Presque une centaine de morts dans la région de Valence, un nombre incalculable de disparus, le bilan provisoire de la tempête la plus grave du siècle en Espagne est dramatique. Le gouvernement a décrété trois jours de deuil national. Pendant que tout le pays est en état de choc, identifier les responsables de cette tragédie devient indispensable.
Dans toute la région de Valence, dans le sud-est de l’Espagne, le ministère de la Défense a déployé des moyens aériens, des équipes de psychologues militaires et des chiens spécialement entraînés pour localiser les corps dans les zones inondées. Des dizaines de personnes ont dû passer la nuit sur les toits des camions sur des routes inondées. D’autres coincés dans leurs véhicules en attendant les secours. 5 000 véhicules sont à l’heure actuelle bloqués sur une route ou autoroute. Les intempéries ont provoqué des coupures de courant qui touchent 115 000 foyers, des fermetures de routes et la suspension des liaisons ferroviaires à grande vitesse entre Madrid et la Communauté valencienne, ainsi que le corridor méditerranéen vers Barcelone.
Alors que le bilan provisoire est de 95 personnes décédées, les secours recherchent les disparus qui se comptent par dizaines. La ministre de la Défense, Margarita Robles, a annoncé au micro de l’émission Hora 25 de la Cadena Ser que 1 205 militaires sont déployés sur le terrain, avec 301 véhicules lourds, pour dégager les personnes coincées par les eaux. Après avoir exercé les premiers secours de personnes en détresses, les recherches de personnes disparues s’intensifieront à partir de demain, affirme la ministre des Armées qui reconnait que l’on ne connait pas encore l’envergure du nombre de citoyens introuvables.
Au milieu de cette apocalypse, l’incroyable manque de prévisions a mis en état choc tout le pays. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les services météorologiques nationaux sont pointés du doigt pour leur gestion de l’alerte. Beaucoup estiment que la catastrophe n’avait pas été suffisamment anticipée. L’Agence météorologique espagnole (AEMET, l’équivalent de Météo France , en revanche, défend sa position. Dès dimanche, soit trois jours avant l’épisode extrême, AEMET avait alerté sur les risques de tempête imminente, émettant officiellement une alerte rouge, le niveau maximal, mardi matin, à 9h30, en raison de « pluies torrentielles » annoncées sur toute la région de Valence.
Toutefois, l’agence reconnaît que l’ampleur du phénomène a dépassé ses prévisions. Elle anticipait des précipitations de 200 litres par mètre carré ; certains secteurs ont vu ce chiffre plus que doubler, atteignant les 500 litres. L’AEMET déplore surtout le manque de suivi de ses recommandations, tant par les citoyens que par les autorités.
Des alertes tardives malgré un système de prévention
En théorie, un système de SMS d’alerte permet aux citoyens de recevoir directement sur leurs téléphones des messages de sécurité en cas de catastrophe, selon leur localisation. Ce dispositif, géré par le Conseil Régional, vient, dramatiquement, de montrer ses limites. Dans la région de Valence, les messages recommandant d’éviter tout déplacement n’ont été envoyés que mardi à 20h12. Les pluies torrentielles avaient pourtant déjà commencé plusieurs heures auparavant, et de nombreux habitants se retrouvaient alors déjà en situation de danger, piégés dans leur véhicule, leur domicile ou dans leurs activités quotidiennes. La ligne d’urgence a été rapidement saturée, rendant l’accès aux secours difficile.
La négligence du Conseil Régional
La responsabilité principale semble, à l’heure actuelle, reposer sur le Conseil Régional de Valence, et particulièrement son président, le conservateur Carlos Mazón. Les intempéries ont commencé mardi, dans l’après-midi, avant de s’aggraver dans la nuit.
Mardi à midi, le président Mazón a convoqué une conférence de presse. En tenant des propos extrêmement éloignés de la réalité et d’un optimisme déconcertant. « Selon les prévisions, la tempête se déplace vers la Serranía de Cuenca, et, par conséquent, on s’attend à ce qu’à partir de 18h ce soir, l’intensité diminue dans le reste de la Communauté valencienne. » Une analyse totalement fausse puisque c’est justement après 18h que la tempête a complétement dégénéré. Par ailleurs, le Président, quelques heures avant le drame, a estimé que les équipements de la région seront totalement adaptés pour éviter quelconque inondation. « En ce qui concerne les alertes hydrologiques, les réservoirs sont bien en dessous de leur capacité. Ils accumulent l’eau reçue sans problème. Pour le moment, aucune alerte hydrologique n’est en vigueur pour les réservoirs. Je tiens donc à souligner que les précipitations affectent surtout la rivière Magre, mais jusqu’à présent, il n’y a aucune alerte hydrologique. C’est une bonne nouvelle à cette heure-ci. » se félicitait le Président avant de reprendre le cours de son agenda normal.
Toutes ces déclarations avaient été publiées sur le compte X (Twitter) du Président. A l’heure actuelle, elles ont été supprimées. Autre preuve de cette nonchalance : le centre de coordination d’urgence valencien du conseil Régional n’a été convoqué que mardi à 17 heures, alors que les rues étaient déjà submergées.
Le fiasco des autorités est total : dans de nombreuses communes touchées, souvent des petits villages, les sirènes d’alarme des mairies n’ont retenti que plusieurs heures après les premières inondations. Ce n’est qu’à 20 heures que l’alerte générale a été diffusée, tandis que la situation était déjà devenue critique.
La responsabilité du changement climatique
Cette tempête est techniquement une « dépression isolée en haute altitude » qui se caractérise par un isolement d’air froid en altitude, entraînant des mouvements erratiques et des précipitations intenses. Un effet du changement climatique selon les météorologues. Les scientifiques s’appuient sur des études menées par le collectif mondial World Weather Attribution (WWA), dirigé par la climatologue Friederike Otto, de l’Imperial College de Londres. « Il ne fait aucun doute que les pluies intenses observées cette semaine ont été intensifiées par la crise climatique », souligne Mme Otto.
Ce type de tornades, était jusqu’ici un phénomène cantonné aux États-Unis. Désormais, la Méditerranée est aussi touchée. « Ces inondations meurtrières sont un nouveau rappel du danger croissant du changement climatique, même avec seulement 1,3 °C de réchauffement », avertit Friederike Otto. Elle rappelle que, selon l’ONU, les politiques actuelles mènent à une hausse de la température mondiale de 3,1 °C d’ici à la fin du siècle.