Lois polémiques : le gouvernement espagnol sous tension

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La fin du mandat à la tête du gouvernement espagnol du Premier ministre socialiste Pedro Sanchez approche. Des élections législatives sont prévues dans un an. Le gouvernement fait passer les dernières lois les plus polémiques de la législature. Une situation qui met sous tension les différents partenaires de la coalition gouvernementale : socialiste et gauche radicale. Décryptage. 

« Je veux désinflammer la Catalogne, je serai celui qui prescrit de l’ibuprofène. » Lors de son accès au pouvoir, Pedro Sanchez a été clair : indépendantisme radical à Barcelone et la droite espagnole à Madrid sont responsables des événements de l’automne 2017 qui ont conduit à une déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne.

La solution pour le chef du gouvernement passe par un dialogue avec la frange modérée du souverainisme catalan et une série de mesures legislatives visant à retirer la pression sur les leaders indépendantistes poursuivies par la justice. Pedro Sanchez a trouvé des convives pour s’asseoir à sa table des négociations : la gauche républicaine catalane (ERC), actuellement au pouvoir sous la présidence de Pere Aragonès.

Après les grâces de juillet 2021 qui ont permis la sortie de prison des anciens ministres de Carles Puigdemont, le gouvernement a fait passer le mois dernier une réforme du délit de sédition qui permettra aux condamnés de demander une révision de leurs peines et de réduire ainsi la durée de la période d’inéligibilité qui les frappent.

La réforme du délit de malversation

Cette semaine, Pedro Sanchez veut aller encore plus loin, en modifiant la loi sur la malversation financière. Les anciens membres de l’exécutif de Puigdemont sont poursuivis pour avoir détourné de l’argent public afin de couvrir les frais d’organisation du référendum illégal du 1er octobre 2017.

La réforme de la loi vise à baisser le niveau des sanctions lorsqu’un détournement de fonds n’implique pas un enrichissement personnel. Ce qui est le cas des responsables indépendantistes poursuivis par la justice et qui pourront demander une révision de leurs peines. Cette fois-ci la mesure divise. A la fois à l’intérieur du parti socialiste et chez la gauche radicale de Podemos.

Les premiers voient un renoncement qui conduit à légitimer les actions illégales des indépendantistes en 2017. « Il n’est pas tolérable de convenir avec des criminels de leur propre peine » a déclaré Emiliano García-Page, président socialiste de la région Castilla-La Mancha. La gauche radicale, quant à elle, pense qu’affaiblir le délit de malversation risque de créer un désordre juridique dans lequel pourraient s’infiltrer des personnes ayant commis des actes de corruption financière. 

La fiasco de la loi sur les agressions sexuelles

Le désordre juridique est justement le second point de friction entre les socialistes et Podemos en raison de la loi concernant les violences sexuelles. C’était le texte phare de la ministre de l’Égalité. Irene Montero, poids lourd du parti de gauche radicale Podemos. Une loi qui voulait durcir les peines contre les violences sexuelles en incluant dans le code pénal le concept de l’expression du consentement. La loi supprime aussi la distinction entre le délit d’abus sexuel et celui d’agression sexuelle, qui incluait le viol.

Irene Montero

Un regroupement de ces deux concepts aux gravités différentes qui a eu un effet pervers : la peine minimale se voit automatiquement abaissée pour les deux délits. Or, selon la Constitution espagnole, une loi peut s’appliquer rétroactivement si elle est plus favorable qu’auparavant et si rien n’a été spécifié par le législateur.

De fait, des violeurs et agresseurs sexuels ont demandé une révision de leur condamnation et ont obtenu gain de cause devant des juges aux quatre coins du pays. Les socialistes, comme la droite, estiment que le ministère d’Irene Montero a mal rédigé la loi et demandent une réécriture. Ce serait un camouflet pour la ministre Montero qui a préféré accuser les juges cherchant à détourner la loi en raison de leurs tendances machistes.

La loi sur le changement de sexe

La dernière passe d’armes publique entre les deux alliés gouvernementaux concerne une loi sociétale relative à la liberté sexuelle. Podemos souhaite que les mineurs de moins de 16 ans puissent changer de sexe sans obtenir l’aval de la justice. Une mesure qui choque au sein des milieux féministes et que les socialistes ont tenté d’empêcher avec un amendement parlementaire. Cependant, Pedro Sanchez semble reculer et la loi sera adoptée telle que le souhaite Podemos.

Les autres lois polémiques

La fin de la législature sera compliquée, des lois polémiques devront encore être présentées en conseil des ministres : la réforme de la loi de sécurité intérieure. Votée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy m, cette loi est très sévère pour les personnes causant des troubles dans les manifestations. Abolir ou modérer cette loi est une grande promesse électorale des gauches. Les socialistes traînent des pieds pour examiner le texte . Les lois de protections des locataires et sur le bien-être animal séparent également les deux ailes du gouvernement.

Objectif :  rester à la tète du gouvernement espagnol

En période pré-électorale chaque parti tente de séduire sa base. Après avoir perdu leur bastion andalou au profit de la droite, les socialistes cherchent à gagner la Catalogne, qui est une des régions qui envoient le plus grand nombre de députés au parlement.

Pedro Sanchez veut apparaître comme celui qui aura mis fin à la répression du camp indépendantiste tout en garantissant l’unité de l’Espagne.  Un positionnement partagé par un peu plus de la moitié de l’électorat catalan. Podemos de son côtè veut prouver que la gauche radicale a réussi à réformer le pays avec des textes très progressifs et peu consensuels.

Pour le moment les sondages offrent à la droite et à l’extrême droite une majorité absolue lors des prochaines élections. Il reste un an à la gauche pour tenter d’inverser la tendance.

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