Après les manifestations indépendantistes, Madrid reste sourde

medecin français à Barcelone

Malgré des centaines de manifestations dans les rues catalanes, l’indépendantisme n’a pour le moment rien obtenu du gouvernement espagnol. Décrypatge.  

En France, au printemps 1963, le général de Gaulle et son Premier ministre, Georges Pompidou, se retrouvent avec une grève générale dans les charbonnages de France. Après 35 jours de grève, le gouvernement concède une augmentation salariale. En 1984, François Mitterrand a dû reculer dans son projet de loi visant à démanteler les écoles privées après une grande manifestation nationale à Paris. En 1995, une longue grève de trois semaines faisait reculer le duo Jacques Chirac et Alain Juppé qui abandonnèrent le plan de réforme des retraites. François Hollande en 2013 devra, lui, annuler une taxe imposée aux poids lourds après un mouvement de « bonnets rouges ». Emmanuel Macron, enfin, a modéré certains aspects fiscaux après les émeutes des Gilets Jaunes.

Les manifestations catalanes

De l’autre côté de la frontières des Pyrénées, à Barcelone, les indépendantistes catalans manifestent eux aussi. Depuis 2011, l’indépendantisme possède la plus grande force de mobilisation organisée en Europe. A Barcelone, les manifestations monstres, avec un écho international très fort,  rythment la vie politique des dix dernières années. En juillet 2010, le tribunal constitutionnel censure une grande partie du statut d’autonomie de la Catalogne supprimant la reconnaissance de l’identité nationale catalane et des avantages fiscaux. Cette décision déclenche une marche de protestation à Barcelone, soutenue par la majorité des partis politiques catalans et qui réunira plus d’un million de personnes selon la police municipale. Un coup d’envoi de mobilisation où chaque 11 septembre, jour de la fête nationale, les indépendantistes feront les gros titres avec des manifestations originales.

indépendantisme en CatalogneChaîne humaine reliant la frontière française au nord jusqu’à Tarragone au sud (2013); un V de la victoire dans les rues de Barcelone avec des centaines de milliers de participants (2014); dessiner une route libre avec des flèches de papiers qui se dirigent de toute la Catalogne vers le parlement (2015). Les indépendantistes ont attiré vers eux les regards des caméras du monde entier, mais pas ceux du gouvernement de Madrid. Le gouvernement de Mariano Rajoy ne cédera rien aux indépendantistes catalans.

Bravache, le président Artur Mas organisera une consultation populaire le 9 novembre 2014 sur le thème de l’indépendance catalane. Artur Mas a souhaité donné un caractère uniquement symbolique à cette consultation ce qui ne l’empêchera pas de finir avec une peine d’inéligibilité et tout son patrimoine financier saisi par le tribunal des comptes espagnol pour rembourser les frais occasionnés par la consultation populaire. La réponse des indépendantistes se fera, une nouvelle fois, par des manifestations massives en faveur du président Mas et d’un référendum, mais qui resteront une nouvelle fois lettres mortes à Madrid. Un premier climax aura lieu le 1er octobre 2017 avec l’organisation unilatérale du référendum non autorisé par le gouvernement Puigdemont.

manifestation CatalogneEn 2017, les souverainistes catalans manifesteront quasiment quotidiennement du 11 septembre jusqu’à Noël.  Premièrement pour soutenir le référendum, ensuite pour demander la libération des indépendantistes incarcérés. Là aussi, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy restera impassible face aux clameurs de la rue. Le second climax aura lieu, deux ans plus tard, le 14 octobre dernier alors que les rues catalanes se sont noircies de monde pour protester contre le verdict du procès contre les organisateurs du référendum. Manifestations paisibles le jour comme depuis 2011, émeutes la nuits pour la première fois dans l’histoire moderne du mouvement souverainistes. Aucune des deux facettes de la protestation ne fera vaciller le gouvernement, cette fois-ci socialiste, de Pedro Sanchez. L’exécutif espagnol ne verra officiellement qu’un problème d’ordre public qui doit être réglé par la Police comme l’ont répété plusieurs fois en octobre le chef du gouvernement Pedro Sanchez et son ministre de l’intérieur.

Pas tous les catalans

Pour les opposants au mouvement séparatiste, cette absence de réaction du gouvernement espagnol est normale et légitime. Professeure de droit, proche de Ciutadans et ancien soutien de Manuel Valls, Chantal Moll estime que les « les manifestations pour l’indépendance étaient des chorégraphies de masse organisées par la Generalitat pour donner le sentiment que tous les Catalans réclamaient l’indépendance, alors que les nombreuses élections qui se sont déroulées ces dernières années montrent chaque fois que l’indépendance n’atteint pas pourcentage de la moitié de la  population ». Cette  franco-espagnole est devenue l’une des icônes du mouvement en faveur de l’unité de l’Espagne après avoir crié en français « on en a marre » dans une manifestation contre les émeutes et les coups d’éclats indépendantistes le 27 octobre dernier à Barcelone. Adria Elsina 

Adrià Alsina de l’association indépendantiste Asemblea Nacional Catalana (ANC), organisatrice des manifestations du 11 septembre, pense exactement le contraire : « Quand l’existence du conflit catalan coûtera plus cher à l’Espagne que de le solutionner, l’État bougera enfin pour négocier » opine l’activiste. « Les Etats unis ont mis 6 mois avant de prendre position en faveur d’Hong-Kong, il faut donc continuer à faire des actions encore plus fortes en Catalogne » commente Alsina.

Parcours du combattant

Un mur de la négociation qui reste très haut à franchir. Il suffit de regarder l’histoire récente de l’Espagne hors des frontières catalanes. Manifestation contre la guerre d’Irak : 2 million de personnes dans les rues du pays en 2003, en réponse le premier ministre Jose-Maria Aznar évoqua la possibilité d’activer la loi martiale contre les protestataires  ; mouvements des indignés en 2011, des campements pendant des semaines sur les places publiques du pays, le gouvernement Rajoy fit passer la fameuse « loi mordaza » avec des restrictions du droit de manifestation.   Dans les deux cas, le gouvernement n’a rien cédé.

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