Vendre un appartement squatté, (presque) normal à Barcelone

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Les annonces d’appartements squattés se multiplient sur les sites immobiliers de Barcelone, à des prix plus qu’intéressants… mais qui flirtent avec la légalité.

Photo : Kasaz

Un appartement d’une cinquantaine de mètres carrés, dans la ville même, et en vente à un prix défiant toute concurrence. Les annonces de ce type fleurissent sur les sites immobiliers, depuis plusieurs mois, alors que les prix restent très élevés sur le marché. Mais il y a une ombre au tableau : ces appartements ne sont pas visitables, car ils sont occupés… illégalement.

Les appartements “okupés” (‘okupados’, en espagnol) sont un véritable phénomène, dans la capitale catalane, observe l’Association des administrateurs de propriétés de Barcelone-Lleida. Des logements habités illégalement, et dont l’expulsion est longue est fastidieuse. À tel point qu’aujourd’hui, ces biens squattés sont mis en vente, histoire de reléguer le problème.

Appartement BarcelonePhoto : Annonce d’un appartement « okupé » en vente sur Habitaclia

Sur diverses plateformes immobilières bien connues, comme Idealista ou Habitaclia, les annonces d’appartements “ocupados” sont nombreuses. Dans les premières annonces visibles, on tombe par exemple sur un bien situé à Nou Barris, un quartier périmétrique de Barcelone, en vente à 45 000 € pour 71 mètres carrés… soit plus de quatre fois moins cher que le prix moyen du marché (évalué par la mairie à 2097 € le mètre carré, dans ce quartier, en 2020).

Appartement BarcelonePhoto : Annonce d’un appartement « okupé » en vente sur Idealista

Mais voilà : l’appartement est occupé illégalement, et la visite est impossible. “Nous pouvons vous donner l’adresse pour que vous alliez voir l’appartement de dehors”, propose l’agence immobilière qui gère la vente. En bref, rien d’alléchant, sauf le prix.

Des prix d’appartements à Barcelone alléchants

Mais si les prix défient toute concurrence, c’est parce que le problème est de taille : déloger les occupants d’un appartement prend au moins 8 mois, affirme une agence, et les frais sont à la charge de l’acheteur du bien, pas au vendeur.

Certaines agences proposent même des “packs”, comprenant les frais des démarches d’expulsion, les travaux de rénovation et la mise en location… “À une très bonne rentabilité !”, insiste une agence. Des frais, donc, avant même de pouvoir visiter l’appartement en question et évaluer la hauteur des travaux.

Et ceux-ci sont presque automatiques, dans le cas d’un bien “okupado”, remarque José María Aguilá, assesseur juridique de l’Association des administrateurs de propriétés de Barcelone-Lleida : la plupart des appartements qui ont été squattés sont “totalement détruits”.

Appartement barcelonePhoto : Annonce d’un appartement « okupé » en vente sur Idealista

Et si ces conditions ne convainquent pas l’acheteur, les agences immobilières rétorquent que, de toute manière, vendre un appartement squatté est bel et bien légal… et, étrangement, c’est le cas. Même si occuper un appartement sans contrat n’est pas légal, la vente de celui-ci l’est, du temps que l’”occupation” du bien est mentionnée dans le contrat, précise José María Aguilá.

Un marché lucratif pour tous

Mais alors, pourquoi ce phénomène est-il si courant, s’il ne respecte pas la loi ? Tout simplement parce que chacun arrive à tirer son épingle du jeu. Le vendeur de l’appartement se débarrasse d’un problème de taille, l’acheteur acquiert un bien immobilier à un prix imbattable sur le marché très serré de Barcelone, et les agences et sites d’annonces immobilières tirent des bénéfices de la vente.

Les deux géants du secteur sur Internet, Habitaclia et Idealista, qui affichent des annonces d’appartements “okupados”, n’ont pas répondu à nos questions.

Le problème millénaire du logement à Barcelone

Ce triste phénomène est le résultat de plusieurs facteurs, observe l’assesseur juridique : “la situation de vulnérabilité actuelle, et le manque de fermeté des pouvoirs publics, leur passivité ou leur lenteur”. Barcelone manque cruellement de logements sociaux, les appartements sont chers car la demande est élevée, et la situation économique due à la pandémie n’aide pas à se loger convenablement, explique-t-il.

appartement barcelonePhoto : Antonio Lajusticia Bueno/Ajuntament

Et si le problème s’étend à toute la ville de Barcelone, la mairie n’a pas les compétences pour contrôler le marché privé de l’immobilier, qui dépend des autorités catalanes et espagnoles. Elle est donc impuissante, alors que le phénomène donne une piètre façade de la ville à l’étranger : se loger est devenu tellement difficile à Barcelone que l’on vend même des appartements squattés.

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