Catalogne à sec : pourquoi le sud de la France s’en sort mieux

Catalogne

À sec des deux côtés de la frontière. Sans eau, ni en Catalogne du sud, ni en Catalogne du nord, dans le département de Perpignan. Pourtant, dans un même contexte de crise, les habitants de chaque côté de la frontière n’ont pas les mêmes restrictions. Explications.

Historiquement, la Catalogne du sud et la Catalogne du nord, comme aiment dire les habitants des Pyrénées orientales, partagent (presque) tout. Le bon, comme le mauvais. Et sur ce dernier point, d’un côté comme de l’autre de la frontière, les deux sont logées à la même enseigne. La sécheresse ronge les terres, l’eau s’évapore, les plans d’alerte se renouvellent.

Mais il existe pourtant une différence entre les deux régions en crise. En Catalogne, la consommation d’eau par habitant est limitée à 180 litres par jour et par personne. Dans les Pyrénées orientales, département le plus touché de d’Occitanie, elle ne l’est pas.

La pression du robinet baissée en Catalogne, pas en France

« On a tout enlevé aux particuliers à part la consommation d’eau potable pour boire », déclare Nicolas Garcia, conseiller départemental en charge de l’eau. Plus de jardin ni de pelouse arrosés, plus de voitures nettoyées, plus de terrain de foot, rugby et golf hydratés, plus de piscines privées remplies, plus de douches en sortie de plage. Baisse de l’irrigation agricole de moitié et jusqu’à 80 %, réduction de l’arrosage d’arbustes et vignes. Depuis près de deux ans, le département français frontalier de la Catalogne a mis sous cloche l’ensemble de ses ressources en eau, à l’exception de la plus populaire : celle du robinet. Un luxe lorsque, de l’autre côté de la frontière, une étape supérieure dans le barème des restrictions vient d’être franchie.

Ce mardi 21 novembre, la capitale catalane, notamment, et ses 1,6 million d’habitants devront vivre avec un débit d’eau réduit. L’une des dernières solutions trouvées par l’agence des Eaux de Barcelone pour faire des économies. Et encore : c’est presque peu, avance l’institution, qui demande aux consommateurs de se limiter à 90 litres d’eau par jour consommés par personne, contre les 173 actuellement. Un cap qui, semble-t-il, n’est pas près de s’installer dans les foyers de sa voisine française.

Eau et sols à sec des deux côtés de la frontière

Pourtant, que ce soit en Catalogne du nord ou en Catalogne du sud, la situation est critique. 60 % des nappes phréatiques des Pyrénées orientales sont à des niveaux historiquement bas. « Cet été, on atteignait les 90 % », alerte le conseiller départemental Nicolas Garcia.

En Catalogne, les réserves d’eau des bassins du Ter et du Llobregat approchent faiblement les 19 % et on craint leur baisse à 16 % cet hiver. « Depuis 36 mois consécutifs, il n’a pas plu assez. Aucune n’est prévue à l’horizon avant mars 2024« , souligne Montserrat Alomà, cheffe de presse de l’Agence catalane de l’eau. Alors comment expliquer cette différence de traitement et de restrictions ?

Catalogne

Climat, réseau d’eau et population différents

Le nombre d’habitants d’abord. L’Occitanie abrite 5,8 millions de personnes, la Catalogne 7,5 millions, les Pyrénées orientales 480 000. « La quantité d’eau consommée n’est évidemment pas la même », note Xavier Bertrand-Sans, directeur général de l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée, un projet regroupant l’Occitanie, la Catalogne et les Baléares. La présence des touristes, ensuite, massif en pleine saison au nord de l’Espagne. Dans la capitale catalane, par exemple, un touriste hébergé en hôtel 4 étoiles consomme trois fois plus qu’un Barcelonais. Et cinq fois plus en hôtellerie de luxe.

Et puis surtout, l’approvisionnement, loin d’être identique. La Catalogne tient ses ressources d’eau à 80 % – en temps normal – des bassins du Ter et du Llobregat. Aujourd’hui, seule la moitié peut être puisée dans ces réservoirs. Le reste provient de l’eau de mer désalinisée, de la réutilisation des eaux de pluie et des nappes phréatiques. Des sols qui alimentent les robinets catalans à seulement 10 %. Contre 90 % dans les Pyrénées orientales, estime le conseiller départemental Nicolas Garcia. Les cours d’eau et rivières étant réservés à l’agriculture.

A chacun son nerf de la guerre, donc. Avec sur la planche, une Catalogne très fragilisée par son climat. « C’est un pays où il ne sait pas pleuvoir », dit le proverbe catalan. « Il n’y a pas ce crachin qui permet d’approvisionner les terres. Quand il pleut, c’est tellement fort que l’eau va directement à la mer », renchérit Xavier Bertrand-Sans d’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée. Mais au jeu du chat et de la souris, les Catalans possèdent tout de même une longueur d’avance. Autant en matière de durée de crise, qu’en matière d’anticipation, d’alternatives et de résilience.

Une qualité aussi française, mais plus marquée chez les Méditerranéens espagnols. Ces derniers ont d’ailleurs lancé les premiers plans d’alerte sécheresse restrictifs en 2021, dès que la chute des réservoirs sous le seuil de 60 %. Question de culture, dirait presque le responsable d’Eurorégion, à cheval entre les deux Catalogne. « Les Catalans savent que c’est un bien compté et ont la gestion économe. » N’est-elle pas peut-être tout simplement là, l’explication ?

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