La Costa Brava, sur le point de devenir une décharge

costa brava

Des déchets à la place des poissons. Chaque jour, les pêcheurs de Catalogne se découvrent une nouvelle profession : nettoyeur de la mer. À l’image d’une réalité qui paie les frais de plusieurs années de pollution. Coulisses de la face cachée de la Méditerranée, bien loin de ses idylliques reflets bleutés. 

Photos : Planet-wissen

Jouets, pneus de voiture, machines à laver, bidons de peinture. La Méditerranée serait-elle en passe de devenir une décharge ? Depuis quelques années, sur la Costa Brava et au large de Barcelone, les pêcheurs et poissons cohabitent avec des êtres non-vivants. Pas un jour ne passe sans que les filets des marins de Catalogne se remplissent de déchets. À tel point que dans leur CV, on pourrait aisément ajouter une nouvelle profession : éboueur maritime.

« Les embarcations reviennent tous les jours avec des poubelles. Ils passent des heures et des heures à nettoyer la mer », commente Ferran Martinez, directeur de la Confrérie des pêcheurs de Blanes, au-dessus de Barcelone. Plus de 1 600 heures, l’année dernière, comptabilise les membres du projet de sensibilisation catalan Pesca Neta, qui collabore avec eux depuis quatre ans pour quantifier le nombre de débris retrouvés en mer.

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Photo : Pesca Neta

Qu’ils soient sous la pluie, sous le soleil ou face au vent, les 1 200 marins catalans récoltent le fruit de ce que sèment les habitants du littoral. « Encore plus en automne ou en hiver, après les tempêtes ou fortes pluies. Et à Barcelone, l’été, particulièrement entre les mois d’août et septembre, fait partie des saisons fortes », assure Itziar Segarra, directrice adjointe du projet, non sans évoquer la forte présence touristique. Si la porte-parole de l’association sait identifier ces périodes d’intense revers d’incivilités, c’est grâce à la participation de 600 chaluts et bateaux catalans, et aux bras qui trient les rebus maritimes.

 11 camions citerne de déchets sur la Costa Brava

« Sur les bateaux, ils ont un bac spécifique qui permet de voir le volume de déchets pêchés. Et quand ils arrivent au port, ils les mettent dans un conteneur dédié au plastique. Les 3/4 des débris sont en plastique « , explique la co-leadeuse du projet. Le rôle des marins est donc essentiel. À la fois pour la nature, mais aussi pour transmettre la réalité du terrain : une mer qui paie les pots cassés.

En 2022, pas moins de 70 000 litres de résidus, soit l’équivalent de 11 camions citernes, ont été ramassés dans la Méditerranée. Faisant d’elle, officiellement, l’une des plus sales de la planète, assure Eve Galimany, chercheuse à l’Institut des Sciences de la mer de Barcelone.« La mer Méditerranée est fermée, et n’a pas d’échanges d’eau avec d’autres mers. Alors tous les déchets s’accumulent au même endroit », précise-t-elle. Entre autres : dans les fonds marins.

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Photo : Pesca Neta

Ce sont dans ces vastes profondeurs, entre 60 et 220 mètres, que tous les rébus se regroupent. « On retrouve des bouteilles en plastiques et de sodas qui datent de plus de 30 ans », déclare Itziar Segarra du projet Pesca Neta. Les plus lourds gagnent rapidement le fond, tandis que les plus légers flottent un temps et longent le littoral avant de rejoindre la lourde collecte de plusieurs années de maladresses. Le plus souvent, elle est visible dans les zones centrales, vers Gérone ou encore le Delta de l’Ebre. « Mais globalement, on le remarque surtout près des grandes villes comme Barcelone, Badalona ou Tarragone ». « 

« On ne paye pas les pêcheurs pour réparer nos erreurs »

Mais avant d’arriver jusque-là, les chercheurs invitent à regarder un peu plus près. Car le parcours des déchets prend, en réalité, son départ dans le quotidien. Les jeux en plastiques, entre autres, sauront parler aux familles. Tandis que les serviettes hygiéniques, palme d’or du déchet le plus trouvé, parleront aux femmes qui les jettent encore trop souvent dans les toilettes. « On paye les pêcheurs pour nous ramener à manger, pas pour réparer nos erreurs normalement », insiste la coresponsable du projet Pesca Neta.

Pescador fent el triatge de la brossa recollida durant un ajorndad de pesca photo 2023 01 26 17 21

Photo : Pesca Neta

Mais la plus grande faute, selon la scientifique Eve Galimany, reste la production de plastique. « Il faut la freiner. On a produit plus de la moitié du plastique qui se trouve sur cette planète durant les 20 dernières années », s’exclame celle qui travaille en collaboration avec la Generalitat et les pêcheurs. Elle prône des changements d’habitude de consommation, dès le début. Et ensuite : le recyclage des déchets et la réutilisation des matières premières. C’est là, selon l’experte, le nerf de la guerre. « Le problème vient de la mauvaise gestion des déchets sur terre », confirme-t-elle.

Une désorganisation générant un trop-plein. Le tout terminant dans la mer, à la première bourrasque. Direction la Méditerranée, ses animaux et ses pêcheurs. Encore prêts, malgré tout, à retrousser leurs manches pour sauver, un temps soit peu, leur mer.

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