Estimation Equinox – Election compliquée pour Manuel Valls à Barcelone

Si Manuel Valls a réussi à médiatiser avec brio sa candidature, selon une estimation réalisée par Equinox,  les chiffres lui prédisent une ascension pour le moins compliquée jusqu’à la place Sant Jaume. 

Equinox a analysé le comportement électoral des Barcelonais lors des scrutins municipaux, depuis le rétablissement de la démocratie en 1978.Le focus a été particulièrement mis sur les deux derniers scrutin (2011 et 2015) qui correspondent symétriquement à la crise économique espagnole et au processus indépendantiste catalan.  Nous avons ensuite croisé les résultats électoraux passés avec le sondage le plus récent réalisé par Gesop pour l’élection de mai prochain.

Le premier grand enseignement de notre analyse est l’écroulement du Parti Socialiste Catalan (PSC) au fil des années. En 1999, les socialistes obtiennent le score astronomique de 45%. Lors du dernier scrutin, il ne restait que 9.6% d’électeurs fidèles au PSC.

Deuxièmement, et c’est le plus frappant dans notre analyse :  la parfaite stabilité du bloc indépendantiste modéré. La particularité de Barcelone passe d’ailleurs par la modération du candidat indépendantiste. Xavier Trias en 2011 et 2015 représente un souverainiste consensuel. Ernest Maragall à gauche et Neus Munté à droite possèdent ce même profil pour le scrutin 2019. Convergència i Uniò (CiU), aujourd’hui PDeCat, obtient une moyenne de 26,43% depuis 1978. Un score qui ne baisse que très légèrement lors des deux derniers scrutins : 25,45 % en moyenne. La gauche indépendantiste ERC s’inscrit dans une moyenne de 6.6 % depuis 1978 et 8.25% depuis 2011.

Nous avons choisi de regrouper le spectre de centre-droit/droite en faveur de l’unité de l’Espagne qu’il soit sous l’étiquette Partido Popular ou Ciutadans, le premier se présentant depuis 1978, le second seulement depuis 2007. Un bloc stable à 17% depuis 1978, avec une grimpée à 19% lors des deux derniers scrutins.

Dernièrement, et c’est le point le plus sensible de notre étude : la versatilité des électeurs de la gauche radicale. Ada Colau a remporté l’élection de 2015 avec un score de 25,1 %, bien loin des 10.77% qu’obtient la mouvance radicale depuis 1978. Plusieurs facteurs semblent expliquer cette hausse. Primo, le spectre de la gauche anti-système a changé régulièrement de sigle depuis le rétablissement de la démocratie. Le Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC), mouvement historique existant clandestinement sous la dictature obtient 18,8% en 1978. En 1983, le parti se fait aspirer ses voix par le plus modéré Parti Socialiste Catalan.  Le PSUC disparaît officiellement en 1987 et se fondra dans la candidature néo-communiste et écologique d’Initiative pour la Catalogne-Les Verts (ICV). Une vraie traversée du désert pour ICV qui oscille entre 6 % et 10% à chaque scrutin municipal. Ada Colau a su redonner une image jeune à la vieille ICV grâce au dynamisme de la plateforme Barcelona en Comú.

Secundo, l’actuelle maire a réussi à ratisser large en présentant un projet transversal qui a certes lancé une OPA sur les socialistes qui ont fait le pire score de leur histoire (9%) mais aussi à grappiller des voix dans toutes les candidatures (hors Partido Popular). Enfin, il semblerait que Colau ait séduit les abstentionnistes. L’élection de la maire actuelle a été couronnée par la plus haute participation depuis les 16 dernières années : 60,6 %.

Nous avons croisé ces données avec la dernier sondage Gesop sur l’élection de mai prochain. Il est intéressant de noter une relative stabilité.

Le candidat donné en tête du sondage est l’indépendantiste modéré de centre-gauche (ERC) : Ernest Maragall avec 23.5%. A première vue il s’agirait d’un bouleversement de la répartition électorale par rapport au scrutin de 2015 où Alfred Bosch, le candidat de ERC, n’obtient que 11%.  Ce n’est qu’un effet d’optique. La candidate indépendantiste modérée de droite, elle, s’écroule selon le sondage. Neus Munté n’est estimée que d’un petit 11.5%, moitié moins que Xavier Trias en 2015 (22.7%). Si l’on en croit ce sondage et que l’on additionne ERC au PDeCAT, qui on le rappelle tiennent tous les deux le même discours indépendantiste soft, on obtient 35%, légèrement  plus haut que la moyenne de ces deux partis depuis 2011 : 34%. Le basculement se fait donc de manière interne entre les deux partis indépendantistes sans bouleverser le schéma global de l’élection.

Arrivée en seconde position dans le sondage, la maire Ada Colau est estimée à 19,5%. Six points de moins qu’en 2015. Comme nous l’avons vu plus haut, le socialisme est un important réservoir de voix pour l’actuelle maire. Il semblerait qu’une partie des électeurs reviennent vers le PSC.

En effet, les socialistes sont donnés à 13.5% dans le sondage Gesop. Un résultat moyen à placer entre celui de 2011 (21,8 % ) et celui de 2015 (9,6 %). Si le PSC améliore son score de 2015, c’est qu’il n’y a pas d’effets Valls qui siphonnerait les socialistes.

L’ancien Premier ministre s’inscrit dans les résultats obtenus par le centre-droit/droite favorable à l’unité de l’Espagne qui obtient en moyenne 17% depuis 1978, avec une pointe à 19% lors des deux derniers scrutins. Ciudadanos est sondé avec Manuel Valls à 15.5%, auxquels on peut ajouter les 4% du Partido Popular. Ici aussi, donc pas de changement radical.

Si les lignes ne bougent pas, où Manuel Valls peut-il récupérer des voix? Selon le dernier sondage, l’électorat socialiste reste encore peu réceptif à l’ex-Premier ministre. L’électorat d’Ada Colau n’est pas vraiment en adéquation avec les valeurs de l’ancien ministre de l’Intérieur, une remarque qui vaut pour les votants indépendantistes. Seul un retrait du PP peut redonner 4% à Manuel Valls lui permettant d’arriver aux 19% qui semble le plafond de verre unioniste aux municipales de Barcelone.

Pour augmenter sa performance, Manuel Valls peut tenter deux approches : faire du porte à porte discrètement pour séduire sur sa personne les électeurs indécis transpartisans ou socialistes. C’est ce que fait, ces derniers jours, l’ancien Premier ministre français qui sillonne les quartiers discrètement, sans caméras, ni journalistes. Une approche qui a relativement bien fonctionné à Evry en France. C’est ici que Manuel Valls peut faire monter son score de manière significative.

Deuxième axe : « catalaniser » son discours afin d’attirer les électeurs du centre, anciennement représenté par Artur Mas et ses amis. Une tâche compliquée avec la forte concurrence d’Ernest Maragall sur ce terrain et l’image hostile que possède Manuel Valls dans ce secteur.

L’élection se joue à un tour, à la proportionnelle. Il y a 41 conseillers municipaux en jeu distribués au prorata des voix obtenues. Après le scrutin, le futur maire devra obligatoirement confectionner une coalition avec d’autres forces pour obtenir une majorité absolue d’au moins 22 conseillers municipaux. Jusqu’ici, c’était la liste qui arrivait en tête qui formait la majorité. Une pratique traditionnelle mais non inscrite dans la loi. En 2019, il semblerait qu’aucun aspirant ne s’engage à respecter cette pratique. Ici aussi, les alliances post-électorales semblent jouer contre Manuel Valls. Les indépendantistes et Ada Colau pourront probablement s’entendre pour former une majorité. Seuls les socialistes pourraient s’entendre avec l’ancien ministre de l’Intérieur.

Note de la rédaction :  cette estimation n’est ni un sondage, ni un résultat définitif. C’est une photographie indicative au 25 octobre 2018, corrigée par les scores électoraux lors des précédents scrutins. Les campagnes, des événements dans l’actualité, des changements de candidats peuvent modifier le comportement électoral d’ici le jour du vote le 26 mai 2018.


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