La (vraie) histoire des croquetas

Photo : recetasdecroquetasdepollo.com

medecin français à Barcelone

Tous les samedis, Equinox et le grand chef barcelonais Sergi de Meià, ainsi que le critique gastronomique Jaume Fàbrega, éclairent sur la véritable origine des plats phares de la gastronomie espagnole. Ce week-end, Equinox remonte les traces des célèbres croquetas… jusqu’en France. 

Lors de vacances en Espagne, nombreux sont les Français à découvrir les croquetas, un délice purement espagnol. Qui aurait pu croire que ce mets, lui aussi, vient de France ?

C’est un fait plutôt rare, dans la cuisine traditionnelle espagnole : un plat national venu de France. Mais ce ne sont pas les Espagnols qui sont allés chercher la croqueta au-delà des Pyrénées : c’est la croqueta qui est venue à eux. 

La croquette est née en France au XVIème siècle, même si elle se consolide au XIXème”, raconte Sergi de Meià, chef du restaurant barcelonais éponyme. Elle est d’ailleurs documentée à partir du XVIIème en France, dans le livre de recettes Le cuisinier royal et bourgeois, constate Jaume Fàbrega, historien, écrivain et critique gastronomique.

Ce dernier évoque une légende, selon laquelle les croquetas auraient été inventées… à la cour de Louis XIV. “Ce serait un cuisinier du roi qui les aurait créées.” Sur la table du Roi, elles étaient à base de volaille, de riz, de poisson, de tripes, aux herbes ou encore aux truffes. Un vrai délice royal. 

Les croquetas envahissent l’Espagne

Peu importe son origine royale ou paysanne, la “croquette” débarque en Espagne avec les troupes françaises, lorsque Napoléon Bonaparte envahit la péninsule, entre 1808 et 1814. Mais, contrairement aux Français, la croqueta plaît aux Espagnols, et ceux-ci l’incorporent durablement à leurs livres de recettes. C’est une preuve qu’en termes de cuisine traditionnelle, les plats d’un pays sont constitués de nombreuses contributions extérieures”, généralise Jaume Fàbrega.

Croquetas au riz au lait. Photo : La Juani de Ana Sevilla

Le nom de ce mets vient d’ailleurs du français, “croquer”, faisant allusion au croustillant de la panure. 

En 1830, plus d’une dizaine d’années après la guerre, les Espagnoles cuisinent désormais leurs propres croquetas : “La première référence écrite en Espagne fait mention de croquetas de riz, fourrées et sucrées, dans le livre Manuel de la domestique économe et des mères de famille qui souhaitent enseigner à leurs filles le nécessaire pour tenir leur foyer”, précise le chef. 

Un dessert qui fait fureur

Les premières croquetas en Espagne étaient donc bien loin de nos croquettes au fromage et au jambon : il s’agissait de desserts. Elles étaient faites de riz au lait et de cannelle, et panées deux fois. 

Mais avec le temps, la croquette française et la croqueta espagnole se distinguent de plus en plus. “Les croquetas, en s’acclimatant à l’Espagne, se sont beaucoup améliorées”, remarque Emilia Pardo Bazán dans La cocina española moderna (1917). “La croquette française est énorme, en forme de bouchon de liège, dure et fade. Ici, au contraire, quand elles sont bien faites, les petites croquettes sont tellement molles et douces qu’elles fondent dans la bouche.”

Un livre de recettes datant de 1924 les décrit toujours à base de béchamel, la célèbre sauce française, mais avec au choix du jambon, du poulet, du bœuf, des champignons ou encore du poisson, explique le critique gastronomique.

Les croquetas séduisent tout le monde

Même si, contrairement à de nombreux plats de la cuisine espagnole, les croquetas sont d’origine bleu-blanc-rouge, il s’agit tout de même d’un mets populaire. “La perméabilisation des recettes françaises, après leur occupation en Espagne, a été très rapide et elles se sont rapidement intégrées à la population. Ce sont des plats transversaux. Les militaires adoraient !”, remarque Sergi de Meià. 

Croquetas de poisson. Photo : Pequerecetas

Et qui dit plat populaire, dit ingrédients basiques. Pour cuisiner des croquetas, il ne faut que quelques restes d’un repas (ce qui en fait un plat aussi très pratique), une casserole, un bol et une spatule. “Aucune habilité particulière n’est nécessaire. Il ne faut rien de plus que de la sensibilité et de l’amour, quand on cuisine”, explique le chef.

Pour tous les goûts

Avec les années, les croquetas séduisent toujours plus et sont incluses dans toutes les cuisines d’Espagne, jusqu’à l’explosion de leur popularité avec le tourisme, à la moitié du XXème siècle. C’est à ce moment-là même qu’elles font leur entrée dans la grande gastronomie. 

À noter que les croquetas ne portent pas le même nom partout, explique Jaume Fàbrega : à Madrid ou Soria par exemple, elles sont aussi appelées “cocretas” ou “coqletas”. Elles existent même dans la cuisine italienne, avec les « suppli » ou les « arancini ». 

Aujourd’hui, impossible de ne pas aimer les croquetas : il y en a pour tous les goûts. Aux fruits de mer, à la viande, à la charcuterie, aux légumes… Elles sont devenues un plat-phare en Espagne, non seulement grâce à leur goût mais aussi grâce à leur forme pratique. “Elles sont polyvalentes, faciles à transporter, à apporter quand on va à la plage avec des amis…”, résume Sergi de Meià.

Comment reconnaître de vraies croquetas ?

Pour Sergi de Meià, s’il y a bien une chose qui est plus importante que tout, c’est la panure ! Bien croustillante et surtout pas huileuse, frite dans de l’huile d’olive vierge extra. “La panure doit être merveilleuse, sinon… elle ne vaut rien.

Croquetas de jambon. Photo : Cocina a buenas horas

À l’intérieur, la croqueta doit être bien chaude et crémeuse. 

Où manger de bonnes croquetas ?

Chaque restaurant, chaque bar a sa recette. Selon Sergi de Meià, le mieux est de demander aux locaux les meilleures adresses. 

Mais pour lui, les meilleures croquetas sont celles “de la casa”. “Ma mère était une master des croquetas ! Au poulet, aux champignons et au jambon. À une époque, elle en faisait 500 par semaine, les gens en étaient fous ! De bonnes croquetas égayent vraiment l’esprit.”

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Merci au chef Sergi de Meià, du restaurant Sergi de Meià (carrer Laforja 83 à Barcelone, +34 930 01 79 66), et à Jaume Fàbrega, historien, écrivain et critique gastronomique.

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