Ils ont troqué Paris pour Barcelone, attirés par son aura créative. Sauf que dans la ville de Gaudí, la vie d’artiste ne fait pas toujours rêver. TVA trop élevée, public frileux : les artistes français racontent leurs galères et leurs stratégies.
À Barcelone, la plupart des Français bossent dans la tech, au service client ou derrière un comptoir. Pourtant, la ville se rêve artistique, façonnée par Gaudí et Miró. Alors, où sont les artistes ? Ils existent, mais la vie qu’ils mènent est loin de la carte postale qu’on imagine.
Théo Lopez, artiste-peintre, en sait quelque chose. Arrivé en 2021 par amour et pour renouer avec ses racines familiales, il vit de son art mais reste lucide :« Je me suis rendu compte qu’en France et surtout à Paris, on a vraiment l’habitude d’aller en vernissage ou en musée la semaine ou le week-end. Je sens qu’ici ce n’est pas aussi marqué, ou en tout cas différent. » Aujourd’hui, le trentenaire travaille surtout à l’étranger, avec une galerie parisienne, une autre à Hong-Kong, Dusseldorf, Marrakech, Honfleur. « Le premier conseil qu’on m’a donné ,c’est faire du business en France et de vivre ici. »
Même état des lieux pour Tim Marsh, artiste accompli, spécialisé dans les oeuvres murales. « Je ne bosse jamais à Barcelone. Je vis ici, je peins plus ou moins légalement ici, mais un mur payé 1000 euros en Espagne vaut 6000 euros en France. Donc je préfère largement le faire ailleurs, ça fait des voyages. Et puis je reviens vivre en Espagne où le coût de la vie est plus bas. » Les deux artistes, d’ailleurs amis, sont unanimes : financièrement, quand on est artiste, Barcelone n’est pas une option viable. Et il y a une raison à cela. La TVA sur les oeuvres d’art s’élève à 21% en Espagne, quand elle n’est qu’à 5% en France, « forcément ça se ressent et il faut adapter le prix des oeuvres », explique Théo.
D’autre part, ce n’est pas, ou moins, dans les moeurs, de casser sa tirelire pour acquérir un objet d’art. « Les gens ont plein d’argent pour l’apéro mais dès qu’il s’agit de craquer pour un print, un t-shirt, une casquette, il faut y réfléchir à plusieurs fois. C’est assez déprimant. » Tim le muraliste, bien implanté dans le milieu du street-art, précise : « Ici, les tours de street-art sont super développés mais tu ne verras jamais des Barcelonais dedans, c’est toujours des touristes. »
Un manque de communauté française
D’un point de vue social, les deux collègues racontent qu’il y a une belle communauté d’artistes dans la cité comtale, majoritairement étrangers et qui ne vend pas en Espagne. « C’est une plateforme internationale hyper intéressante. J’ai rencontré des Grecs, des Latinos, des Américains… Barcelone reste une destination artistique, les artistes y viennent car c’est une vie douce. »
Et si ces rencontres sont enrichissantes, l’absence de vraie communauté française dans le milieu se fait sentir et représente un vrai manque à gagner. Aucune association ou collectif de Français de Barcelone n’est dédié à l’art. Théo raconte s’être inscrit à la Peña, le business club des entrepreneurs de Barcelone pour connecter avec d’autres artistes tricolores et vendre ses créations, mais « c’est moins fluide qu’en France ». Alors à quand une vraie communauté de Français créatifs dans la capitale catalane ?