Menace de démission du Premier ministre, comprendre ce qu’il se passe en Espagne

Démission premier ministre

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez menace de démissionner, se disant harcelé par la droite et l’extrême-droite, tandis que sa femme est accusée dans une affaire de corruption. Un séisme politique expliqué et analysé en vidéo par Nico Salvado.

Fait rarissime en Espagne et en Europe, un Premier ministre, en l’occurrence le socialiste espagnol Pedro Sánchez, menace de démissionner. Il donnera sa réponse dans quatre jours, le lundi 29 avril.

Le fond est fort, mais la forme détonne également  : il s’est adressé hier aux citoyens espagnols via un PDF posté sur X (anciennement Twitter). Qu’est-ce qui motive la démarche de Pedro Sánchez ? Une plainte déposée contre sa femme, Begoña Gomes, pour trafic d’influence et corruption. Elle aurait globalement aidé des entreprises, peu avant la crise du Covid.

Si Pedro Sánchez menace de démissionner, ce n’est pas pour se défendre devant la justice, mais par le fait qu’il se sente harcelé par la droite et par l’extrême droite. Il est persuadé de la chose car c’est El Confidencial, pur player de droite, qui a sorti l’affaire, et Manos Limpias, un syndicat classé à l’extrême droite, a ensuite porté plainte contre sa femme devant la justice. Dans sa lettre, l’homme politique dit qu’il ne peut pas supporter ça, qu’il est amoureux de sa femme et que la situation est intenable. Une affaire qui fait d’ailleurs écho à celle de François Fillon en France avec sa femme Pénélope il y a quelques années.

Un tremblement politique en Espagne

Si Pedro Sánchez démissionne, le Parlement espagnol devra faire une investiture pour lui trouver un substitut. Mais rien ne garantit que la coalition ayant investi Pedro Sánchez se mette d’accord de nouveau sur un homme ou une femme à suivre. En effet, cette coalition est très disparate, avec les régionalistes basques, les indépendantistes catalans et l’extrême gauche, et il n’est pas du tout évident que ce groupe arrive de nouveau à faire front commun derrière une nouvelle personne. Si l’investiture au Parlement n’a pas lieu, faute de consensus, de nouvelles élections auront lieu dans deux mois et demi.

Alors, coup de théâtre ou stratégie politique ? Au vu des prochaines échéances, on est en droit de se demander si le Premier ministre est sincère dans sa démarche. Est-ce que cette menace est uniquement liée à l’amour qu’il porte pour sa femme ? Ses proches, évidemment, répondent que oui, tous les éditorialistes dans la presse de gauche le disent également. Mais on peut quand même émettre un certain doute, puisque nous sommes dans une période électorale. En effet, les élections catalanes auront lieu le 12 mai prochain. Elles seront cruciales, parce qu’elles doivent justement valider la stratégie de Pedro Sánchez.

Pour rappel, il a forcé une amnistie pour que les indépendantistes catalans ne soient plus poursuivis par la justice après l’effet de séparatisme d’octobre 2017. Et ce seront les élections catalanes qui valideront, ou non, cette stratégie. D’autant plus que le candidat socialiste, Salvador Illa, est un proche parmi les proches de Pedro Sánchez : il est son ancien ministre de la Santé.

L’Union Européenne en ligne de mire ?

Autre paramètre à prendre en compte, les élections européennes de juin prochain, dans lesquelles s’inscrit peut-être ce coup de théâtre politique. Imaginons que le Premier ministre démissionne lundi prochain, en argumentant un départ causé par le harcèlement de l’extrême droite. On se doute, alors, de la charge émotionnelle que cela peut provoquer chez le peuple de gauche, qui, forcément, pourrait en réponse voter massivement pour le parti socialiste.

Il se dit également que Pedro Sánchez, qui a ses entrées à Bruxelles, pourrait postuler pour devenir président du Conseil européen. Charles Michel, le Belge et actuel président, ne se représentera pas, et dans le contexte, Pedro Sánchez est en fin de cycle en Espagne. Si des élections législatives avaient lieu demain, il les perdrait. Cette saillie de fierté déballée sur X pourrait donc être une façon de sortir par le haut, de quitter son poste de Premier ministre et de devenir président du Conseil européen. Quoi qu’il en soit, que Pedro Sánchez démissionne ou non, la vie politique en Espagne va changer profondément: un Premier ministre ne peut pas menacer de démissionner sur les réseaux sociaux sans conséquences.

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