La droite espagnole a perdu le sens des réalités

L'edito d'EquinoxÉdito de Nico Salvado, fondateur d’Equinox.

Après cinq années de pouvoir, marquées par l’inflation, la hausse des prix des loyers devenue incontrôlable, la tension avec la Catalogne, des guerres et un virus, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez est politiquement démonétisé. Dans ce contexte, l’opposition, incarnée par le Partido Popular (droite), se voyait automatiquement au pouvoir après les législatives de juillet dernier. Contre-performance : en s’alliant avec la gauche radicale, les régionalistes et les indépendantistes catalans, Pedro Sánchez a dégagé une majorité au Parlement pour enchaîner un nouveau mandat.

Février 2024, élections régionales anticipées en Galice, fief de la droite. L’ancien Premier ministre conservateur, Mariano Rajoy vit en Galice et le fondateur du Partido Popular (PP), Manuel Fraga, a présidé cette région pendant 15 ans. Idem pour l’actuel chef du PP Alberto Feijóo qui est resté à la tête du conseil régional durant 23 ans.  C’est dire si la terre galicienne penche à droite.

Candidat perdant aux dernières législatives, Feijóo a poussé l’actuel président de la Galice à convoquer des élections régionales anticipées qui auront lieu dans deux semaines. Le but de la manœuvre de Feijóo est de vivre un triomphe électoral de la droite dans sa région pour se remettre en selle et affaiblir encore un peu plus Pedro Sánchez.

Sauf que les premiers sondages annoncent une victoire inattendue de la gauche. Si ce scénario se produisait, cela marquerait probablement la fin politique d’Alberto Feijóo, qui n’aura plus aucune légitimité pour être le candidat naturel de la droite aux prochaines législatives.

Pourquoi la droite n’arrive-t-elle pas à reprendre le pouvoir ? Le PP a choisi de ne faire principalement campagne que sur le thème de la loi d’amnistie proposée par le gouvernement socialiste pour gracier les indépendantistes catalans poursuivis par la justice suite à la tentative de sécession d’octobre 2017.

Pourquoi Feijóo et ses camarades abordent-ils autant ce dossier, que ce soit durant la campagne perdue des législatives et pendant cette élection régionale ? Il semble que les leaders de la droite vivent dans une bulle idéologique coupée des aspirations de leurs électeurs,

L’ensemble de l’intelligentsia conservatrice est scandalisée par cette loi qui, selon sa lecture, donnera des ailes aux indépendantistes catalans pour tenter une nouvelle fois de briser l’Espagne et son unité territoriale. Il n’y a qu’à lire chaque jour les articles d’opinions des journaux l’ABC, El Mundo, la Razón, ou écouter les éditos de la radio Cope pour comprendre l’ampleur du phénomène.

Il faut ajouter à cela les manifestations dans les rues de Madrid des militants conservateurs pour s’opposer à l’amnistie. N’oublions pas : les militants, quel que soit le parti, sont toujours plus radicaux que les électeurs.

Amalgamant les notables, les militants et les électeurs, Alberto Feijóo pensait que cette loi d’amnistie allait scandaliser l’ensemble les votants de droite et offrirait une large victoire au PP. Force est de constater que cela ne fonctionne pas. Dans une élection régionale, ne pas aborder des thèmes tels que le pouvoir d’achat, l’inflation ou la fiscalité est suicidaire.

La direction du PP, selon les indiscrétions, a compris le message et va axer les derniers jours de campagne sur les problèmes du quotidien des Galiciens. Chose que font les socialistes depuis des mois. N’est-ce pas trop tard pour la droite ? Réponse le 18 février au soir, quand les urnes s’ouvriront.

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