La galère du recrutement à Barcelone

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Embaucher à Barcelone relève d’un jeu d’échecs, dans lequel il faut user d’atouts. Chasse chez la concurrence, exigences accrues et frivolité des candidats. Parler du soleil catalan dans une simple annonce ne suffit plus. Zoom sur l’enfer du recrutement dans la capitale catalane.

« Je me doutais que ce serait plus difficile qu’en France, mais pas à ce point ». Depuis près de deux mois, Pierre Henneron cherche à recruter un commercial espagnol pour intégrer le centre barcelonais de Jems, entreprise spécialiste de la Data. Mais dans sa boîte mail, les CV peinent à arriver. « Je n’ai fait passer qu’un seul entretien« , se désole le recruteur. En France, selon lui, en une semaine seulement, l’embauche aurait pu être bouclée. « Ou deux, allez. Maximum, reprend-il. Parce qu’on a du réseau, des partenaires, des accords avec des écoles de commerce. Je sais où chercher. Alors qu’en Espagne, on ne connaît pas le marché. »

Or à Barcelone, que ce soit pour dénicher les profils français, espagnols ou internationaux, et les garder, il faut redoubler d’efforts. Car depuis quelques années, il ne suffit plus de vanter le climat, les concerts, les festivals, la mer et la montagne pour trouver des bons candidats. Même si le cadre de vie attire encore les talents, surtout juniors, et « rajoute un petit soleil sur la carte de visite qui aide au recrutement », reconnaît Nicolas Blasyk, fondateur de NuuBB, entreprise experte de la cybersécurité. Lui, a dû attendre six mois cette année pour agrandir son équipe dans le cadre du développement interne. Six mois, avec l’aide d’un cabinet, au lieu de deux ou trois espérés. Un temps devenu nécessaire pour obtenir la bonne combinaison, le bon match, la bonne personne.

« Le marché est volatil en Espagne »

« Soit on a du mal à trouver des candidats parce qu’il s’agit de profils rares et spécifiques, et qui plus est, doivent savoir parler français ou espagnol. Soit parce qu’ils sont en poste et que la demande est trop forte par rapport à l’offre », explique Thierry Alberola, à la tête du cabinet de recrutement A Human Touch, depuis 22 ans. Autant d’années durant lesquelles il a vu le monde de l’embauche évoluer, avec un avant-après pandémie de Covid nettement visible, agrémenté d’exigences et d’une certaine instabilité.

« On a des choses curieuses, qui ne s’expliquent pas. Il y a des candidats qui postulent et disparaissent après », raconte l’expert du recrutement. Une situation bien connue de l’entrepreneur français Nicolas Blasyk, qui, la veille de signer un contrat, a vu l’un de ses postulants annuler sa venue.

Livreur emploi chomage travail Barcelone Photo Clementine Laurent Equinox 07785 12« Le marché est volatil, d’autant plus en Espagne. La question de l’appartenance à une boîte ne se pose plus« , reconnaît-il. D’une part, parce que la durée des préavis est très courte sur place : deux semaines seulement. Mais aussi parce que le secteur de l’informatique et de la technologie, très développé à Barcelone, s’avère très dynamique. « Ce qui fait que souvent, les candidats sont sur plusieurs process en même temps », explique le CEO de NuuBB. Quand les profils les plus particuliers, eux, savent qu’ils seront, de toute façon, abordés par d’autres recruteurs.

Des candidats de plus en plus exigeants

De quoi donner les rênes à des candidats devenus rois. Des petites couronnes qu’il faut désormais chasser chez les concurrents et hors frontières, puis retenir, avec un discours blindé face aux prétentions. Car les requêtes sont nombreuses. Salaire plus élevé que la moyenne locale, équilibre entre vie pro et vie perso, télétravail… Cette dernière exigence s’est renforcée à la suite du confinement et fait partie des plus sollicitées. « Surtout auprès des jeunes. La plupart nous demande du 100 % remote », commentent les recruteurs du service client informatique Computacenter à Barcelone. Et lorsque porte ouverte il y a, c’est ensuite sur le salaire et l’expatriation qu’il faut batailler.

Sur ce point, les Français ou les candidats du nord de l’Europe sont les plus durs en affaire. « A chaque entretien avec un Français, la question du ‘et au niveau salaire et conditions ?’ vient rapidement. Beaucoup plus qu’avec un Espagnol », affirme Pierre Henneron, manager recruteur chez Jems. Il faut dire que le coût de la vie à Barcelone s’élève, l’immobilier atteint des sommets, et la rémunération espagnole n’arrive pas à la cheville de la France. Alors pour surmonter ces obstacles, les entreprises se voient obligées de mettre en place des packages de délocalisation et toute une série d’avantages pour séduire les futurs employés.

Tickets-restaurants pour la majorité, abonnements à la salle de sport pour d’autres. Onboarding rémunéré, mutuelles, démarches administratives facilitées et primes. Au-delà de l’image de marque, les boîtes misent sur les « à-côtés » pour se démarquer. « Si un salarié nous ramène quelqu’un et que cette personne reste six mois, il a une prime », explique Ester Puigderrajols, en charge des ressources humaines chez Computacenter. Un effort qu’il a fallu ajouter à l’augmentation des salaires pour pouvoir attirer et fidéliser les talents. Quand d’autres, comme Nicolas Blasyk, font des “veilles de candidats” en laissant la chance toute l’année aux talents de se présenter, pour être certains de ne pas les manquer. La perle rare vaudrait-elle le coup de se faire prier ? Une fois acquis, d’après l‘Institut national des statistiques (INE), les Français seraient les plus stables dans leur installation en Espagne. Encore faut-il ne pas se les faire voler.

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