Pour l’expérience, ou pour la vie. Lola et Candice font partie de ces Français qui ont mis de côté leur carrière pour Barcelone. Un choix fait sans regret, bien qu’avec un léger pincement au cœur. Témoignages d’un phénomène de société.
Photo : Clémentine Laurent
Aimer Barcelone, à en perdre sa passion. Candice, 32 ans, était prête à tout pour vivre dans la cité catalane. Quitter sa ville d’origine, Paris, mais surtout, lâcher sa carrière pour Barcelone. « J’ai démissionné alors que c’était le travail de ma vie ». Dans la capitale française, la jeune femme avait atteint en peu de temps le poste de ses rêves : maquilleuse et professeure de maquillage. « C’était vraiment génial, se souvient-elle. Mais pas assez pour me retenir. » Empreinte de nostalgie, mais pas suffisamment pour rebrousser chemin.
Pourtant, à Barcelone, Candice ne possède pas un job à la hauteur de ses ambitions. En arrivant en 2018 dans la cité comtale, elle avait trouvé un travail dans le recrutement. « Un boulot qui ne me plaisait pas », reconnaît-elle. C’est encore le cas aujourd’hui, bien qu’elle dit s’épanouir professionnellement au sein du service client d’un laboratoire pharmaceutique.
La qualité de vie avant le reste
Mais à l’autre bout du téléphone, sa voix reste enjouée. Aucun remord. Son amour pour Barcelone a dépassé celui de son métier. « Je suis tombée amoureuse directement de la ville après l’avoir découverte en vacances », raconte Candice. Un coup de foudre qui la poussait à prendre l’avion un week-end par mois. « J’attendais trois semaines pour profiter seulement deux jours. Ça n’avait plus de sens ». Alors à défaut d’en trouver un professionnellement, Candice a plutôt misé sur celui de son quotidien.
Une vie calée sur des horaires de bureau, 9 h – 18 h, du lundi au vendredi, sans transports en commun ni voiture à garer. Cinq jours bien fixés, moins bien payés qu’en France, mais avec le sentiment, une fois la journée terminée, « de vivre en vacances ». De pouvoir mettre les pieds dans la Méditerranée le soir, d’emmener son enfant dans des parcs « propres et agréables« , et d’aller avec lui à la plage tous les week-ends. Autant de petits riens qui font désormais le tout de bon nombre de Français vivant dans la capitale catalane.
Car depuis la pandémie, “la vie perso passe avant la vie pro” constate Pierre-Olivier Bousquet, président de l’Union des Français de l’étranger à Barcelone, dans un précédent article. Après cette période, un Français sur deux chez les moins de 35 ans affirmait que son activité professionnelle avait perdu tout sens à leurs yeux. A tel point qu’au fil du temps, la hiérarchie des priorités s’est complètement inversée. “Dorénavant, on ne pense plus à son ambition hiérarchique et économique avant tout, mais d’abord à une qualité de vie adaptée et ensuite à un emploi qui puisse subvenir à ce niveau de vie recherché”, expliquait alors Anne-Laure Gandara, coach pour entrepreneurs et orientation professionnelle à Barcelone.
Des concessions sans regrets, mais sur le court terme ?
C’est ce diktat que Lola, 26 ans, a suivi pour pouvoir s’offrir une expérience à l’étranger. Elle, a traversé la frontière un 15 octobre, l’année dernière. Parce qu’elle n’avait pas réellement le choix à cause de ses lacunes en anglais et espagnol, la jeune Toulousaine passe ses journées au téléphone, au service client français d’un fournisseur d’électricité. Un an de labeur dans un call center, à l’opposé de sa formation initiale. « Ça n’a rien à voir avec ce que je faisais avant. Absolument pas le même domaine, ni les mêmes valeurs », admet celle qui était assistante sociale avant de décrocher un diplôme pour devenir conseiller principal d’éducation (CPE).
Mais pour écouter son envie d’expatriation et laisser parler son attirance pour Barcelone, Lola a baissé ses exigences professionnelles. Un compromis qu’elle a accepté de faire pour « la chaleur, le soleil, la culture et la bonne humeur » qui collent à la peau de Barcelone. Et qui, selon elle, en valait la chandelle. « Je n’ai pas de regrets, car ça m’a permis de voir autre chose et c’était bénéfique pour moi et mon futur ». Mais pour ce qui est de se projeter sur le long terme, les concessions ne peuvent, semble-t-il, pas durer.
Un an après sa première expatriation, Lola sait qu’elle ne restera pas dans la cité catalane. Elle rejoint alors la moitié des Français de Barcelone qui, en moyenne, repartent dans les cinq années après leur arrivée. Aujourd’hui, elle hésite. Suivre ses envies d’ailleurs, au prix, une nouvelle fois, d’un travail moins satisfaisant ? Ou retourner en France ? Si le second choix s’avère le bon, il rimerait avec les retrouvailles d’un métier qui lui tient à cœur. Parce qu’on ne peut pas toujours avoir « le beurre et l’argent du beurre », dit l’expression.