Alors que la ville attire des visiteurs du monde entier, notamment pour sa gastronomie, le service des restaurants à Barcelone laisse parfois à désirer, régulièrement critiqué. À tort ?
Photos : Clémentine Laurent
Ça nous est arrivé à tous. Ou, en tout cas, à beaucoup d’entre nous. Vous êtes en terrasse d’un petit bar, le soleil réchauffe votre peau, la fraîcheur de votre « clara » est parfaite. Vous demandez l’addition au serveur, avec l’impression de l’embêter plus qu’autre chose. Et puis, au moment de payer, pas un sourire, pas un merci, au revoir, ni bonne journée. Ça, c’est la version soft de ce que certains ont pu expérimenter du service des restaurants à Barcelone.
Pas d’amalgame, bien sûr. Surtout que ce genre de mauvaise expérience se concentre dans les lieux les plus touristiques de Barcelone, la Rambla tout en haut de la liste. Ou encore ce restaurant au pied de la Sagrada Familia, classé comme le pire établissement de la ville selon Tripadvisor. « Trop cher, ils vous crucifient impitoyablement pour la moindre chose que vous prenez. Le service est lent, désagréable et bruyant. Je ne remettrai jamais les pieds là-bas, même si je vis encore cent ans », déplore un client.
Pourquoi une telle mauvaise réputation du service des restaurants de la cité comtale ? « Ce qui se passe, c’est que la plupart des étrangers finissent par se retrouver dans des restaurants bas de gamme », explique à Equinox Gonzalo Bernardos Domínguez, économiste et professeur à l’Université de Barcelone. « Ils offrent probablement le pire rapport qualité-prix, car ils savent parfaitement que les touristes sont prêts à payer plus que les locaux. Pour les touristes, ce qui importe, ce n’est pas la qualité de la nourriture, mais plutôt l’emplacement. »
La fin du pourboire
Au-delà de l’étiquette du « touriste-pigeon » prêt à payer pour n’importe quoi, l’économiste met en avant d’autres facteurs pour expliquer le mauvais service de certains restaurants. « En Espagne, les serveurs sont très mal payés. Ils travaillent trop d’heures. Et ces heures supplémentaires ne sont parfois pas rémunérées ou mal rémunérées. Chaque serveur gère un trop grand nombre de tables, et l’organisation du restaurant laisse souvent à désirer. »
Autre problème : l’absence de pourboire. Depuis quelques années, « on donne en Espagne de moins en moins de pourboires, qui ont été éliminés par le paiement par carte », note Gonzalo Bernardos Domínguez. « Le pourboire est en effet quelque chose de culturel, ici ce n’est pas présent », confirme Antonin Pelloux, fondateur français du restaurant Pokawaï à Barcelone.
Au-delà des lieux hyper touristiques, Barcelone mérite-t-elle cette réputation au ras des pâquerettes ? Antonin Pelloux nuance : « je ne pense pas que les restaurants de Barcelone aient une mauvaise réputation, bien au contraire. L’offre de restauration est très bonne avec une bonne qualité de service. Il n’y a pas de forte différence avec la France, mais un service qui est moins formel et plus décontracté. » Il raconte qu’en « plus de 6 ans ici, je n’ai eu qu’une seule vraiment mauvaise expérience dans un restaurant. Il était peu fréquenté à l’heure qu’il était, on sentait qu’il fallait nous mettre dehors. »
Gonzalo Bernardos Domínguez renchérit : « Je compare les restaurants de Barcelone à ceux de la plupart des pays européens, et la différence est abyssale. Lors de mes voyages en Allemagne, en Irlande, au Royaume-Uni, en Belgique, je constate que nous avons bien moins souvent de mauvaises surprises ici, à Barcelone, qu’ailleurs. En Espagne, il y a plus de ‘chaleur’ typique du sud de l’Europe, même si parfois, vous ne la ressentez pas, tout simplement parce que le serveur est épuisé par ses heures de travail, son salaire, et les touristes », conclut-il.
