Nouvelle crise gouvernementale en Espagne

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Un système électoral à la proportionnelle et une absence de majorité absolue condamnent l’Espagne à la crise politique gouvernementale permanente. La loi travail, la loi de sécurité intérieure et un député condamné pour des violences envers la police mettent la coalition gouvernementale entre les socialistes et la gauche radicale de Podemos à fleur de peau. 


120 parlementaires socialistes et 35 de Podemos offrent une toute relative majorité parlementaire au Premier ministre Pedro Sanchez pour gouverner le pays. Le socialisme BCBG espagnol a le plus grand mal à côtoyer la gauche radicale de Podemos. Mais malgré les critiques, les écueils et les tensions, il n’y aura, pour le moment, pas d’élections législatives anticipées. Tous les sondages s’accordent sur un point : si les Espagnols votaient demain, c’est la droite et l’extrême-droite qui gagneraient les élections. La coalition progressiste doit donc ronger son frein, mais trois dossiers mettent à bout de nerfs ministres et parlementaires de la majorité.

La contre-réforme de la loi travail

La droite au pouvoir en 2012, avec sa majorité absolue, a adopté une des « lois travail » les plus libérales en Europe. Le texte en vigueur est très favorable aux entreprises et offre une grande flexibilité en matière de licenciements. Les points les plus polémiques sont la possibilité de licenciement suite à un arrêt maladie ; la priorité actuelle de la convention d’entreprise sur la convention collective ; la possibilité pour une entreprise de modifier unilatéralement le contrat de travail après signatures des deux parties et une grande flexibilité pour recourir aux intérimaires.

Mariano Rajoy

Mariano Rajoy lors d’une séance de dédicace de ses mémoires en 2021

Depuis le mois de mars dernier, la contre-réforme, qui fait partie du pacte gouvernemental entre les deux forces de gauche, est dirigée par la ministre du Travail et cheffe de Podemos Yolanda Diaz. La semaine dernière, le Premier ministre Pedro Sanchez, lors de 40e convention du Parti Socialiste, a annoncé l’imminence de la présentation de la contre-réforme sans citer une seule fois Podemos. Dans la foulée, la main droite du Premier ministre, la très libérale ministre de l’Économie Nadia Calviño a envoyé un mail à tous les cabinets ministériels pour annoncer qu’elle finaliserait personnellement la loi travail.

Sánchez

Nadia Calviño et Pedro Sanchez

A Podemos, on est furieux. D’une part, le parti craint de se faire voler la vedette sur une réforme majeure pour le peuple de gauche. La réforme travail sera un étendard que Podemos veut brandir lors des prochaines élections.

Ensuite, la gauche radicale est idéologiquement remontée contre la ministre de l’Économie suspectée de vouloir une réforme a minima du texte. Calviño a ses entrées à Bruxelles. Le commissaire européen en charge de l’économie a rappelé à l’Espagne que la loi doit rester dans les clous. Autrement dit:  à tendance libérale.



Pedro Sanchez ne laissera pas cette loi entre les mains exclusives de Podemos. Un texte de telle envergure dépasse le ministère du Travail et concerne tout le gouvernement, tance la Moncloa.

La loi de sécurité intérieure

La loi de sécurité intérieure a également été approuvée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy en 2012. La loi s’inscrit autour des violentes émeutes que connaissait le pays en raison de la crise économique. Le célèbre mouvement des Indignés attaquait régulièrement la police et essayait d’entrer de force dans les parlements aussi bien nationaux  que régionaux. Le parlement de Catalogne fut assiégé par des hordes manifestantes, le gouvernement d’Artur Mas avait dû entrer dans le bâtiment du parc de la Ciutadella en hélicoptère. La plaza del Sol de Madrid, non loin du Congrès des députés, était souvent noire de monde.

L'attaque du parlement de Catalogne en 2012

L’attaque du parlement de Catalogne en 2012

Pour mettre un terme aux attaques contre les parlements et la police, Mariano Rajoy a fait voter cette loi qui permet des sanctions sévères contre les auteurs de ces agissements. Depuis son adoption, Podemos et les socialistes en ont annoncé l’abrogation. Les socialistes sont désormais plus modérés et évoquent une simple modification de certains points. Une quarantaine de fois, la réforme de la loi a été présentée au bureau du parlement des députés. Les socialistes, depuis 2018, se sont opposés à traiter la question en raison de divergences avec Podemos. Le ministère de l’Intérieur a d’ailleurs utilisé des points de cette loi pour faire respecter le confinement à domicile lors du Covid.



Cette fois-ci, c’est apparemment la bonne. Pedro Sanchez a donné son feu vert pour que la réforme passe par la commission d’Intérieur du parlement et soit ensuite discutée en séance plénière.

Ici aussi les socialistes veulent une modification à la marge, en baissant le montant des amendes pour les outrages à policiers. En revanche, hors de question pour les socialistes de mettre fin à la disposition de la loi pouvant expulser les immigrés illégaux en provenance du Maroc à la frontière de Melilla. Grâce à ce texte, la police peut raccompagner les migrants de l’autre côté de la frontière en cas de flagrant délit lors d’un passage illégal.

Le ministère de l’Intérieur a utilisé cette loi lors de l’invasion de la frontière en juillet dernier suite à un conflit diplomatique entre l’Espagne et le Maroc. Un casus belli pour Podemos.

Alberto Rodríguez, le député de Podemos condamné par la justice

Le député des Canaries Alberto Rodriguez a été condamné par le Tribunal Suprême à 45 jours de prison pour avoir frappé un policier lors d’une manifestation en 2014. Grâce à l’aménagement des peines, le parlementaire n’ira pas derrière les barreaux mais paiera une amende de 450 euros. Le parlementaire est également condamné à une peine inéligibilité.

El Supremo procesa al diputado de Podemos Alberto Rodríguez | El Correo

La peine de prison étant avec sursis, Alberto Rodriguez explique que sa peine d’inéligibilité est également sursitaire et tente de s’accrocher à son siège de député.  L’explication, tirée par les cheveux, n’a convaincu ni le Tribunal suprême, ni la présidente socialiste du parlement Meritxell Batet qui a signifié vendredi dernier à Rodriguez qu’il n’était plus député.

L’action de Batet a provoqué l’annonce d’une plainte en justice de la part de Podemos et une autre d’Alberto Rodriguez contre la présidente du Parlement. Un mouvement puéril qui a été officiellement retiré quelques heures plus tard par Podemos.

Alberto Rodriguez a annoncé qu’il abandonnait la vie politique. La crise, elle, reste lovée au sein du Conseil des ministres espagnol.



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