Jamais invité chez vos amis catalans ? C’est normal

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10 ans, 15 ans, voire 20 ans d’amitié avec des Catalans, et aucun repas à leur domicile ? À Barcelone, même les expatriés français très bien intégrés n’arrivent pas à passer le pas de la porte de leurs amis locaux. Et c’est, en réalité, normal.

Photo : Cyane Morel

C’est un cap qui, une fois passé, scelle de belles amitiés. Inviter ses amis chez soi pour un repas veut dire beaucoup. En France, du moins. Mais ici, au nord de l’Espagne, pour s’asseoir à la table des Catalans, il faut parfois attendre longtemps. Très longtemps. Voire indéfiniment. « J’ai deux très bonnes amies catalanes. Depuis plus de 10 ans, j’ai dû les inviter une vingtaine de fois à la maison et je ne suis jamais allé chez elles », lâche Christophe, 40 ans, originaire de Clermont-Ferrand. « J’ai pourtant eu le temps de m’intégrer, en 20 ans à Barcelone. Mais autant les Espagnols invitent volontiers chez eux, autant les Catalans ne retournent jamais l’invitation », renchérit Amine, 48 ans.

Lorsqu’il s’agit de se voir, direction le café ou le restaurant. Et l’excuse est toujours la même : « elles sont célibataires et vivent chez leurs parents ». Si tant est qu’ils en donnent. Car Didier, Toulousain d’une soixantaine d’années, lui, affirme ne jamais avoir eu de justifications. « Ils n’en parlent pas, c’est tout ». L’entrepreneur vit en Catalogne depuis plus de 15 ans. Avec son compagnon, ils ont parcouru la Costa Brava avant de s’installer à Barcelone. Mais les seules fois où ils ont été accueillis au domicile de leurs amis se comptent sur les doigts d’une main.

Or lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi : silence. Alors, à chacun ses théories. Un manque de convivialité ? De la radinerie ? Une question d’intimité ? Ou tout simplement, une question de caractère ? « On fait avec, sans vraiment le comprendre. On est différents, c’est comme ça », se résigne Didier, avec une part d’amertume. Il faut dire que pour les Français, tous comme d’autres nationalités plutôt du Nord, ne pas accéder à l’intimité de leurs copains peut créer une distance. « C’est très loin de nos habitudes humaines, culturelles et sociales, sans porter de jugement de valeur ».

Une question d’habitude, plus que de culture ?

Mais c’est pourtant tout sauf une preuve d’impolitesse. En fait, c’est tout à fait normal, explique le sociologue barcelonais Jordi Bonet Martí. Lui-même avoue n’avoir reçu des amis chez lui qu’à trois reprises cette année, et ce ne sont que des très proches. « Ce n’est pas tant une question de culture que de style de vie. En Catalogne, on est habitués à vivre dehors », assure le professeur universitaire. À l’heure de parler sortie entre amis, les Catalans proposeront tout de suite une adresse à l’extérieur. « C’est plus commun, alors que dans d’autres pays comme au Québec ou en Suisse, ils invitent plus facilement », reconnaît Jordi Bonet Martí.

EspagnolsD’une part, parce que le climat joue en faveur des terrasses, particulièrement nombreuses. Mais aussi parce qu’économiquement, « prendre un café à Barcelone, dans un joli endroit, est beaucoup moins cher qu’à Paris ou ailleurs en Europe« . Et qu’il n’est pas dérangeant de passer plusieurs heures dans un bistrot pour passer du temps avec son entourage. C’est, en tout cas, la réponse factuelle. D’autant qu’elle commence à s’estomper avec la nouvelle génération, représentée par les jeunes de 20 ans, bien plus casanière et digitale. « Eux, auront tendance à passer plus de temps ensemble dans leur appartement ou maison. »

Mais du côté français, on n’en démord pas : l’étiquette du Catalan fermé leur colle à la peau, et à raison. « Parfois, quand on les invite, ils insistent même pour aller ailleurs, dans un restaurant, pour ne pas avoir à se sentir redevable », déclare Amine qui chiffre son entourage composé de seulement 10 % de Catalans. Malgré tout, passé ce petit barrage, nier leur ouverture d’esprit et leur facilité d’accueil serait de mauvaise foi. Après tout, on ne peut pas tout avoir. Ainsi vont les amitiés en Catalogne.

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