Patrick Torrent : « La Catalogne mise sur un tourisme de qualité et non de quantité »

Second été en demi-teinte en Catalogne à cause de la Covid-19. Comment la région catalane s’organise-t-elle pour se défaire de sa dépendance au tourisme international ? Entretien avec Patrick Torrent, directeur exécutif de l’Agence Catalane de Tourisme.

Quel bilan dressez-vous de la saison touristique du mois de juillet 2021 ? 

Il y a eu des pertes considérables. Nous avions estimé une récupération d’environ 60 % de l’affluence tourisitique de 2019, mais pour le mois de juillet, la région a atteint seulement 35 % de l’affluence d’il y a deux ans. La Catalogne est toujours durement affectée par la pandémie, notamment Barcelone, la Costa Dorada et le sud de la région. En parallèle, le nord de la Catalogne, notamment la Costa Brava, les Pyrénées et le golf de Roses, s’en sortent plutôt bien. Il y a une forte population française qui s’y rend d’ailleurs, mais les chiffres restent en-dessous des moyennes avant la pandémie.

Selon vous, la campagne de vaccination massive a-t-elle eu l’effet escompté ? 

La vaccination a permis d’augmenter légèrement le nombre de touristes. D’ailleurs, en Espagne, la vaccination est l’une des plus avancées d’Europe. Cela nous permet alors de communiquer là-dessus. Nous mettons en avant l’aspect sécuritaire de la destination. Ce qui nous coûte le plus, ce sont les mises en garde des pays européens, comme l’Allemagne, la France ou encore le Royaume-Uni, pour dissuader leurs habitants de séjourner en Espagne. Nous avons organisé dans nos agences de Paris, Berlin et Londres, des sessions pour parler de la vaccination en Espagne et de la plutôt bonne gestion sanitaire du pays. La Catalogne fait des efforts pour garantir la sécurité de ses visiteurs. C’est notre priorité.

Comment l’Agence Catalane de Tourisme a-t-elle réagi face aux déclarations de Clément Beaune, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, pour inciter les Français à ne pas venir en Espagne ?

C’était évidemment une mauvaise nouvelle pour nous. Si l’on se réfère aux données d’épidémiologistes, le risque d’être contaminé dans les restaurants, hôtels ou les lieux culturels est très limité. La cinquième vague découle vraiment des fêtes de la fin de l’année scolaire et de la Sant Joan. Cette fête est très importante en Catalogne, peut-être plus que celle du Nouvel An. À ce moment-là, il y a eu une certaine euphorie qui a provoqué la cinquième vague. Maintenant, la situation est sous contrôle. Le pic est dernière nous et la pression aux urgences s’amoindrit. Donc, lorsque Clément Beaune a invité les Français à ne pas venir en Catalogne, nous avons été déçus car la situation est pareil partout en Europe. L’an passé, le Premier ministre, Jean Castex, avait sorti la même déclaration. Nous avons l’impression que ces annonces visent surtout à convaincre les Français à rester en France pour sauver le tourisme du pays.

Comment la région se réinvente-t-elle pour attirer les touristes ? 

Nous avons changé notre message. Notre communication traditionnelle était axée sur les qualités de la région, de ses produits, de ses plages, etc. Désormais, nous mettons l’accent sur le côté « sûr » de la destination. Nous misons aussi sur de nouveaux profils de touristes pour espérer les fidéliser. Par exemple, nous sommes partis au Moyen-Orient au printemps, pour parler des connections aériennes entre cette région et la Catalogne. Nous avons des vols directs avec Abu Dhabi, Doha et Dubaï, mais avec les restrictions de mobilité, la fréquence de ces vols est très faible. Lors de notre visite là-bas, nous avons mené une campagne pour rendre encore plus attrayante la Catalogne. Cela a plutôt bien fonctionné car les chiffres sont proches de ceux de 2019 pour ce marché.

Actuellement, nous travaillons avec nos agences de Paris, Berlin et Londres pour rétablir un lien de confiance avec ces pays. D’autant plus que notre région est la destination préférée des Français et des Britanniques. Cela fonctionne assez, surtout dans la Costa Brava, Cap de Creus, Cadaques, Llança et tout le golf de Roses. On y trouve beaucoup de Français.

Pensez-vous que la saison estivale de Barcelone est d’ores et déjà ratée ?

Barcelone souffre beaucoup du manque de touristes mais cette année, on note tout de même une hausse de 50 % de voyageurs par rapport à l’an passé. L’évolution est positive mais reste basse quand on se réfère aux chiffres de 2019. Nous croyons, néanmoins, que nous aurons l’opportunité d’étendre la saison jusqu’en automne. Peut-être que les mois de septembre, octobre et novembre seront plus intéressants qu’en 2020 voire similaires à 2019. Cela dépendra bien sûr de la situation de la mobilité internationale et de l’évolution de la pandémie.

Le tourisme de masse est-il en train de disparaître ?

C’est vrai que nous voyons un changement de comportement des touristes. Ils recherchent plus le contact avec la nature, le calme et veulent s’oxygéner. Le tourisme rural, en maison d’hôte par exemple, est en train de croître fortement. Nous souhaiterions, cependant, récupérer la dynamique touristique des années antérieures pour assurer la survie de nombreux professionnels du tourisme.

À l’heure actuelle, nous travaillons pour obtenir un tourisme de qualité plutôt que de quantité. Pour y accéder, il faudra changer progressivement de modèle. Nous avons d’ailleurs un triptyque : action, évolution, révolution. Nous devrons ainsi planifier les différentes étapes, avoir des structures adéquates et refonder l’offre des destinations. Cela nous prendra entre 5 et 10 ans. La pandémie aura été le point de départ de cette reconversion touristique catalane. D’ailleurs, notre région n’est pas la seule concernée par ces changements. C’est une véritable conséquence mondiale de la pandémie.

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