S. Alonso, chercheur : « Les restrictions en Catalogne ne servaient pas à grand-chose »

covid Catalogne

Sergio Alonso est professeur et chercheur à l’Université Polytechnique de Barcelone. Il fait partie du BIOCOMSC, le groupe de chercheurs qui publie quotidiennement les rapports et projections sur la situation sanitaire utilisés par la Catalogne. Interview.

Depuis le début de la pandémie, les spécialistes disent qu’il ne faut pas lever toutes les restrictions d’un seul coup pour ne pas provoquer un rebond de l’épidémie. Mais, en sept jours le gouvernement de Catalogne a supprimé le couvre-feu, les jauges, les limites de 10 personnes pour les rassemblements, tandis que le passe sanitaire devrait disparaitre cette semaine. Est-ce une bonne stratégie  ?

La Catalogne est la région d’Espagne qui avait les restrictions les plus sévères. Pourtant, elle n’a pas réussi à réduire le nombre de cas par rapport aux autres régions du pays. Nous ne savons pas jusqu’à quel point les dernières restrictions avaient vraiment un effet sur l’incidence. Finalement elles ne servaient peut-être pas à grand-chose. Donc je comprends que le gouvernement soit réticent à les maintenir, sachant qu’elles affectent le commerce.

Le seul secteur devant subir une fermeture est celui des boites de nuit. Il n’y a plus de jauge dans les bars et les restaurants. On a l’impression que le monde de la nuit est l’unique cluster de cette pandémie. Pourtant, aller au restaurant ou dans un bar sans masque, c’est comme aller sur une piste de danse. 

Si, les boites de nuit sont des clusters plus importants que les autres lieux accueillant du public. Avec la musique à un volume élevé, il faut crier pour se faire entendre. L’alcool, la désinhibition, les relations sociales renforcées font que les discothèques sont des lieux beaucoup plus à risque pour la transmission du virus qu’un repas au restaurant. C’est pour cela que les boites de nuits sont les premières fermées et les dernières rouvertes à chaque vague de la pandémie.

Quasiment plus aucune restriction mais 500 morts en Espagne en 24 heures et 2816 personnes hospitalisées cette semaine, ce sont des chiffres que l’on n’avait pas connus depuis 10 mois. 

Le nombre de cas en Catalogne est énorme. Cependant les hospitalisations et les décès se maintiennent à des niveaux relativement bons par rapport aux autres vagues à la lecture d’un nombre de cas incroyablement grand.

Les hôpitaux se remplissent avec des patients « avec le Covid » et non pas « ‘a cause du Covid ».  L’incidence est tellement élevée qu’un patient sur 10 hospitalisé pour une pathologie diverse, accident ou maladie, est testé positif au Covid-19 à son arrivée. Ce patient se retrouve ensuite comptabilisé dans les hospitalisations Covid alors qu’il n’a pas été à l’origine admis pour cela. Ce qui donne des chiffres de décès erronés.

N’est-ce pas trop tôt pour vouloir suivre le Covid-19 comme une grippe alors que nous sommes encore dans la 6e vague ?

Concernant la 6e vague, nous avons dépassé le pic ces derniers jours. Beaucoup de gens sont déjà contaminés, ça signifie que la descente sera assez rapide. La Catalogne ressemble au Danemark : une hausse rapide et une sortie de vague aussi rapide.

Grippaliser le Covid est un concept vers lequel nous devons évoluer.  Après cette 6e vague, il y aura peu de personnes sans immunité. Grâce aux vaccins et la contamination massive, quasiment toute la population sera immunisée contre le coronavirus.

Les prochains variants ne présentent-ils pas un risque de relance de la pandémie ?

Jusqu’ici notre expérience avec les variantes nous indique qu’il peut y avoir des vagues en matière de contaminations. Omicron résiste au vaccin. Cependant, le corps et son système immunitaire entraînés face au virus, réussissent desormais à lutter contre la maladie. Ce qui va se traduire par moins d’hospitalisations. C’est ce qu’il se passe actuellement avec Omicron. Cependant, nous ne pouvons écarter le fait qu’une nouvelle pandémie avec un nouveau virus surgisse un jour ou l’autre.

La Catalogne s’apprête à supprimer le passe sanitaire qui était obligatoire pour accéder aux restaurants et bars. La Catalogne est voisine de la France, un pays avec un fort mouvement anti-vaccins. Nombreuses sont les personnes privées de vie sociale avec le passe vaccinal. N’y a-t-il pas un risque que ces personnes profitent de la situation d’absence de passe sanitaire dans les lieux de loisirs pour venir en Catalogne ? 

C’est surtout un danger pour eux. Si un Français non vacciné vient en Catalogne pour profiter des bars et restaurants, c’est lui qui prend le risque de se contaminer et de finir à l’hôpital ou en réanimation. Plus qu’un problème pour la Catalogne, c’est un problème pour ces gens.

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