Les fonctionnaire français, actifs et retraités, dans le viseur du fisc espagnol

Si vous êtes retraité de la fonction publique française ou employé de l´État français, vous êtes sûrement sous la « loupe » de l´administration fiscale espagnole. Par Elena Isabel Albaladejo Sobolewski, avocate fiscaliste et collaboratrice de Morillon Avocats.

Photo : Clémentine Laurent/Equinox

Dernièrement, deux types de contribuables ont attiré spécialement l´attention de l’administration fiscale espagnole : les retraités de la fonction publique française (résidant en Espagne), et les employés en actif travaillant soit dans la cadre de la fonction publique française, soit pour une entité relevant de l’État français (le Lycée Français, le Collège Saint Louis des Français, l’école Saint-Exupéry, l´Institut Français, la Casa Velázquez …).

Toutes les personnes résidentes fiscales en Espagne faisant partie de l´un de ces deux collectifs font l’objet d´un régime fiscal particulier, s’ils conservent la nationalité française. Ce régime est décrit dans l´article 19 du Modèle de Convention de l´OCDE et de l´article 19 de la Convention franco – espagnole faite à Madrid le 10 octobre 1995. Cet article prévoit une imposition exclusive des revenus concernés (salaires ou retraites) dans le pays d´origine (à condition de maintenir la nationalité française) et ne sont donc pas imposables en Espagne mais doivent être pris en compte pour calculer le taux d’imposition à appliquer au reste de revenus imposables en Espagne , si tant est qu’il y en ait. En revanche, si le contribuable concerné a demandé la nationalité espagnole et ne maintient pas la nationalité française, ces rétributions sont exclusivement imposables en Espagne.

Contrôle fiscal en Espagne systématique

Depuis le début de l´année 2022, les procédures de contrôle fiscal en Espagne systématiques à certains de nos clients faisant partie de l’un de ces collectifs ont augmenté, en dépit d’avoir satisfait leurs obligations fiscales en France et en Espagne. Ce type de procédures de contrôle commencent par la réception d’une lettre de l´administration fiscale espagnole indiquant qu’elle connait l’existence de la rémunération en question (salaire ou retraite) et qu’à son avis, le contribuable concerné n’a pas déclaré correctement en Espagne.

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Ces procédures de contrôle ont été également adressées aux personnes qui, étant obligées de déposer une déclaration de l’impôt sur le revenu espagnol, avaient correctement signalé les rémunérations étrangères comme revenus exonérés, à ne prendre en compte que pour calculer le taux d´imposition à appliquer sur le reste de revenus imposables. Le fisc a connaissance de l’existence de ces revenus de source non espagnole, car ils lui sont communiqués via les instruments d’échange automatique d’informations entre pays, en l’occurrence, la Directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal entre les États membres de l’UE. Toute administration fiscale est en droit de mettre en place les procédures de contrôle qu’elle considère nécessaires pour vérifier que les obligations fiscales la concernant sont satisfaites.

Le fisc espagnol a les moyens de se procurer les informations sans contacter l’intéressé

Le problème se pose quand l’administration fiscale espagnole, qui compte sur divers instruments juridiques lui permettant de prendre connaissance directe auprès des autorités fiscales des autres pays des informations dont elle a besoin – considère plus simple d’exiger au contribuable de se justifier plutôt que de demander des précisions aux administrations fiscales voisines.

Hacienda – le fisc espagnol – a les moyens de se procurer les informations sans contacter l’intéressé, connaissant parfaitement la nationalité de chaque contribuable et disposant des moyens d’obtenir des éclaircissements à propos de la nature des rémunérations étrangères à ses homonymes des autres pays. Les contrôles peuvent donc être évités d’autant qu’ils constituent un vrai dérangement pour les contribuables, surtout s’ils ont satisfait leurs obligations en bonne et due forme. De surcroît, ces contrôles impliquent pour certaines personnes un coût, car pour pouvoir se défendre ou faire face à ces procédures de contrôle, elles doivent se procurer un conseiller fiscal qui conteste pour eux ; en effet, en absence de réponse, l’administration fiscale enclenche une mise en recouvrement automatique pour l´impôt espagnol indue car dans la plupart des cas, aucune faute n´a été commise.

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L’inconvenance de cette pratique devient encore plus accrue si nous tenons compte du fait que la propre règlementation espagnole prévoit un catalogue des droits du contribuable et que ce catalogue précise, entre autres, que le contribuable a droit a ce que les procédures de contrôle suivies à son égard, le soient de la manière la moins pénible possible (article 34.k de la Loi 58/2003, de 17 décembre, Générale des Impôts espagnole). Il est avéré que les procédures de contrôle qui nous occupent ne sont pas suivies « de la manière la moins pénible possible ».

En vue de l´existence de ces procédures, en réalité fort dérangeantes, et qui dans certains cas se répètent sur plusieurs années successives pour le même contribuable même en ayant obtenu gain de cause la première fois, nous avons décidé d’informer la Commission Européenne de cette pratique administrative.

Une plainte a donc été déposée à cet égard. Nous sommes encore dans la première étape et devons attendre que la Commission Européenne examine le dossier afin de décider si, à son avis, il convient ou non d’engager une procédure formelle d’infraction contre l´Espagne.

Cela ne garantit pas que nous allions avoir une réponse favorable, mais, ou moins, c’est une manière de donner de la visibilité à cette situation de « poursuite » et de faire entendre ceux qui ont subi en silence ces contrôles sans même savoir comment s’y prendre.

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