Ukraine : la société civile géorgienne exige une réponse musclée de son gouvernement 

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Le Premier ministre géorgien Irakli Garibashvili, du Parti du “Rêve Géorgien”, au pouvoir depuis 2012, en faveur de la “Normalisation” avec le Kremlin, a adopté la posture inconfortable de l’otage de la Géopolitique ou “chasse gardée” des visées impériales de son puissant voisin.

Réclamer des sanctions contre celui-ci “ne ferait que nuire davantage à notre pays et à la population (25 février) ». La crainte évidente est d’être la prochaine cible au menu de l’Ogre, comme d’autres pays d’Asie centrale. La guerre d’Ossétie du Sud” en 2008, a fait, en 5 jours, 700 morts et laissé 200 000 personnes déplacées, alors que trois mois plus tôt, l’OTAN promettait leur entrée dans l’Alliance Atlantique à ces deux pays-frères (Géorgie/Ukraine).  

Aussitôt, cela heurte le sentiment populaire, dans un pays qui se souvient de la terreur de Béria en 1937. 30.000 manifestants défient les autorités pour les mêmes motifs (et même punition) que l’actuelle Ukraine. Ce qui génère un clivage entre la rue et le pouvoir, ou même en son sein.

La Présidente Zourabichvili fait barrière de son statut multicartes

D’autant que la présidente Salomé Zourabichvili, née à Paris, ancienne ambassadrice de France en Géorgie, nommée par Chirac en 2003, diplomate française auprès de l’OTAN, a exprimé la solidarité de la Géorgie envers l’Ukraine, lors de son discours annuel au parlement, le 14 mars : pire, elle est poursuivie pour infraction à la constitution par le parti dirigeant, pour avoir osé se rendre à Bruxelles et en France, afin de s’entretenir du conflit et de ses répercussions, sans autorisation préalable du clan aux manettes. Mais 2/3 des Géorgiens la soutiennent et réclament des sanctions contre Moscou et 61 % veulent que l’État en fasse plus en faveur des Ukrainiens.  

Que peuvent faire les influenceurs pour tenter de réconcilier la raison d’État avec les valeurs morales, historiques et identitaires érigées par les cortèges dans les principales avenues de Tbilissi ?  

David Kezerashvili monte au créneau

C’est là qu’entre en scène une personnalité charismatique, David Kezerashvili : ancien Ministre de la Défense jusqu’en décembre 2008 (pendant la guerre). Il incarne, aujourd’hui, une autorité en matière de capital-risque et d’investissement dans les start-ups, également actionnaire majoritaire de la chaîne privée FormulaTV : dans le registre médiatique, Sputnik diffuse un point de vue pro-russe, soulevant le scepticisme des Géorgiens. Alt-Info, chaîne de droite, entretient l’écho alarmiste et la peur qui maintient encore le pays sous chape de plomb. Une information équitable s’attaque aux éventuels biais d’interprétation (comme la rumeur signée Alt-Info, disant que Zelensky, d’origine juive, brûle les églises), de façon à valider une vision plus proche de ce que ressent la population, encore traumatisée par le bruit des bottes russes. Ainsi, David Kezerashvili a exprimé publiquement son soutien au peuple ukrainien sur son compte Facebook, en prenant parti pour les mouvements qui s’affichent “aux côtés de l’Ukraine” et signe ouvertement des pétitions qui réclament l’adhésion de la Géorgie à l’Union Européenne.  

Sur le terrain, on ignore le nombre de volontaires géorgiens qui ont traversé les frontières via un pays tiers, le gouvernement empêchant les décollages vers l’Ukraine, mais trois citoyens au moins y ont trouvé la mort au combat en mars. Le peuple de Géorgie se mobilise aussi par l’action caritative énergique. Le gouvernement, dans son attitude craintive et ambivalente, fait quelques gestes humanitaires à l’intention des réfugiés. 

L’Amérique cerne les risques… et l’occasion historique

Kelly Degnan, ambassadrice des États-Unis en Géorgie, en appelle à Sun Tzu, pour qui du chaos surgissent les opportunités de l’histoire. La souffrance partagée avec l’Ukraine est une occasion, « pour ce pays profondément polarisé, de s’unir autour des principes – et des valeurs partagées que la Géorgie aime depuis des siècles”.  

La représentante de Washington reconnaît pleinement la confusion des sentiments géorgiens, oscillant entre la peur d’une nouvelle invasion et l’engagement déterminé en faveur de la liberté et du courage de l’Ukraine. La responsabilité du gouvernement est, certes, de tout faire pour protéger son peuple contre des représailles russes, tout en assurant une posture “équilibrée” sur la défense fondamentale de la souveraineté des États et l’aide humanitaire à un autre pays agressé.  

Tbilissi a présenté sa candidature à l’U.E et ne pourra que se conformer à ses principes démocratiques pour y parvenir. Le parti au pouvoir fait donc le grand écart avec ses propres intérêts de long terme, en s’attaquant aux valeurs incarnées par la Présidente Salomé Zourabichvili et l’homme d’affaires engagé David Kezerashvili. Mais l’utilisation de l’arme économique des sanctions serait un désaveu de la Normalisation et perçue par Poutine comme une “provocation”, pouvant servir de prétexte à une seconde manche : cette fois, la furie dévastatrice de Moscou s’arrêterait-elle aux frontières de l’Abkhazie ou de l’Ossétie du Sud?

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