La Catalogne en symboles : les dragons, une fascination catalane

Photo : Clémentine Laurent-Equinox (1 sur 8)

medecin français à Barcelone

Au coin des rues, surplombant les avenues, dans les tableaux des musées ou dans les contes, les dragons sont partout à Barcelone et en Catalogne. Mais cette fascination n’est pas seulement due à la Légende dorée de Sant Jordi.

Majestueux, puissant, effrayant et à la fois si fascinant. Depuis la nuit des temps, le dragon émerveille toutes les civilisations. Qu’elle crache du feu ou de l’eau, qu’elle soit ailée ou marine, chinoise ou européenne, la créature magique impose toujours le respect et inspire la force, la résistance mais aussi la fureur et le goût de l’indomptable.

Photo : Clémentine Laurent/Equinox

Et pourtant, même si elle est présente dans les contes du monde entier, la bête semble avoir élu domicile à Barcelone. Au-dessus des frontons des bâtiments, sur les peintures médiévales, dans les parcs, les dragons sont cachés un peu partout dans la ville. Gaudí a installé le sien sur le toit de sa Casa Batlló, un autre aux traits asiatiques surplombe la Rambla, et des bêtes terrassés par Sant Jordi sont présentes un peu partout dans les rues et sur les tableaux des musées. Mais d’où vient cette fascination catalane pour les dragons ?

La Légende dorée de Sant Jordi contre le dragon

La légende de Sant Jordi serait la réponse la plus évidente. Aujourd’hui saint-patron de la Catalogne, le chevalier chrétien et sa « légende dorée » (tirée du livre éponyme, de Jacopo da Varazze) ont une importance indiscutable dans la tradition et la culture catalane ; en témoigne la célébration du saint, véritable événement tous les 23 avril.

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Selon la légende, le jeune chevalier chrétien aurait libéré une ville orientale d’un dragon qui la terrifiait et lui demandait des jeunes filles pour les dévorer. Ici, le monstre symbolise la victoire du chevalier vaillant sur l’oppresseur, mais aussi celle du christianisme sur le paganisme, puisqu’en échange de ses services, Sant Jordi demande aux habitants de se convertir.

Mais la fascination catalane pour cet animal fantastique ne s’explique pas que par les exploits de Sant Jordi. « Le dragon était déjà présent auparavant dans l’art figuratif médiéval, dans les bestiaires et les miniatures. Il représentait la lutte entre le bien et le mal », précise Francesc Quílez Corella, conservateur au Musée national d’art de Catalogne (MNAC), où les dragons peuplent d’ailleurs de nombreux tableaux.

C’est après l’arrivée de la légende en Catalogne, au XIIIème siècle, que l’animal mythique prend une symbolique profane et païenne ; ce qui peut paraître étonnant, car avant Sant Jordi, le dragon était déjà connu dans la région, terrassé par l’archange Sant Miquel (Saint Michel). « Mais la légende de Sant Jordi était beaucoup plus attrayante et évocatrice, avec la princesse par exemple. Elle a d’ailleurs eu beaucoup plus d’influence sur les pays catalans que sur le reste de la Péninsule ibérique. »

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Ainsi, le dragon traverse les âges en Catalogne et s’inscrit dans la culture populaire et l’imaginaire collectif. Des animaux fantastiques faits de pierre, d’encre et plus tard de trencadís peuplent la Catalogne et sa capitale. Mais la Renaixença va faire gagner à la bête ses lettres de noblesse dans la région.

« Les dragons que l’on voit quand on se promène dans Barcelone sont le reflet d’un symbole de l’identité et de la culture catalane. Ils datent souvent de la fin du XIXème siècle, en plein mouvement de récupération culturelle et historique catalane. L’Exposition universelle de 1888 a d’ailleurs été l’occasion de développer encore plus ce symbole », affirme le conservateur du MNAC.

Les dragons de l’Eixample, symbole en Catalogne

Le dragon perd alors son sens original religieux et revient à sa symbolique ancestrale : la force et la résistance. « La période de la fin du XIXème siècle était l’occasion de remettre en valeur l’art et l’héritage patrimonial catalan, et notamment les traditions médiévales. » Les grands architectes de l’époque, comme Gaudí ou Puig i Cadafalch, incorporent alors des dragons à leurs façades de l’Eixample.

n peut par exemple en admirer aux fenêtres de la Casa Lleó Morera, sur le Passeig de Gràcia, mais aussi sur le Castell dels Tres Dragons (‘château des trois dragons’), à côté du parc de la Ciutadella et construit en 1888 par Domènech i Montaner pour l’Exposition universelle.

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La créature devient donc une véritable expression de l’identité catalane, qui se renforce d’autant plus durant la période de répression franquiste. « Il s’utilisait comme un symbole de résistance contre l’ennemi qui nie la culture et la langue catalane », rappelle Francesc Quílez Corella « Aujourd’hui, le dragon a perdu sa symbolique religieuse et est devenu une véritable icône de la culture catalane, pour les élites culturelles comme dans l’imaginaire populaire ».

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Le dragon prend maintenant fièrement place dans les rues, les contes et traditions populaires et les musées d’art de Catalogne. Malgré sa défaite face à Sant Jordi, la bête merveilleuse et indomptable a finalement conquis Barcelone, à l’image de la culture catalane qui s’affirme face à l’oppression.

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