Expatriés depuis des années à Barcelone : « Je ne reconnais plus la France »

solidarité des barcelonais

Vivre pendant plus de 15 ans à l’étranger peut parfois créer une rupture entre ses racines et sa nouvelle vie. Et pour cause, certains Français de Barcelone ne reconnaissent plus leur pays d’origine. Témoignages. 

Photo : Clémentine Laurent Photographie

Après plusieurs années à l’étranger, certains expatriés Français ont fini par rompre les liens avec leur pays natal. Modes de vie différents, repères nouveaux ou tout simplement société changeant de paradigme… Autant de facteurs qui alimentent un sentiment de césure entre le pays d’origine de l’expatrié et sa nouvelle vie. C’est le cas de Carole, 45 ans. Arrivée à Barcelone il y a plus de 20 ans, lors d’un Erasmus, cette Chambérienne d’origine, n’a plus quitté la cité comtale. « Au bout de 20 ans, je me sens vraiment Barcelonaise. Pour ne rien vous cacher, j’ai même du mal à reconnaître la France que j’ai quittée », confie-t-elle.

Acclimatation catalane

Au fil des années, certains expatriés français à Barcelone ont fini par adopter le mode de vie de la capitale catalane. Une situation telle, que pour ces Français, la cité comtale est devenue leur « cocon », au détriment de leur vie outre-pyrénéenne. Pour Marie, Sétoise de 48 ans installée à Barcelone depuis 2011, ses nouveaux repères lui ont fait oublier son « train-train quotidien français ». Avant de rejoindre la capitale catalane, Marie a d’abord vécu à Gérone. « J’ai passé 11 ans à Gérone, j’y suis allée par amour, puis j’ai trouvé un emploi là-bas. Pourtant, je voulais m’installer initialement à Barcelone. J’y avais fait mes études et j’ai toujours eu le sentiment que ma place était ici » affirme-t-elle. Dès lors, la Sétoise d’origine qui exerce dans les ressources humaines, se décide de retrouver la cité comtale. Une installation qui a conforté une idée : « Je me sens chez moi à Barcelone ».

Pour d’autres, l’acclimatation est plus longue. Xavier, 45 originaire de Béziers a mis environ 3 ans pour se créer de nouveaux repères. « Je me suis installé à Barcelone il y a 15 ans. À l’époque, je ne parlais pas un mot d’espagnol ou de catalan, alors je restais essentiellement avec la communauté française de Barcelone », se remémore-t-il. En parallèle, l’abandon des habitudes françaises au profit du mode de vie barcelonais a été un long processus pour le Biterrois. « Au niveau de la nourriture, j’étais un peu perdu. À l’époque, on ne trouvait pas autant de produits français que maintenant, une bonne baguette, du bon bœuf, etc. Cela a été un défi de s’acclimater en ce sens, mais au bout de trois ans, j’ai pu me créer de nouvelles habitudes pour enfin me sentir bien ici, d’autant plus que je désirais profondément vivre dans une grande ville européenne bordée par la mer ». Une ville qui a séduit bon nombre de Français au vu des données de la municipalité catalane. En effet, en 2022, 8,9 % des Français de Barcelone affirmaient être installés dans la cité comtale depuis plus de 15 ans.

Évolution indéniable de la France

Des dizaines d’années plus tard, certains expatriés Français retrouvent toujours des éléments qui, selon eux, caractérisent leur pays. « En ce moment, il y a des grèves et blocages. Cet aspect n’a pas changé depuis mon départ de France », plaisante Xavier. Cependant, en l’espace de 15 ans, les changements semblent conséquents pour certains expatriés. « Quand je retourne à Béziers, je suis sidéré par la bétonisation. Plein de coins de nature ont disparu, et avec, des souvenirs de jeunesse », déplore l’ex-Biterrois.

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Photo : Clémentine Laurent Photographie

Autre aspect, une mondialisation qui alimente une évolution sociétale aussi bien en France qu’en Espagne. « Avant de quitter la France, je trouvais que les gens n’étaient pas tatoués comme l’on pouvait le voir en Espagne. Quinze ans plus tard, j’ai l’impression que cette mode a traversé la frontière, car quand je retourne à Béziers, je trouve que les tatouages se sont banalisés. En ce sens, je considère que la mondialisation a rapproché un peu plus la France et l’Espace », analyse Xavier. Pour Carole, la France a changé en matière de qualité de vie : « Vivre à l’étranger permet d’avoir un peu de recul, et de Barcelone, j’ai l’impression que la France a pris la mauvaise direction. De plus en plus de tensions se font ressentir et des amis vivant toujours en France songent à quitter le pays en raison d’un changement de mentalité. En quelque sorte, il ne ferait plus aussi bon vivre en France », soupire l’ex-Chambérienne.

« Un retour en France reviendrait à revivre une expatriation »

Les changements en France ont été tels, que même le vocabulaire a subi une évolution… au détriment des expatriés de retour en France. « Quand je revenais en France, j’avais tendance à utiliser l’ancien vocabulaire de la France. Je continue à dire ANPE au lieu de Pôle Emploi, RMI au lieu de RSA, et même France Telecom au lieu d’Orange », se remémore avec humour Xavier.

L’adaptation à Barcelone a été si profonde pour ces expatriés, qu’un retour en France pourrait s’avérer compliqué : « Toute ma vie est ici, à Barcelone, maintenant. J’ai fondé une famille ici, je travaille ici, j’ai un groupe d’amis… Revenir en France serait difficile pour moi, je dirais même que cela reviendrait à revivre une expatriation », confie Marie, originaire de Sète. Pour certains, être tiraillé entre deux pays, deux cultures, alimentent un sentiment de perte d’identité : « Je me sens apatride. Je n’arrive pas à me sentir 100 % Barcelonais, car j’ai une culture française, très marquée, et ici, je travaille en français donc c’est très dur de pratiquer le catalan et l’espagnol. En parallèle, j’ai aussi tous mes repères à Barcelone depuis 15 ans. Qui plus est, je ne rentre pas énormément en France, je dois y rentrer 1 à 2 fois par mois », admet Xavier. Ainsi, pour ces Français de Barcelone, un retour dans l’Hexagone semble compromis tant la ville de Barcelone a su leur offrir une vie douce et chaleureuse.

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