Les 10 différences entre Vox et le Rassemblement National

vox rassemblement national

À la veille des élections présidentielle en France, Equinox lance sa grande collection de comparatifs entre les familles politiques espagnole et française. 

Premier article avec les ressemblances et les différences entre le Rassemblement National de Marine Le Pen et le parti Vox de Santiago Abascal, respectivement extrême-droite française et espagnole. 

1. L’origine

Les origines de Vox et du Front National sont radicalement distinctes. Vox est une scission du Partido Popular (droite parlementaire, PP) tandis que le Front National de Jean-Marie Le Pen, né en 1973, est un conglomérat de poujadistes, pétainistes, révisionnistes voir néo-nazis. Le FN se place donc dans un environnement beaucoup plus anti-système que Vox qui, d’une certaine manière, est issu de l’establishment.

Nombre de militants et d’élus du Partido Popular se sont radicalisés lors des mécontentements sociaux et sociétaux entre 1993 et 1996, puis entre 2003 et 2008, provoqués par les premiers ministres socialistes Felipe González et José Luis Zapatero, note l’historien Xavier Casals. Les hausses d’impôts, l’assouplissement de l’IVG, le mariage homosexuel sont autant de thématiques qui ont excité une partie des bases du PP.

Une seconde vague de crispation a eu lieu durant le mandat du conservateur José María Aznar, qui a dû se rapprocher des nationalistes basques et catalans pour se dégager une majorité parlementaire. En échange du vote des parlementaires basques et catalans pour investir Aznar, un certain nombres de concessions ont été faites. On peut citer, par exemple, la création de la police catalane des Mossos d’Esquadra ou les compétences régionales renforcées en matière de santé, de culture et d’éducation.  L’âme identitaire espagnole d’un certain secteur du PP s’est sentie trahie par cette politique de décentralisation.

Vox Rassemblement national

Photo : Le Premier ministre Aznar et le président catalan Jordi Pujol, au Majectic de Barcelone en 1996.

Enfin, la rupture sera accentuée avec un tournant centriste au sein du Partido Popular, opéré par Mariano Rajoy, alors président du parti.

En 2013, le conseiller régional basque Santiago Abascal quitte le PP pour fonder Vox, en promettant  la « régénération » de la démocratie et la défense de « l’unité de l’Espagne ».

2. L’arrivée rapide dans les sphères du pouvoir en Espagne

Entre plafond de verre et cordon sanitaire, le Front National est souvent resté à la porte du pouvoir. Le parti a réussi à s’imposer récemment à la tête de municipalités relativement importantes comme Fréjus, Perpignan ou Béziers. Depuis les années 1990, où le parti s’était emparé de Toulon, le chemin vers le pouvoir du FN ressemble à une perpétuelle traversée du désert.

Le particulier système électoral français y est pour beaucoup. Dépasser la barre des 50 % pour un parti situé aux extrêmes n’est pas une mince affaire. Pour tenter d’empêcher la droite RPR (Rassemblement pour la République) d’obtenir une majorité parlementaire en 1986, François Machiavel Mitterrand avait imposé le scrutin proportionnel. Ce qui a permis au FN de débarquer à l’Assemblée Nationale avec une trentaine de parlementaires. Une prouesse jamais reproduite, avec le retour du scrutin majoritaire à deux tours.

Le groupe FN

Photo : Le groupe FN à l’Assemblée, en 1986.

C’est justement  l’application de la proportionnelle dans toutes les élections en Espagne qui permet à Vox d’influencer grandement la vie politique dans le pays. Vox, avec ses élus locaux, permet à la droite du Partido Popular de gouverner dans les régions de Madrid, d’Andalousie, de Murcie et dans la ville de Madrid.

Il est vrai que l’absence de cordon sanitaire permet des alliances entre la droite et l’extrême-droite de manière plus fluide qu’en France. L’absence de ce cordon peut avoir plusieurs sources. La première raison est la souche commune entre la droite et l’extrême-droite, comme nous l’avons vu auparavant.  Les médias sont également beaucoup plus à droite en Espagne qu’en France, et le tollé est relativement modéré lors d’un accord entre la droite et Vox.

3. La capitale, un bastion de Vox en Espagne

Un des plus grands bastions de Vox en Espagne est situé à Madrid et dans sa région. C’est grâce aux élus de Vox qu’Isabel Ayuso et José Luis Martínez Almeida du PP sont respectivement présidente de la région et maire de Madrid. Dans la deuxième ville du pays, Barcelone, et en Catalogne, Vox est en revanche très mal implanté et réalise ses pires scores.

Un parfait miroir inversé de la situation française : le RN est quasi inexistant à Paris et extrêmement implanté dans la seconde région du pays, Marseille et la région PACA.

4. Similitudes programmatiques

Fermeture des frontières, expulsion des clandestins, amalgame entre immigration illégale et délinquance, les poncifs de l’extrême-droite sont communs aux deux partis.

5. Différences sur l’Europe

En revanche, Vox est moins anti-européen que le RN. L’extrême-droite espagnole ne veut sortir ni de l’euro, ni de l’Union européenne, même si le parti veut une profonde refonte de cette dernière.

Avec Marine Le Pen, le FN a proposé la sortie de l’UE, baptisée « Frexit », et un abandon de l’euro. Depuis le départ du numéro deux du FN, Florian Philipot, le parti a cependant modéré sa position sur ce thème.

6. Pro-Poutine et pro-Trump

Au plan international, Vox comme le RN sont proches de Poutine et défendent la politique de la Russie. Les deux mouvements saluent la présidence de Donald Trump et s’en revendiquent.

7. Le débat territorial

Vox et le Partido Popular bataillent pour devenir le héraut de la lutte contre l’indépendance de la Catalogne, mais aussi du Pays Basque et à moindre mesure des identités régionales des îles Baléares ou de la région de Valence. Le plus combatif est Vox, qui plaide pour une recentralisation totale avec la suppression des gouvernements de Catalogne, la fermeture des médias régionaux de service public et la dissolution de la police autonomique des Mossos d’Esquadra.

El «espíritu Núñez de Balboa» cuaja en BarcelonaPhoto : Manifestation de Vox en faveur de l’unité nationale.

En France, l’un des états les plus centralisés au monde, la question se pose moins. Cependant, le maire de Perpignan, Louis Aliot, qui clamait en 2010  : « Catalan d’accord mais Français d’abord » est entré en guerre avec les catalanistes de la ville. La mairie a opposé récemment son veto à la création d’un lycée en langue catalane.  Ce n’est pas la première fois que le premier magistrat de la ville vit une tension avec la communauté catalane.  À peine arrivé au pouvoir, le maire a changé le slogan de la ville « Perpignan la Catalane » par « Perpignan la Rayonnante ».

Pourtant, contrairement à Vox qui fait de sa politique anti-culture catalane un totem, Louis Aliot, lui, marche sur des oeufs. « C’était la signature imposée par Jean Paul Alduy et prolongée par son successeur Jean Marc Pujol (NDLR : deux anciens maires). Mais c’est un pléonasme. Tout le monde sait bien que Perpignan est catalane », se défend Louis Aliot dans les colonnes du journal Le Parisien.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que le terme séparatiste attribué en France par le gouvernement contre les associations islamiques radicales est utilisé en Espagne par l’extrême-droite pour nommer les partis indépendantistes catalan et basque.

8. Les théories du complot

2004 : trois attentats djihadistes provoquent des massacres à Madrid. À la veille des élections législatives, le gouvernement sortant de droite accuse immédiatement le groupe terroriste basque ETA d’être à l’origine de l’attaque. Participant majeur de la guerre d’Irak aux cotés des USA, le Premier ministre Aznar craint de perdre les élections si le public perçoit les attentats comme une représaille à cette guerre impopulaire dans le pays.

Si la droite a rapidement abandonné le dossier d’ETA face aux preuves policières, l’affaire s’est convertie en une thèse complotiste. La gauche aurait fait croire, avec l’aide de certains services de l’État,  à la responsabilité djihadiste pour gagner les élections.  Un récit, vingt ans plus tard, que continue à répandre et défendre personnellement Santiago Abascal.

En France, selon une étude de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch publiée en février 2019, les sympathisants du Rassemblement National apparaissent comme les plus sensibles aux théories du complot. 61 % d’entre eux sont d’accord avec cette affirmation : « Le ministère de la Santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins. » Un chiffre qui n’atteint que 43 % pour l’ensemble des Français.

Si Marine Le Pen n’a jamais publiquement déclaré être anti-vaccin ou adhérer à des thèses complotistes, de nombreux cadres franchissent allègrement le pas, comme le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier. Cependant, les plus grands complotistes ne sont pas au Rassemblement National, qui travaille actuellement sur son image de parti ayant la maturité d’arriver aux affaires.  L’ancien numéro deux du Front National, Florian Philippot, aujourd’hui président de son parti Les Patriotes, se veut le porte-parole des anti-vax et organise des manifestations contre la politique sanitaire du gouvernement tous les samedis depuis plus d’un an.

La nouvelle radicalité de Florian Philippot, de n°2 du FN à figure de proue des anti-mesures sanitaires - Le ParisienPhoto : Manifestation de Florian Philippot.

Philippot, sur les réseaux sociaux, répand les théories les plus loufoques du complotisme et a annoncé qu’il nommerait le professeur Raoult Ministre de la Santé une fois qu’il serait président de la République.

9. La dynastie familiale en France

La grande singularité du Front National / Rassemblement National est sa dimension dynastique familiale. En plus du triptyque Jean-Marie, Marine et Marion Maréchal Le Pen, une foultitude de cadres et élus du parti sont des membres de la famille. Le maire de Perpignan, Louis Aliot, est l’ancien compagnon de Marine Le Pen, Catherine Griset est une ancienne belle-sœur de la présidente du RN, et Philippe Olivier, beau-frère de Marine, occupa de nombreuses années un poste de conseiller au sein du FN.

Vox n’a pas le caractère de « pieuvre familiale » comme le RN. Cependant toute la famille de Santiago Abascal milite au sein du parti et quelques fois se présente aux élections.  D’ailleurs, la famille Abascal possède un destin commun : quitter le PP pour entrer à Vox.

Begoña Conde, nièce de Santiago Abascal, a mené en 2019 la liste Vox dans le département galicien d’Ourense ; elle était jusqu’ici attachée parlementaire pour le PP. Isabel et Iria, respectivement mère et sœur de Santiago, ont fait en 2019 acte de candidature pour les législatives au Pays Basque au nom de Vox.

10. Le dérapage fondamental en France

Si la famille Le Pen est aussi connue internationalement, c’est regrettablement en raison de la déclaration du « point de détail » du président du FN. En , Jean-Marie Le Pen est invité dans l’émission du Grand Jury RTL-Le Monde. Alors qu’une thèse universitaire crée une polémique révisionniste, Le Pen est interrogé à propos de la contestation de l’utilisation par les nazis de chambres à gaz homicides. Il déclare alors : « Je n’ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale ». C’est le démarrage d’une interminable série de dérapages, provocations, calembours et autres jeux de mots à caractère raciste ou anti-sémite qui vaudront à Jean-Marie Le Pen une image de diable politique au plan international.

Si Santiago Abascal est souvent pointé du doigt pour ses déclarations iconoclastes, aucune polémique du leader de l’extrême-droite espagnole n’a connu l’ampleur des sorties de Jean-Marie Le Pen. D’ailleurs, Santiado Abascal n’a jamais été condamné par la justice pour ses propos.

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medecin français à Barcelone