Les Espagnols ont la réputation d’être petit de taille. Un cliché fondé lorsque l’on sait que les Ibériques ont l’un des plus petits gabarits d’Europe. Une caractéristique qui découlerait des conflits mondiaux et de la guerre civile espagnole.
Photo : Clémentine Laurent
C’est une étude plutôt étonnante. Deux professeurs du Département d’économie appliquée de l’Université d’Aragon, Javier Puche et Francisco J. Marco-Gracia, ont publié dans la revue scientifique Biodémographie et biologie sociale les résultats de leurs recherches portées sur les effets physiologiques de la Guerre Civile espagnole. L’enquête se concentre sur le cas spécifique des militaires de la Communauté valencienne. Elle porte notamment sur 128.957 soldats enrôlé entre 1910 et 1975 et provenant de neuf municipalités de la région.
Le travail de recherche démontre que la guerre a eu un impact négatif sur le bien-être biologique des recrues valenciennes. Celui-ci a été visible que deux décennies plus tard et a entraîné une baisse de la taille moyenne comme en témoigne la taille moyenne des hommes et des femmes espagnoles actuelles. À titre exemple, la hauteur moyenne de la gent masculine est de 176.59 cm en Espagne et de 179.75 cm en France. La taille des femmes est, quant à elle, de 164.88 cm de l’autre côté des Pyrénées et de 163.40 cm en Espagne.
Baisse des conditions de vie
Pendant les années de guerre et l’après-guerre, la majorité de la population a connu une forte baisse de ses conditions de vie. Le système de rationnement mis en place par le régime franquiste dura jusqu’en 1952. La dégradation des conditions de travail et la baisse des salaires contribuèrent également à accentuer la misère.
Pour se rendre compte de l’ampleur de la détresse, les chercheurs ont publié le témoignage d’une Madrilène : « Toute la journée, je rêvais de nourriture. Ma mère a perdu 40 kilos et mon grand-père est mort de malnutrition », raconte-t-elle. Les conséquences nutritionnelles causées par les conflits et l’autarcie sont également visibles sur les indicateurs anthropométriques tels que la taille des personnes qui ont vécu et grandi pendant cette période.
Choc de la guerre civile
Les principales conclusions montrent ainsi que le pourcentage de recrues de petite taille, c’est-à-dire mesurant 1,55 mètre, taille minimale requise depuis 1870 pour entrer dans l’armée, a augmenté entre 1937 et 1942 (de 3,4 % à 5,1 % respectivement).
« Je crois que le plus grand apport de cette recherche est la démonstration que tous les indicateurs du bien-être biologique auxquels nous avons accès (la taille, le poids, et l’indice de la masse corporelle) montrent que le choc de la guerre civile a eu un impact tellement négatif sur le bien-être biologique des individus qu’il a fallu environ deux décennies pour revenir à la tendance positive qui s’était développée depuis le milieu du XIXe siècle », explique Marco-Gracia au journal scientifiqu.
Taille moyenne en baisse et carence nutritionnelle
Les données recueillies par les chercheurs indiquent que pour les personnes nées entre 1920 et 1925, les chances d’être petits ont augmenté respectivement de 13 à 15 % et 22 %. Autrement dit, les jeunes nés au début des années 1920 ont été les plus touchés par le déclin du bien-être biologique résultant de la guerre.
« La grande majorité des jeunes ont effectivement subi les conséquences du conflit puisque les aliments de base ont été limités et rationnés par l’État. Comme l’apport calorique était inférieur à celui des générations précédentes, cela a entraîné des carences nutritionnelle et donc une dégradation physiologique », analyse l’étude universitaire. Par ailleurs, l’enquête a démontré que les plus touchés étaient ceux issus des classes sociales les plus basses. « Étant donné que les élites avaient la capacité économique d’accéder au marché noir et d’assurer une meilleure alimentation », expliquent les chercheurs. Ainsi, des décennies plus tard, ces caractéristiques sont encore visibles en Espagne.
