La crise catalane, digne d’un scénario d’Hollywood?

Entre larmes, désillusion, trahisons, joies et détentions, la crise que traverse l’Espagne aujourd’hui reprend tous les codes du cinéma.

Le scénario est simple mais efficace. Deux clans – pro et anti indépendance – s’affrontent intensément depuis près de cinq ans. Chaque année son lot de chamboulements laisse place à une nouvelle saison. Et que serait une bonne saga sans ses coups de théâtre ? La scène politique catalane raffole de cliffhanger, cette fin qui nous laisse en suspens.

Des urnes cachées en France ramenées dans des sacs poubelles de nuit et sous la pluie pour un référendum d’indépendance non autorisé par Madrid, des forces de polices surmobilisées pour tenter d’intercepter quelques bulletins de papier et des urnes fabriquées en Chine. Dans une scène surréaliste, un hélicoptère de la police nationale a suivi le président de la Generalitat pour l’empêcher de voter, il a dû changer de voiture sous un pont pour semer les forces de l’ordre. Une méthode digne de Jack Bauer. Une déclaration d’indépendance annoncée sous l’oeil des caméras internationales pour être suspendue huit secondes plus tard, façon Frank Underwood. Une bonne partie de la scène politique en prison, des présidents d’association indépendantistes aux membres de la Generalitat. Orange is the new black. Un président catalan qui disparaît le vendredi pour réapparaître le samedi dans un discours crépusculaire et atterrir le lundi en Belgique en passant par Marseille. Chef-d’oeuvre !

Il y a encore quelques mois, personne n’aurait imaginé la tournure que prendraient les événements en Catalogne. La crise catalane réunit tous les éléments et rebondissements dignes d’un bon thriller. Film à suspense, drame, ou comédie humoristique, chacun est libre de choisir le genre de cette saga catalane.

Pour l’acteur espagnol Antonio Banderas, les évènements catalans ressemblent de plus en plus à un film de Berlanga, ce réalisateur espagnol considéré comme un classique du cinéma espagnol. Son style : la satire sociale déguisée en comédie, des instants très durs de l’histoire d’Espagne traités avec humour et malice.

Petits stratagèmes entre amis

Sant Iscle de Vallarta, province de Barcelone. Alors que les CRS envahissent le bureau de vote, une fausse partie de dominos s’entame dans la salle pour dissimuler tout soupçon de vote. Pendant que les uns jouaient, les autres sortaient les urnes par des portes secrètes.

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À l’autre bout de la Catalogne, à Tarragone c’est l’église de Santa Maria qui habitait un bureau de vote. À l’heure du dépouillement des bulletins, les indépendantistes se mettent à chanter en chœur afin de mettre en scène une fausse messe et induire en erreur la Guardia Civil.

 

La politique mise en scène

Au-delà du sujet, la communication d’un côté comme de l’autre est souvent théâtralisée. Les deux têtes d’affiche Mariano Rajoy et Carles Puigdemont excellent dans l’art du teaser. Depuis plusieurs années, Carles Puigdemont promet lors de ses déclarations, l’indépendance de la Catalogne. Mais, comme souvent à l’arrivée du film, la bande-annonce ne reflète plus la réalité du long-métrage. Comme chacun le sait, Puigdemont n’a pas réellement déclaré l’indépendance de la Catalogne à la suite du référendum du 1er octobre.

Mariano Rajoy a lui aussi usé et abusé de teasers. Flashback. Nous sommes au lendemain du 10 octobre, jour où l’ex-président de la Catalogne proclame et suspend l’indépendance. Pendant une semaine, le chef du pouvoir exécutif va faire la promotion de la suspension de l’autonomie. Certains le redoutaient, d’autres étaient impatients de voir ce fameux article star en action. Chose promise, chose due.

En coulisse, des scénarii improbables s’écrivent : alors que tout le monde souhaite un vrai dialogue entre Mariano Rajoy et Carles Puigdemont, les deux politiciens s’échangent des lettres. Une relation épistolaire que personne n’attendait. Et des réunions nocturnes interminables : la veille de la proclamation d’indépendance, une réunion extraordinaire a eu lieu. Carles Puigdemont, sous pression, a même fait une crise de panique face aux tensions.

L’avenir d’une famille en danger

Mais la crise catalane, c’est aussi une affaire de famille qui se déchire. Celle de Junts Pel Si, cette coalition indépendantiste catalane. Peu à peu, l’union s’essouffle laissant place à des tensions internes. Rivalités, positions divergentes mais surtout des hommes de l’ombre tirant les ficelles. Le spectateur indépendantiste retient son souffle pour savoir si son idole Carles Puigdemont va réussir l’happy end en déclarant l’indépendance. On ne sait distinguer les secondes rôles des premiers. Artur Mas, président du parti PdeCat, ce protagoniste qui a essayé d’empêcher, jusqu’à la dernière minute, Carles Puigdemont de déclarer l’indépendance ou encore Oriol Junqueras le vice-président.

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Le destin de Junts Pel Si ressemble étrangement à celui des Corleone de la saga Le Parrain. Cette tragédie où les fils expient les fautes des pères pourrait s’appliquer à Carles Puigdemont. Lui, si indépendantiste depuis sa tendre enfance, tente d’effacer les casseroles de ses prédécesseurs Artur Mas ou encore Jordi Pujol.

Les antihéros assumés

Les indépendantistes assument ce côté théâtral jusqu’à se mettre en scène dans des spots de campagne. Un des plus marquants reste celui de la gauche radicale catalane, la CUP, avec ce film de campagne en deux parties. Dans une vidéo métaphorique où une camionnette symbolise le processus d’indépendance, Quim Arrufat, Anna Gabriel, David Fernández, Gabriela Serra, Joan Coma ou encore Eulàlia Reguant s’apparentent à de véritables acteurs. La saison bonus de Breaking Bad.

Un casting idéal

Chaque personnalité politique possède une dimension romanesque. Un twittos a d’ailleurs récemment publié sur le réseau social son casting idéal pour une adaptation hollywoodienne appelée « The Process ».

Dans le rôle de Carles Puigdemont, Tom Cruise. Pour Mariano Rajoy, c’est Mel Gibson. Les seconds rôles ont aussi leurs acteurs. Jason Statham jouerait Raul Romeva, l’ex-député européen, pour des scènes d’actions. La présidente du parlement de Catalogne Carme Forcadell serait interprétée par Jodie Foster. Trapero, l’ancien major des Mossos, est aussi de la partie. Et c’est George Clooney qui reprendrait son rôle. Un casting de haute voltige ! Bien qu’il s’agisse d’une plaisanterie, une adaptation cinématographique ou même une série est à envisager sérieusement.

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Et au vu des derniers rebondissements, il semble que d’autres chapitres vont venir s’ajouter à la saga. Quel sera le destin de Carles Puigdemont ? Quel avenir pour la Catalogne ? Quel sera le dénouement final ? La suite, au prochain épisode.

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