Locataires français à Barcelone : « on est la cible parfaite »

Barcelone

Cautions perdues, loyers enflés. Et si les expatriés étaient les clients préférés des agences immobilières ? Plus d’un Français à Barcelone estime s’être fait avoir. Question de culture, langage et incompréhension.

Photo : Clémentine Laurent

« Je n’ai jamais osé vous le dire, mais vous êtes ceux qui paient le plus cher, car vous êtes des expatriés. » Voici ce que le voisin d’Ana, 31 ans, lui a avoué le jour de son déménagement, il y a quatre ans. La Dijonnaise habitait dans le quartier de Sant Martí à Barcelone, avec son compagnon et un colocataire. À trois, ils déboursaient 1 200 € par mois. Soit 400 € de plus que les loyers de ses voisins possédant la même surface. « Sans aucune paranoïa, le fait qu’on soit Français n’a pas aidé », déclare celle qui enseigne la langue de Molière, mais ne savait pas parler catalan à son arrivée. Alors pour elle, cela ne fait aucun doute : l’agence immobilière a fait monter le prix. « Ils se sont dits, on teste. » 

Un avis que ne partage pas Laure Condamine, à la tête d’une société de relocation A place to live Barcelona. La chercheuse d’appartements, passée par des agences immobilières locales avant de monter son entreprise, voit les choses autrement. « C’est de l’économie. Il n’y a pas assez d’offres pour trop de demandes, alors les prix montent. Les agences ont tout intérêt à augmenter le montant, car elles prennent un pourcentage à la signature des contrats ». Parfois même, les expatriés jouent le jeu. « J’ai vu des procédés à l’américaine. Certains sont prêts à surenchérir pour avoir le bien qu’ils veulent ». En revanche, là où ils peuvent (souvent) se faire avoir, c’est sur la méconnaissance d’un quartier ou sur la caution, estime la professionnelle. Pour cette dernière, elle recommande d’envoyer un mail rempli de photos détaillées.

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Photo : Clémentine Laurent

À ce jeu, Carole, 56 ans, possédait quelques cartes et expériences en main. « Je ne suis pas née de la dernière pluie, ricane-t-elle. Et pourtant… ». Trois mois de garantie dans le vent, pour une maison « louée qu’à des étrangers« . Elle-même avoue posséder toute l’allure pour se faire « arnaquer ». Il y a huit ans, alors qu’elle cherchait une maison à louer à Vilafranca del Penedès, en province barcelonaise, la Parisienne effectuait quelques rapides allers-retours. « Ça faisait la Française débordée, qui a du fric, qui ne discute pas sur le nombre de cautions ». L’expatriée à peine intégrée, qui ne parlait que peu le castillan, et quasiment pas le catalan. Celle qui se disait « ce n’est pas mon pays, je fais confiance à l’agence ». « On est la cible parfaite », se désole-t-elle.

Différences de culture et expatriés moins méfiants

Pas vraiment, renchérit Laure Condamine, experte de ce marché depuis huit ans. Elle ne contredit pas pour autant : « Un expatrié va être moins au fait. C’est pour ça que mon business fonctionne. Mais des locaux peuvent se faire entourlouper tout pareil ». La nuance se trouve surtout dans la différence culturelle et le langage. « Quand ce n’est pas ta langue, tu as tendance à faire davantage confiance. » Or, expatriés ou non savent qu’il ne s’agit pas de la meilleure option.

D’une part, en Espagne, la culture de l’oral prend le dessus sur celle de l’écrit. Et d’autre part, la loi n’a pas tendance à se faire respecter comme elle se doit. À titre d’exemple, légalement, la possibilité de quitter un logement commence au bout du sixième mois. « Mais sur les contrats de cinq ans, les agences ont le droit de rajouter une « pénalisation » d’un mois par an non-loué », explique Laure Condamine. Une petite ligne qui peut s’ajouter discrètement, sans en expliquer le détail. « Certains profitent de faire passer cette clause, car les étrangers ne comprennent pas ». Mais qu’ils se voient rassurés. Nul besoin d’être étranger pour ne pas comprendre ses propres lois. Et en réalité, en Espagne, « les textes ne sont pas toujours lisibles », ajoute la professionnelle de l’immobilier. Même pour les Barcelonais.

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