Qui sont les Pakistanais des supérettes de Barcelone ?

medecin français à Barcelone

Les supérettes de Barcelone sont toujours utiles dans le cas d’un oubli d’ingrédient ou pour des courses rapides avant une soirée. On est tous déjà rentrés dans les petits supermarchés, appelées “Pakis” par les Barcelonais et que l’on trouve à chaque coin de rue. Nous sommes allés à la rencontre des gérants.

Photo de couverture : Ahmed, 30 ans, Bangladeshi, travaille comme employé dans une superette du quartier de Gracia.

La porte du “Supermercat” est grande ouverte. Derrière la caisse enregistreuse, Haroun*, 25 ans, regarde une vidéo sur son smartphone. Emmitouflé dans une doudoune noire, le jeune homme n’a pas vu beaucoup de clients de la journée. “Ce n’est pas tous les jours comme ça, mais aujourd’hui c’est calme”, note Haroun en se levant de sa chaise balafrée de scotch.

Pakistanais, il débarque à Barcelone il y a “seulement cinq mois”. Depuis son Gujarat natal, le voyage a été long. Arrivé en Turquie avec un visa touristique, il rejoint la Grèce à pied. Après dix huit mois dans un camp de réfugiés à Corinthe, avec un faux passeport, il réussit à s’envoler vers la capitale catalane. Aujourd’hui, Haroun travaille “au noir” dans cette épicerie tenu par un compatriote dans le quartier gothique. 

Supérettes de Barcelone : une communauté bien implantée 

“Je travaille 12 heures par jour et je suis payé 700 euros par mois. Avec ça, je dois payer mon logement de 200 euros et j’envoie 400 euros à ma famille. Il me reste 100 euros pour me nourrir”, sourit-il. Le jeune homme doit patienter, au moins trois ans, pour pouvoir prétendre à un permis de résidence temporaire.

Pour faire des économies, il souhaite aller en France pour une année dans une entreprise de peinture qui “paye plus”, puis reviendra en terre catalane sur des conseils “d’amis”.  Beaucoup de nouveaux arrivants sont malheureusement exploités par leurs compatriotes. « Le loyer de notre logement est de 400 euros en tout, mais même si on est quatre à l’intérieur, on doit chacun payer 200 euros« , avoue le jeune caissier.

Selon les dernières données de l’Institut national de la statistique, environ 100.000 Pakistanais résident légalement en Espagne. Plusieurs milliers y vivraient de manière illégale. 55 % d’entre eux sont installés en Catalogne dont plus de 87 % à Barcelone. 

Comme beaucoup de Pakistanais, Haroun voudrait s’installer ici et faire venir sa famille. La communauté détient la majorité des magasins alimentaires, les fameux “Supermercat”, les boutiques de téléphonie mobile ou encore les restaurants bon marché. 

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Dans une étude publiée en 2017, les premiers migrants pakistanais sont arrivés en Espagne pour travailler dans les mines et l’industrie pétrolière dans les années 1970. Aujourd’hui, l’attirance pour les métropoles et les activités de service est prédominante.

« J’aimerai que ma compagne me rejoigne »

Perché sur un escabeau, Ahmed, 30 ans, range des produits d’hygiène sur une étagère à l’entrée d’une supérette au cœur du quartier de Gracia. Bangladeshi, il vit depuis 2017 dans la capitale catalane. Son patron est Pakistanais. « Je crois qu’il a plusieurs magasins dans le quartier« , indique l’homme en s’afférant dans l’arrière boutique.

Depuis cinq ans, il vit dans le Raval et partage une chambre avec un ami. « J’aimerais que ma compagne me rejoigne. Mais ce n’est pas facile pour trouver un logement en ce moment. Les prix des loyers sont très élevés avec la crise et l’inflation« .

supermarchés de Barcelone

Ahmed, 30 ans, Bangladeshi, est arrivé à Barcelone en 2017. Employé d’un « Supermercat » dans le quartier de Gracia, il espère pouvoir faire venir sa femme.

Connu pour être le quartier le plus international de Barcelone, El Raval, au centre de la ville, concentre, toujours, la majorité de la communauté pakistanaise mais aussi bangladeshi, indienne et marocaine. Dans une petite rue qui mène à la plaça Salvador Segui, la supérette d’Iqbal, 42 ans, est bien connue des habitants aux alentours. « Ça fait plus de 21 ans que je vis ici

En costard bleu foncé, des bagues à presque tous les doigts, l’homme n’a pas la tenue qu’on imagine derrière un comptoir de supermarché. “Je suis propriétaire de mon magasin depuis trois jours”, indique-t-il fièrement. En plus, Iqbal gère quatre autres échoppes et treize personnes travaillent sous ses ordres. Des Pakistanais pour la plupart, mais aussi des Bangladeshi. Arrivé de manière illégale dans les années 2000, il a monté les échelons petit à petit. 

A l’écart d’une ruelle de Gracia, Naveed, 35 ans, joue avec son fils dans le seul rayon que compte sa petite supérette, “Alimentacio”. Cela fait dix ans qu’il est installé dans la capitale catalane. Il a dû attendre cinq ans pour faire venir sa femme et son fils. “Au début, j’envoyais de l’argent dès que je pouvais. Il faut être patient”.

Son frère, arrivé avant lui en Catalogne, l’a aidé à ses débuts. Avant lui, un autre compatriote tenait l’épicerie. La plupart des hommes arrivent en premier, font venir leurs frères, leurs oncles et leurs cousins. Une fois leur situation économique stabilisée, le reste de la famille peut venir avec le regroupement familial. Le prix à payer pour réussir à Barcelone.

*Le prénom a été modifié.

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