Le Street Art à Barcelone : de l’âge d’or à l’illégalité

medecin français à Barcelone

Il y a 20 ans, il était possible de taguer et de dessiner sur les murs de Barcelone plus librement qu’aujourd’hui. D’abord très laxiste, la loi s’est endurcie au fil des années, malgré l’émergence du mouvement street art.

Entre 1998 et 2006, les artistes du monde entier venaient à Barcelone pour profiter de cette liberté, qui paraît aujourd’hui hors-norme. Parmi eux, des Français ont beaucoup influencé les courants avec leur style particulier, comme Miss Van, une artiste toulousaine mondialement connue. Des artistes légendaires comme Keith Haring ont également foulé le sol barcelonais et y ont laissé leur trace. Le New-Yorkais a réalisé en 1989 une grande fresque murale près du MACBA, en hommage aux victimes du SIDA. Elle est d’ailleurs toujours visible.

Fresque murale street artFresque murale de Keith Haring, 1989, Raval, à Barcelone. Photo : Anaïs Bertrand

Barcelone s’impose comme la ville pionnière et libérée du mouvement street art. Cette tendance, vue d’abord comme du vandalisme, est devenue notable et reconnue, mais est-elle vraiment acceptée à Barcelone ?

Le double-jeu de la municipalité

Depuis les JO de 1992, la mairie souhaite donner une image plus lisse et plus propre à la ville. Cette mentalité persiste jusqu’en 2006 lorsque le conseil municipal met en place des mesures plus répressives, interdisant “l’exécution de toute action qui altère visuellement l’espace public ou tout équipement”. Les amendes allaient alors de 750 à 3 000 euros.

En 2015, la réforme du code pénal durcit les sanctions envers les graffeurs. L’infraction qui était jusque-là considérée comme un délit pouvait être jugée comme un crime si celui-ci endommageait gravement le bien. Aujourd’hui encore, la mairie se montre plus répressive avec de possibles peines de prison. Dans un même temps, un plan de coresponsabilité a été promulgué par le conseil municipal pour “réduire les comportements incivils qui gâchent l’espace public”. Selon l’inspecteur de la Guardia Urbana Jordi Oliveras, les graffitis entraînent “un ternissement très important du patrimoine historique ou culturel”.

Pour autant, la ville de Barcelone n’hésite pas à promulguer ces dessins de rues en tant que patrimoine culturel, avec notamment un programme pour inclure le graffiti dans le circuit culturel de la ville. Des murs légaux ou parcs d’art urbains sont également accessibles pour les artistes et les amateurs, qui peuvent exprimer librement leur créativité.

Toutefois pour Tim Marsh, artiste à l’origine d’une quarantaine de projets street art à Barcelone, “la mairie reste plutôt réfractaire à nous faire peindre sur de vrais projets d’urbanisme. Ce qui est assez étonnant pour cette ville, qui est un réel épicentre de l’art urbain dans le monde”.

street art barcelone Tim MarshOeuvre de Tim Marsh, Poblenou, à Barcelone. Photo : Tim Marsh

Le Français dénonce un processus bureaucratique trop important. “Chaque projet de façade doit passer devant la commission d’architectes, qui n’accepte jamais les propositions. Il en résulte que Barcelone regorge de petits murs mais les projets monumentaux, comme on peut en trouver partout ailleurs, se font extrêmement rares”, déplore le Parisien.

Certains lieux comme Poblenou, où le graffiti est illégal, jouissent d’une certaine tolérance de la part des autorités. Mais dans le centre historique, une politique très répressive est menée avec des sanctions plus lourdes.

Contourner les lois

A défaut de projets réalisés en collaboration avec la mairie, les graffitis et les œuvres urbaines se sont invités dans les plus grands musées de la ville, au Mocco ou encore au MACBA. Des galeries spécialisées en street art se sont développées, ainsi que de grands festivals, des visites guidées et des ateliers d’initiation. Pour Anaïs Bertrand, membre de l’association Street Art Barcelona, créée par Antoine Careil, l’art urbain s’est plus que développé, “il s’est démocratisé”.

La guide de tours street art ajoute qu’il y a“une véritable connivence entre artistes et habitants”. Plusieurs jardins communautaires de la ville accueillent des œuvres artistiques, parfois à la demande des riverains. “Ce sont les associations qui se battent férocement pour obtenir des projets et qui arrivent à faire bouger les choses”, confirme Tim Marsh.

Jardin communautaire street art à barceloneJardin communautaire de La Bartola, Raval, à Barcelone. Photo : Anaïs Bertrand

Et nombreux sont les commerçants qui invitent même des artistes à peindre sur leur rideau de fer, afin d’égayer la rue quand ils sont fermés. Autant de façons de contourner la loi et faire la place belle au street art dans une ville qui se rêve capitale de l’avant-garde européenne.

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