A Barcelone, les aiguiseurs de couteaux en voie de disparition

Le métier d’aiguiseur de couteaux tombe peu à peu dans l’oubli dans la capitale catalane comme dans d’autres villes en Espagne. Nous avons rencontré Sergio et Toni, deux passionnés, qui affûtent les lames des bouchers, des cuisiniers ou des particuliers

Photo de couverture : Segio Fatanella devant son magasin.

Dans sa petite boutique de quartier près de la Sagrada Familia, Sergio Fatanella, 58 ans, prépare sa journée. Il “bricole”. Autour de lui, c’est un peu le foutoir. Des couteaux démontés et des lames en attente d’être façonnées sont dispersées dans son atelier. “Ce matin, j’attends un restaurateur qui doit apporter son matériel”. 

Cela fait six ans que l’homme s’est installé dans l’ancienne boucherie de ses parents. “Avant ça, j’ai fait tout un tas de choses mais j’avais envie de reprendre possession de ce lieu qui m’est familier”. S’il n’est pas issu d’une famille d’aiguiseurs de père en fils, l’artisan est quand même “naît dans les couteaux”, d’une certaine façon.

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Les murs carrelés de l’ancienne boucherie de la mère de Sergio. Au-dessus des couteaux, des bois de cerf, qu’il récupère « à droite et à gauche » pour façonner les manches.

En plus d’aiguiser des lames, Sergio les fabrique. “C’est du sur-mesure. Les clients me demandent ce qu’ils veulent en fonction de leur usage”. Façonner la lame, découper le bois, assembler l’objet. Tout est une question de patience et de savoir-faire. “J’aimerais en faire plus mais c’est pas comme ça que je vais vivre”, assène-t’il. 

A Barcelone, les aiguiseurs vagabonds, qui se baladent dans les rues, ne sont plus très nombreux. “Il doit en rester une quinzaine dans toute la ville”, énonce Sergio. “Le métier se perd à petit feu”.  

Une tradition galicienne

En Espagne, le berceau des premiers aiguiseurs se trouve en Galice. Plus précisément dans la région d’Orense dans la petite ville de Luintra. A la fin XIX ème siècle, la “profession” s’étend au-delà des frontières galiciennes et en dehors du pays, notamment sur le continent américain. Certains aiguiseurs vont diversifier leur activité pour faire fructifier leur affaire en devenant également réparateur de parapluies. 

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La devanture de la Casa Lama fondée en 1900 dans le quartier gothique.

C’est le cas de la famille Lama. Toni, 39 ans, tient l’historique Cuchilleria Lama dans le quartier gothique. Depuis 1900, la boutique tient sa place au 9 Carrer Dels Mercaders. Issu de la quatrième génération d’une famille galicienne, Toni retrace l’histoire du métier derrière son comptoir.

La légende voudrait qu’un aiguiseur français soit venu en Galice avec une machine qui pouvait se déplacer grâce à des roues en bois. Une de ses roues se serait cassée en chemin. Le charpentier qui l’a réparé aurait copié la machine”, explique-t-il. D’autres versions se retrouvent dans les livres mais c’est cette amélioration technique qui aurait permis aux aiguiseurs galiciens d’émigrer.

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Toni Lama représente la quatrième génération des aiguiseurs de couteaux de la famille.

J’ai appris en regardant et en faisant. Il n’y a pas de secret”. Dès le plus jeune âge, Toni répare les parapluies avec sa grand-mère. “C’était moins dangereux que les couteaux dans un premier temps”, sourit-il. “Ce métier fait partie de mon ADN, je ne me voyais pas faire autre chose”. 

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Travailler les lames nécessite un savoir-faire.

Comme s’il ne voulait pas dévoiler la “recette Lama”, Toni expose le processus pour aiguiser un couteau sans s’épancher. “Ça dépend du couteau et du type d’usage mais il faut travailler la lame sur quatre à cinq pierres différentes”.

Preuve s’il en est de la qualité de son travail, il se rase les poils de l’avant-bras avec un couteau qu’il vient tout juste d’affûter. “C’est le vrai test”.

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