En 2024, les foyers espagnols ont touché plus de 90 milliards d’euros grâce à leurs investissements — un record absolu. Actions, plus-values, loyers : jamais la rente n’avait autant pesé dans les revenus des ménages. Dans ce contexte d’euphorie patrimoniale, faut-il suivre le mouvement et investir en Espagne ?
Investir dans l’immobilier, est-ce toujours rentable en Espagne ? (Crédit photo : Equinox)
Jamais les investissements n’avaient rapporté autant aux foyers espagnols qu’en 2024. Selon les dernières données de l’Agence Tributaire, les revenus bruts issus de placements financiers, de gains patrimoniaux ou encore de loyers ont dépassé, pour la première fois de l’histoire, la barre des 90 milliards d’euros en un an. Un record absolu qui marque une hausse spectaculaire de 22,6 % par rapport à 2023 — et qui pulvérise les niveaux atteints avant la crise financière de 2008, ainsi que ceux observés à l’apogée de la bulle immobilière.
Un cap symbolique, qui traduit un tournant dans la manière dont de nombreux foyers espagnols cherchent désormais à faire fructifier leur patrimoine. Autrefois chasse gardée des plus aisés, l’investissement s’est peu à peu démocratisé, porté par la montée des outils numériques, la pression de l’inflation, et un appétit croissant pour les dividendes. Le fisc recense trois principales sources de revenus pour les particuliers : le capital mobilier (actions, dividendes), les plus-values patrimoniales et les revenus locatifs.
Mais les Espagnols ne sont pas les seuls à profiter de ce qui semble être nouvel âge d’or de la rente. Dans un contexte où les prix de l’immobilier restent attractifs par rapport à d’autres capitales européennes, où le marché locatif explose dans les grandes villes comme Barcelone ou Madrid, l’Espagne séduit aussi les investisseurs étrangers. Retraités du nord de l’Europe, jeunes actifs en quête de rendement, ou expatriés à la recherche d’un pied-à-terre : le pays est redevenu un terrain de jeu rentable pour une nouvelle génération de propriétaires. Alors, est-ce le bon moment pour investir en Espagne ?
Les meilleures opportunités pour investir en Espagne
Pour Sergio Ávila Luengo, analyste de marché senior chez IG.com, l’année 2024 a offert une conjonction rare de facteurs propices à l’investissement. « La forte reprise des marchés financiers, stimulée par la baisse attendue — puis confirmée — des taux d’intérêt de la BCE, a largement contribué à doper la rentabilité des placements », analyse-t-il. Les ménages espagnols, longtemps bridés par des années de rendements faméliques sur leurs dépôts, ont réorienté leur épargne vers des produits plus dynamiques : fonds d’investissement, actions, portefeuilles mixtes. « Beaucoup de ces fonds ont affiché des rendements à deux chiffres, notamment dans des secteurs stratégiques comme la tech, la santé ou l’énergie », poursuit-il.
Une dynamique qui n’a pas échappé aux investisseurs étrangers, toujours plus nombreux à considérer l’Espagne comme un terrain fertile — et rentable. Ils ont d’ailleurs été des acteurs majeurs de ce cycle haussier, notamment dans l’immobilier, les énergies renouvelables et la bourse. « L’Espagne offre une combinaison séduisante : stabilité macroéconomique, prix compétitifs et potentiel de croissance », explique-t-il. « Leur arrivée a renforcé la liquidité des marchés, nourri la confiance et attiré à leur suite du capital national. Leur présence a aussi contribué à revaloriser certains actifs et dynamisé des secteurs longtemps en sommeil. »
Selon lui, les énergies renouvelables arrivent en tête des perspectives de rentabilité, portées par l’agenda climatique et les aides publiques. L’immobilier logistique bénéficie quant à lui de la montée en puissance de l’e-commerce. Le tourisme haut de gamme retrouve aussi sa vigueur, avec une demande robuste. Du côté financier, les fonds obligataires à moyen terme gagnent en intérêt grâce à la baisse des taux, tout comme les fonds thématiques axés sur la durabilité, la tech ou la santé — des placements qui séduisent par leur vision à long terme.
L’immobilier reste une valeur refuge pour les investisseurs francophones
Sur un marché aussi tendu que celui de Barcelone, il faut savoir où mettre les pieds. Et surtout, ne pas y aller seul. C’est le conseil que martèle David Protais, cofondateur de l’agence Skaal Real Estate, spécialisée dans l’accompagnement des francophones — Français, Belges, Suisses ou encore Canadiens — venus investir ou s’installer dans la capitale catalane.
« Le marché locatif est complètement dingue », résume-t-il. En moyenne, une annonce de location longue durée publiée par l’agence reçoit entre 60 et 100 messages en une seule journée. « Même sur des contrats ‘de temporada’, on tourne entre 20 et 50 demandes. » Une tension qui garantit, selon lui, un rendement stable et une rentabilité rapide. « On loue quasi instantanément. »
Face aux régulations à venir — notamment l’encadrement des loyers de courte durée — l’instabilité est toutefois réelle, reconnaît-il. Mais elle n’empêche pas l’attractivité. « Barcelone coche beaucoup de cases : proximité avec la France, douceur de vivre, attrait international… » Pour peu qu’on soit bien accompagné, l’investissement reste intéressant. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Dernièrement, on a rénové un deux-pièces dans le Raval, à deux pas de la place Catalunya. Coût total : 223 000 euros. Il se loue aujourd’hui à 1 400 euros par mois. On frôle les 8% de rendement. »
Dans le viseur des investisseurs francophones : l’Eixample, Gràcia, Poble Sec, voire même Poblenou — bien que les prix y soient devenus « très tendus ». « Les vendeurs ont compris, et les prix grimpent. Mais la demande ne faiblit pas. »
A découvrir : notre nouveau podcast Immobilier en Espagne, mode d’emploi
Pour certains propriétaires, l’annonce de nouvelles régulations pourrait cependant sonner comme un signal de sortie. Surtout en ce qui concerne le co-living, ces appartements partagés par plusieurs étudiants et à bas prix. « En deux semaines, on a eu quatre demandes d’estimation de biens de propriétaires catalans, qui envisagent de vendre à cause de ce qui se profile. On a beaucoup de clients qui louent à la chambre. Si demain la somme des loyers est plafonnée par la régulation, c’est tout un modèle qui s’effondre. Et les étudiants ? On les loge où ? »
Malgré les incertitudes, David Protais reste confiant. Il évoque une « rentabilité intéressante » pour les investissements bien pensés, y compris en bail longue durée, notamment grâce à des dispositifs fiscaux comme l’abattement de 60% sur les revenus fonciers. « Il faut arriver préparé, mais on peut encore faire de très belles choses. »