Miguel Morillon : « Les parents d’élèves sont inquiets du déconventionnement des écoles françaises en Espagne »

ÉCOLES FRANÇAISES EN ESPAGNE – Alors que les communautés éducatives des Lycée français de Villanueva de la Cañada (Madrid) et d’Alicante traversent une période d’incertitude après l’annonce de déconventionnement de leurs établissements réalisée par la Mission Laïque Française, la rédaction a rencontré Miguel Morillon, avocat de la ALI (Association des Parents d’élèves du Lycée Molière).

Que signifie le déconventionnement d’un lycée français ?

Le déconventionnement d’un lycée français est un processus par lequel la convention entre l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE) et l’établissement de gestion est dissoute et donc n’a plus d’effets. L’AEFE se désengagerait donc du pilotage pédagogique du lycée. L’établissement pourrait alors devenir un établissement partenaire, mais il s’agit d’un statut différent, sous des conditions différentes, notamment en termes financiers et de personnel.

Néanmoins, les élèves de nationalité française continueraient d’avoir accès au système de bourses de l’Etat français.

Que représente cette convention pour le fonctionnement d’un établissement ?

Cette convention accorde à l’AEFE la responsabilité du pilotage pédagogique des établissements. Par cette convention l’AEFE s’engage entre autres au recrutement et à la mise à disposition de personnels enseignants et de direction.

Quelles seraient les conséquences du déconventionnement par la fin de l’accord-cadre signé en 2021 ?

Le déconventionnement présente plusieurs défis importants car le conventionnement oblige les deux parties au respect d’un certain nombre d’engagements et d’objectifs à atteindre.

Sans conventionnement l’établissement deviendrait « partenaire » de l’AEFE. Ce partenariat n’est autre que l’homologation du centre, qui certifie que l’enseignement délivré par l’établissement répond bien aux exigences et aux normes de l’enseignement français.

Avec un statut de partenaire, l’AEFE n’a plus aucune obligation de moyens pour atteindre cet objectif.  Cela se traduit principalement par le fait de devoir recruter en local tout le corps enseignant et le personnel de direction et de gestion. Ce statut ne permet pas de bénéficier de personnels détachés, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur la qualité et la motivation des enseignants, coupés du lien direct avec l’Education Nationale. Ne Il y a un risque de perte de stabilité et de reconnaissance institutionnelle.

Les lycées français homologués, en gestion directe, conventionnés ou partenaires, sont intégrés à un réseau mondial d’établissements qui partagent des normes pédagogiques et des programmes d’enseignement communs. Cette appartenance offre une garantie de qualité et de cohérence. Mais le partenariat dépend du maintien de l’homologation. Il faut rappeler que “Les établissements sont amenés à justifier périodiquement du respect des critères d’homologation” et que « tous les établissements homologués font l’objet tous les cinq ans d’une procédure de renouvellement d’homologation et peuvent faire l’objet, en cas de signalement, À TOUT MOMENT d’uneprocédure de suivi ou de placement en année probatoire. » (Source AEFE)

En tant que partenaires, sans enseignants ni équipe de direction du réseau de l’éducation nationale, il faudra être très vigilants sur la qualité de nos programmes et de notre enseignement et de l’état financier de notre établissement, facteurs clés de l’homologation.  

WhatsApp Image 2023 05 28 at 12.34.49Un autre inconvénient majeur est la perte de ressources financières et de soutien de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE).

La rémunération du personnel (enseignants résidents et équipe de Direction) serait à la charge de l’établissement. Ce changement est coûteux et implique une hausse des frais de scolarité que devront assumer directement les familles.

Les lycées français homologués bénéficient de divers avantages fournis par l’AEFE, tels que des formations continues pour les enseignants, des ressources pédagogiques, des partenariats avec d’autres établissements, au même titre que les conventionnés.L’homologation prévoit aussi l’octroi de subventions, mais l’obtention de ces aides passe par la présentation de dossiers et en aucun cas elles ne sont garanties.

Sans assistance des réseaux traditionnels, les lycées devront trouver des alternatives pour maintenir la qualité de l’enseignement et un équilibre des comptes, ce qui est un défi financier et logistique considérable !

L’histoire nous en donne des exemples. La situation financière et les problèmes des établissements déconventionnés dans le reste du monde depuis une vingtaine d’années ne laissent aucun doute : une dégradation de toutes les variables qui touchent à la vie scolaire et éducative s’en suit.

 

À quoi se devrait cette dégradation ?

En premier lieu, l’obligation de devoir assumer les coûts salariaux de personnel et de direction, dans une situation financière déjà très fragilisée, en ce qui concerne le Lycée Molière en tout cas.

En second lieu, des répercussions qualitatives touchant l’enseignement en lui-même, le risque de déficiences de formation et de motivation du personnel local hors critères du système éducatif français.

L’un dans l’autre, et confrontés déjà à une forte inflation età l’augmentation des frais de scolarité et du transport scolaire, les parents vont subir une baisse de la qualité de l’encadrement et une augmentation des coûts. Cela ne peut qu’être préjudiciable pour l’image et la performance de ces établissements, et ne fera qu’aggraver encore davantage le phénomène de pertes d’élèves que nous connaissons depuis quelques années.

Quelles sont les raisons qui poussent la MLF à avancer vers ce déconventionnement d’écoles françaises en Espagne ?

La politique du gouvernement actuel de doublement du nombre d’élèves scolarisés dans les établissements du réseau scolaire français à l’étranger d’ici à 2030 doit aller de pair avec une augmentation significative du budget qui accompagne cette stratégie, et c’est loin d’être le cas. On ne peut pas faire plus avec moins, c’est une mathématique illusoire : l’excellence des établissements d’enseignement français à l’étranger ne sera qu’une utopie si les moyens humains et financiers ne suivent pas.

Par ailleurs, certaines rumeurs signalent que la MLF porte plus d’intérêts à d’autres régions du monde qu’àl’Espagne, et qu’en conséquence les efforts financiers seraient « réorientés ».

Comment les parents et les élèves ont-ils réagi à cette décision de déconventionnement ?

Les parents ont exprimé des préoccupations quant à la perte de la reconnaissance officielle et à l’impact potentiel sur les études futures de leurs enfants et craignent que la qualité de l’enseignement se voit dégradée.

Mais la principale préoccupation est sans aucun doute la survie du Lycée Molière, dont la situation financière est la plus déficitaire du réseau MLF et ne peut que s’aggraver sans les ressources humaines et financières de l’AEFE.

Face aux risques encourus, les communautés éducativesdes lycées en risque de déconventionnement en Espagne doivent absolument se faire entendre, car jusqu’à présent, l’opacité, l’absence de dialogue et l’ambiguïté ontcaractérisé les agissements de la MLF.

On ne peut pas prétendre fédérer les communautés scolaires (personnels, enseignants, et parents d’élèves) autour d’une décision unilatérale dont ils ignorent les tenants et les aboutissants. Il faut donc s’organiser au sein d’un groupe de travail déterminé à agir en faveur de l’avenir de ces établissements.

 

Miguel Morillon : « Les parents d’élèves sont inquiets du déconventionnement des écoles françaises en Espagne »

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