre ne s’élève qu’à 18,3 % des jeunes (selon l’Observatoire européen des drogues en 2020).

Cannabis : la France plus stricte que l’Espagne

Si ces chiffres peuvent surprendre, c’est d’abord parce que l’Espagne possède une législation plus permissive que la France.

Le fait de produire, d’acheter, de posséder ou encore de consommer du cannabis est totalement illégal dans l’Hexagone. Seul le CBD, substance du cannabis dépourvue de « propriétés stupéfiantes », est autorisé, même s’il fait l’objet de controverses.

Depuis 2013, l’usage thérapeutique du cannabis est légal en France, mais il est strictement réglementé et dans les faits, un seul médicament à base de cannabis est autorisé sur le marché.

En revanche, l’Espagne se montre plus souple sur le cannabis. La loi interdit son commerce et sa consommation sur la voie publique, mais il est légal de cultiver et consommer sa propre marihuana, de manière totalement privée, à hauteur de 100 grammes par personne (selon le Code pénal). La raison ? Cette drogue, contrairement aux autres, ne provoque pas graves problèmes de santé.

La consommation à but récréatif est donc plus accessible en Espagne qu’en France, et il existe d’ailleurs des groupes privés de cultivateurs et consommateurs de cannabis. Ils sont cependant soumis à un strict règlement et ne doivent ni vendre, ni faire de publicité.

D’un autre côté, le cannabis est un peu plus cher en France qu’en Espagne : en moyenne 7 € le gramme en France (OFDT), contre 5 € pour l’Espagne.

En somme, il semble clairement plus facile de consommer du cannabis en Espagne, et pourtant la France la dépasse.

La France, zone de transit du cannabis

Une des explications possibles à cette première place de la France sur le podium des plus gros consommateurs de cannabis pourrait être sa position géographique. Entre le Benelux et l’Espagne, elle se situe au beau milieu de la zone de transit des drogues. L’Observatoire des drogues identifie « un axe de trafic pour la résine de cannabis marocaine importée d’Espagne qui traverse la France à destination des Pays-Bas et de la Belgique ».

La proximité avec ces pays, plaques tournantes des trafics de drogue, ont un réel impact sur leur commerce en France. D’ailleurs, « les saisies de résine de cannabis […] en France figurent parmi les plus élevées d’Europe de l’Ouest ».

La perception du cannabis et de ses effets parmi la population française a aussi son rôle à jouer. L’observatoire remarque que le développement de la culture du cannabis va de pair avec une « évolution positive de l’image de cette substance, associée à une vogue, notamment chez les jeunes, pour les produits perçus comme ‘‘biologiques’’ ».

La « contradiction avec la loi » française ?

La mentalité française, qui peut paraître très « rebelle » en comparaison avec celle espagnole, pourrait aussi expliquer la popularité des drogues en France. « Il y a peut-être quelque chose dans la mentalité française, presque une recherche de contradiction avec la loi qui s’associe à une recherche de plaisir », évoque Julieu Treuvelot, chef de service d’un Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie à Paris.

Mais pour le professionnel, cette mentalité s’ajoute à une mauvaise politique sociale. « En France, il y a une hypocrisie énorme sur la gestion des deux produits les plus nocifs pour la santé, le tabac et l’alcool. Ce sont ouvertement les plus dangereux, et pourtant il n’y a aucun problème pour en acheter. Je trouve que les politiques de gestion des substances d’organisation des soins, de l’accompagnement et surtout de prévention sont catastrophiques. Les budgets sont dérisoires, la prévention lutte pour survivre d’année en année ! », s’insurge-t-il.

En prenant l’exemple des salles de consommation de drogues à moindre risque, « diabolisées » par les médias et les politiques, il n’hésite pas à affirmer : « la guerre à la drogue en France n’est clairement pas efficace, il faut qu’elle évolue ».

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