Enseigner en France ou en Espagne : un bien-être professionnel en chute

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Le Baromètre international de la santé et du bien-être des personnels de l’éducation a pour objectif de mieux connaître les conditions de travail et le ressenti des personnels de l’éducation. En 2021, après 18 mois de pandémie, la premier rapport avait objectivé l’épuisement des enseignants à travers le monde et notamment en Espagne.

Deux ans plus tard, la deuxième édition du Baromètre s’est élargie à 11 territoires repartis sur 4 continents et plus de 26 000 personnels de l’éducation ont répondu à l’enquête en ligne. Parmi eux, 9 595 enseignent en France, 2 723 en Espagne, deux pays d’Europe géographiquement et économiquement proches, mais avec des cultures différentes, et dont la langue est un marqueur fort. Au sortir de la crise Covid-19, alors que l’année scolaire 2022-2023 marque pour l’école dans son fonctionnement un certain retour à la normale, qu’en est-il du ressenti des enseignants en Europe ? Selon les territoires, leurs ressentis sont-ils similaires, nuancés ou franchement contrastés ?

Des enseignants qui travaillent 40h par semaine en moyenne

Sept enseignants sur dix sont des femmes dans les échantillons français et espagnol  ce qui reflète la féminisation très large du secteur de l’éducation en Europe. Les profils des enseignants des deux pays sont également similaires en âge et niveau d’enseignement , tout comme leur cadre de travail, avec des distributions assez proches en ce qui concerne la taille de l’établissement, le caractère urbain-rural du quartier environnant, le niveau de sécurité perçue au quotidien ou encore les temps de trajet domicile-travail. L’Espagne se distingue toutefois par des classes plus souvent petites (moins de 20 élèves) et par une relative insatisfaction vis-à-vis des locaux et des conditions matérielles.

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Le temps de travail effectif par semaine apparait partout important, supérieur en moyenne à 40 heures hebdomadaires. Les réponses en France vont aussi dans le sens d’une crispation avec la hiérarchie, alors que le travail en équipe y est jugé plus favorablement. En ce qui concerne les possibilités de formation, d’évolutions et le salaire, des deux pays, l’insatisfaction est systématiquement la plus répandue en France.

Avec plus d’un quart des enseignants concernés, la proportion de personnels victimes de violence au travail dans les 12 derniers mois est  préoccupante : 25 % en Espagne et 35 % en France.

L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est jugé un peu plus défavorablement en France qu’en Espagne : 6 enseignants sur 10 y sont insatisfaits de cet aspect contre 5 sur 10 en Espagne. Pourtant, une plus forte proportion d’enseignants espagnols sont amenés à apporter, en plus de leur travail, un soutien régulier à un proche : 7 sur 10 en Espagne, versus 1 sur 2 en France.

Des indicateurs de santé au travail contrastés

Les enseignants espagnols apparaissent un peu plus satisfaits globalement de leur travail que ceux de France. Dans l’hexagone, moins d’un enseignant sur deux est « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec l’affirmation « Dans l’ensemble, mon travail me donne satisfaction » contre plus de 7 sur 10 en Espagne. À noter que les enseignants en France déplorent quasi systématiquement une faible valorisation sociétale du métier : 97 % contre 86 % en Espagne.

Néanmoins, et faisant écho à la réserve des enseignants espagnols vis-à-vis de leurs conditions matérielles de travail, la proportion de ceux ayant été dans l’impossibilité de travailler à cause d’un problème de voix dans l’année écoulée est sensiblement plus élevée dans le pays : 41 % en Espagne et 26 % en France.

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L’état de santé général des enseignants se maintient à un niveau favorable, avec un taux similaire dans les 2 pays oú plus de 8 enseignants sur 10  le qualifient positivement. L’évaluation du bonheur, de la santé mentale et du sommeil est plus contrastée : ainsi les enseignants se situent sur une échelle de bonheur dans la vie plutôt positivement en Espagne (61 % de satisfaits) et plus négativement en France (49 %).

La santé psychologique des enseignants apparait d’ailleurs fragilisée en France avec près d’un personnel sur 2 qui y rapporte ressentir souvent, très souvent ou toujours des sentiments négatifs ; de même pour l’insatisfaction vis-à-vis du sommeil.

Outils numériques : une bonne adhésion mais une pointe d’ambivalence

Dans les deux pays, les outils numériques font partie du quotidien enseignant et l’adhésion est globalement bonne, puisque partout, au moins 8 enseignants sur 10 s’estiment à l’aise avec les outils numériques et considèrent qu’ils leur facilitent le travail. Cependant, tant en France qu’en Espagne, 4 enseignants sur 10 estiment que les outils numériques sont une source de stress. L’opinion est également partagée sur l’impact du numérique sur les relations avec les élèves et les familles : plus de 4 enseignants sur 10 dans les deux  pays (même 6 sur 10 en France) expriment une réserve sur ce point.

Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d’entreprise pour la santé publique

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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