Alors que le déficit du PIB espagnol s’élève à 3,3 %, de l’autre côté des Pyrénées, Bercy tire la sonnette d’alarme en raison d’un déficit de 5,5 % en 2023, bien supérieur aux 5,1 % visés par le gouvernement. Pourquoi la péninsule ibérique s’en sort-elle mieux que la France ?
L’économie espagnole est l’une des plus saines d’Europe. Preuve en est, le pourcentage du déficit du pays au cours de la première partie de l’année 2024. L’Espagne a effectivement présenté des comptes marqués par un déficit s’élevant à 3,3 % du PIB. Un chiffre qui se rapproche des 3 % du taux de déficit maximal fixé par le Pacte de stabilité et de croissance européen. Et, l’économie espagnole pourrait encore mieux se porter.
Bruxelles considère que le déficit actuel n’est que temporaire, car la Commission européenne a été convaincue par les arguments du gouvernement espagnol qui garantit que, d’ici 2025, le pays rentrera dans les clous avec un déficit à 3 %. D’où vient la vitalité économique de l’Espagne, malgré ses récentes crises économiques ?
La création d’emplois au beau fixe
« L’Espagne crée de l’emploi et cela permet à l’État d’avoir plus de revenus », expliquait Josep Miró Roig, économiste catalan interrogé par Equinox en juin dernier. Un cercle incontestablement vertueux rythmait l’économie espagnole en 2023, et cette dynamique se poursuit en 2024. L’État prélève plus d’impôts et de charges sociales grâce aux emplois créés. Dans le même temps, le pays dépense moins en indemnités chômage destinées aux Espagnols sans emploi.
« Quand il y a plus de prélèvements, l’État s’endette moins. C’est la raison pour laquelle l’État a l’un des déficits les plus bas d’Europe en 2023 et que l’économie fonctionne raisonnablement bien », analyse Josep Miró Roig. Si le pays poursuit ses efforts, l’économiste barcelonais évalue un niveau de dette de l’État à 3 % sur le PIB d’ici deux à trois ans sera. Ce qui équivaut donc au taux maximal préconisé par l’UE.
Le tourisme, moteur inégalé de l’Espagne
La création d’emplois profite essentiellement au secteur des services. Logiquement, le tourisme dope une grande partie l’économie du pays. Pourtant, cette activité comporte son lot d’inconvénients. « Le tourisme a effectivement des limites. Par exemple, à Majorque, plus de 40 % du PIB est apporté par le tourisme. C’est génial, mais cela se fait au détriment d’autres secteurs économiques importants », déplore l’expert.
Le marché de la chaussure en fait par exemple les frais. Il était très développé à Majorque, mais « ce secteur s’est fait phagocyter par le tourisme. Désormais, il n’y a presque plus d’emplois là-dedans, car les gens préfèrent travailler dans le tourisme et gagner plus d’argents », précise Josep Miró Roig.
En parallèle, le secteur de l’industrie se porte de mieux en mieux grâce aux fonds de l’Union européenne destinés à ce secteur d’activité. « Il est vrai que les énergies renouvelables, les industries de batterie et l’automobile se portent bien en Espagne. Un important investissement a été opéré par le pays ». L’arrivée massive de main d’œuvre étrangère qualifiée et diplômée permet aussi à l’industrie et à l’innovation de se développer. « Il y a pas mal d’étrangers ultra-qualifiés qui s’installent en Espagne grâce au bon niveau de vie que propose le pays et à la création d’emplois dans ces secteurs ».
L’Espagne, future puissance économique européenne ?
Au vu des récents chiffres encourageants de l’Espagne, il est légitime de s’interroger sur l’éventuel nouveau statut de l’Espagne au sein de l’Union européenne. Pour l’heure, l’Espagne se situe encore loin derrière l’Allemagne ou même la France. « Le poids initial de l’Espagne est bien plus bas que celui de la France ou de l’Allemagne. Il faudrait donc encore beaucoup de temps pour rattraper ce retard ». La péninsule ibérique n’est ainsi pas encore prête à remplacer la France au sein de l’UE, même si l’Hexagone a été épinglé par Bruxelles et Bercy en raison d’un déficit du PIB de… 5,5 % !
Par ailleurs, l’économiste catalan estime que la dette colossale de la France nourrit une véritable menace quant au futur et à la stabilité de l’Union européenne. « Si la France fait banqueroute, l’Union européenne ne se relèvera pas. Son statut n’est pas celui de la Grèce ou de l’Espagne. La France est, et restera, toujours l’un des principaux moteurs économiques de l’UE. Si elle tombe, tous les autres pays risquent de lui emboîter le pas et de chuter », s’inquiète Josep Miro Roig. Une situation périlleuse, qui n’est indéniablement pas à prendre à la légère. Une réaction du prochain gouvernement de Michel Barnier, nouveau Premier ministre français, est plus que jamais nécessaire.