L’impossible union politique en Espagne face au coronavirus

medecin français à Barcelone

Pour tenter de sauver l’économie espagnole massacrée par le Covid19, le Premier ministre socialiste demande une unité politique nationale. L’affaire est loin d’être entendue par l’opposition de droite et les indépendantistes catalans. 

Contrairement à ses collègues européens, la crise du coronavirus se solde par une chute de popularité pour le Premier ministre espagnol. Alors qu’Emmanuel Macron en France ou Angela Merkel en Allemagne voient leur cote de confiance augmenter, Pedro Sanchez sent le sol se dérober sous ses pieds. L’exécutif explique que ces mauvais chiffres proviennent de la critique permanente du gouvernement de Catalogne.

L’indépendantisme Quim Torra, depuis le début de la crise, pense qu’il faut opter pour le confinement total. Une mesure mise en place, de manière exceptionnelle, uniquement du 31 mars au 14 avril. Hors de cette période, les employés ne pouvant pas bénéficier du télétravail doivent se rendre sur leur lieu professionnel. « Nous ne pouvons pas détruire toute notre industrie » se défend le gouvernement espagnol, tentant un difficile équilibre entre la préservation de ce qu’il reste de l’économie nationale et la santé des citoyens. « C’est inconscient et dangereux » sentencent la Generalitat et les relais d’opinion indépendantistes. Pour le moment les experts, aussi divisés que les politiques, ne peuvent pas départager les deux théories.

La droite

L’opposition nationale de la droite du Partido Popular (PP) soutient le gouvernement dans l’activation du plan d’urgence. Au nom de l’intérêt commun et du sens de l’Etat. Mais plus les jours passent, plus le PP a trouvé un angle de critiques : les mesures économiques du gouvernement pour tenter de pallier aux effets du confinement seraient insuffisantes selon les conservateurs. La droite pense qu’il faut que l’État injecte de la liquidité en priorité aux petites entreprises, artisans et travailleurs indépendants.

Le pacte

Pour tenter de juguler l’hémorragie de la critique, Pedro Sanchez veut remonter le temps politiquement et revenir en 1977 en proposant la version 2.0 des « pactes de la Moncloa ». Au sortir de la dictature, l’Espagne est étouffée par une crise économique violente, conséquence du choc pétrolier de 1973. Le centriste Adolfo Suarez, chargé de transiter l’Espagne de la dictature vers la démocratie, veut rassembler les forces politiques autour de sa personne. Avec l’objectif de sauver l’Espagne de la faillite. Centristes, socialistes, communistes, post-franquistes, conservateurs, syndicalistes, nationalistes catalans et basques ont signé les fameux pactes de la Moncloa. Conséquence de l’unité politique et syndicale : les travailleurs espagnols ont accepté une baisse générale des salaires de 10% et en une année l’inflation est passée de  30% à 19%.

Los Pactos de la Moncloa sentaron las bases de la economía moderna

S’en suivirent les années du miracle économique ibérique qui prirent fin avec la crise mondiale de 2008. Le Covid19 détruit l’économie espagnole avec la même rage que la guerre civile de 1936. L’unité que souhaite Pedro Sanchez est loin d’être acquise. Si Manuel Farga, chef des conservateurs d’Alianza Popular, s’assied en 1977 à côté du communiste Santiago Carrillo, Pablo Casado, chef de l’opposition de droite, demande aujourd’hui la démission du vice-président Pablo Iglesias pour ne pas avoir à traiter avec l’ultra-gauche. En coulisses, le PP pense que Pedro Sanchez ne passera pas la crise et mise sur un effondrement du parti socialiste sans chef légitime. Si Sanchez, auteur du livre Manuel de résistance, paru avant la crise du Covid 19, parvient à se maintenir au pouvoir, la droite le veut faible et fragile. Toutes les excuses seront bonnes pour ne pas s’asseoir à la table des nouveaux pactes de la Moncloa.

Les indépendantistes catalans

En 1977, le nationalisme catalan, représenté par la bourgeoisie locale, a soutenu le gouvernement central. Comme on l’a vu, la Generalitat post-déclaration d’indépendance ne voit pas les choses d’une manière aussi claire. D’autant plus que l’indépendantisme catalan reste divisé en deux factions rivales : les amis de Carles Puigdemont et la gauche républicaine (ERC). Il y a deux ans lors des négociations pour la formation de la coalition du gouvernement indépendantiste, ERC avait insisté pour gérer les ministères « sociaux » : éducation, santé et travail. Le parti voulait ainsi démontrer à l’opinion publique qu’il savait et pouvait gérer les affaires sociales en bon père de famille. Avec le coronavirus, le parti se retrouve en première ligne et doit assumer les ratés de la gestion, comme le drame des maisons de retraite pour lesquelles le ministre catalan Chakir El Homrani n’a pas pris les bonnes décisions.

En revanche, Junts Per Catalunya, le parti de Puigdemont, garde un rôle facile à assumer en rappelant le besoin du confinement total avec les voix du président, de la porte-parole du gouvernement Meritxell Budo et du ministre de l’Intérieur Miquel Buch. La crise sanitaire a repoussé sine die les élections catalanes mais ne les annulent pas. Avec ce scrutin en vue, les partis indépendantistes seront encore plus prudents à l’heure de s’asseoir à la table virtuelle des pactes de la Moncloa version 2020.

*La Moncloa est le nom du siège du gouvernement espagnol, équivalent de Matignon en France. C’est en ce lieu qu’ont été signés les accords de 1977. 

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