Barcelone : tous stressés ?

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Du bruit, un manque d’espaces verts, une course quotidienne contre la montre. Vivre à Barcelone peut se convertir pour certaines personnes en une dégradation du cadre de vie conduisant à un état pathologique de stress et d’anxiété. 

Photos : Clémentine Laurent 

« Le bruit très présent à Barcelone sous toutes ses formes, entre le voisinage, les travaux et la circulation, renforce les troubles anxieux chez les personnes à risque », indique la docteure Araceli Núñez Navarro, psychologue barcelonaise. Plus de 8 Barcelonais sur 10 sont exposés à des niveaux de bruit dangereux pour leur santé, selon les critères de l’OMS, soit au-delà du seuil de 55 décibels. Car c’est bien le bruit des voitures, motos, bus et autres véhicules qui affecte le bien-être des habitants de la capitale catalane. Alors qu’il dérange 30% des Bruxellois, 43% des Madrilènes ou encore 60% des Parisiens, ce sont plus de 83% des Barcelonais qui doivent supporter continuellement les nuisances sonores de la circulation.

En Allemagne, des chercheurs ont mené des travaux sur l’impact potentiel de la vie en ville sur le cerveau humain. Publiée dans la revue Nature, cette étude a été réalisée sur 159 personnes saines, sans antécédent de maladie psychologique, âgées de 18 à 80 ans. Chacune a indiqué son lieu de naissance et l’environnement dans lequel elle a grandi lors des quinze premières années de sa vie. Pour identifier les régions cérébrales modifiées par l’environnement urbain, les chercheurs se sont appuyés sur les outils d’imagerie par résonance magnétique. Ils ont observé l’activité cérébrale des participants et ont noté que la vie en ville augmenterait de 29% les risques de troubles de l’anxiété, de 39% ceux de l’humeur, tandis qu’elle multiplierait par deux les risques de schizophrénie.

Le problème de l’urbanisme barcelonais

Mais il n’y a pas que le bruit qui affecte la santé mentale des citadins. Une expérience dirigée par le Laboratoire BMW Guggenheim à New-York, Berlin et Mumbai a révélé que les personnes ressentent une émotion positive aux abords des espaces verts et dans des rues présentant des façades ouvertes et animées. Ces expériences montrent que le cerveau humain a besoin de contact avec la nature, d’interactions sociales et d’une certaine complexité, afin de satisfaire sa curiosité naturelle. Les environnements trop répétitifs ou monotones, tels que les façades aveugles, sont sources d’ennui et de stress chez les citadins. La mairie de Barcelone tente de rendre plus « aimable » la ville avec la construction des superillas, des zones piétonnes géantes agrémentées d’espaces verts.

Cependant pour fuir la jungle de béton « il faudrait au moins quitter Barcelone tous les 15 jours », estime Araceli Núñez Navarro. « Si l’on n’a pas les moyens financiers, une simple balade à Monjuic, en touchant physiquement les arbres, peut rapidement faire baisser l’activité cérébrale et donc l’anxiété », ajoute la thérapeute.

Gens rue touristes passants Barcelone Photo Clementine Laurent Equinox 51 2Le Covid a compliqué les choses et particulièrement dans une ville comme Barcelone. « Une des meilleures manières de lutter contre l’anxiété chronique est de prendre le soleil. Les pays nordiques ont depuis longtemps construit leurs appartements pour qu’ils soient le plus lumineux possible. A Barcelone, on prend le soleil dans la rue et on a des logements très sombres. Confinés dans leur appartement, beaucoup de Barcelonais ont subi pendant des mois une carence de lumière qui est préjudiciable à la santé mentale » explique docteure Araceli Núñez Navarro, estimant que les conséquences du confinement sont encore présentes aujourd’hui.

La campagne n’est pas le paradis

Si la tentation d’aller vivre à la campagne est une solution envisagée par certaines personnes très affectées par la vie barcelonaise, la psychologue estime qu’il faut bien penser la chose. « La campagne ne permet pas la vie de loisirs et culturelle qu’offre Barcelone. Une personne seule ou célibataire devrait également se demander si elle pourra avoir une vie sociale dans une zone rurale qui est indispensable à l’équilibre émotionnel «  conseille notre psychologue. « Barcelone ouvre l’accès également à une grande quantité de service médicaux, et singulièrement sur la santé mentale qu’il est difficile de retrouver dans un village » prévient-elle.

Cependant arrive un moment où certaines personnes sont à bout et n’ont d’autre option que de quitter la ville. L’apparition d’une série de symptômes rendent le départ inévitable selon les experts :  l’impossibilité de trouver le sommeil, des troubles sévères de la concentration,  une somatisation comme la perte de cheveux ou des éruptions cutanées, une intense tristesse ou une itérabilité très prononcée au moindre bruit. Cependant la psychologue précise qu’il n’y a pas de « solution magique et un retrait à la campagne ne réglera probablement pas tous les problèmes psychologiques. Une thérapie reste indispensable. ».

Certaines personnes sont « cramées » par la ville et d’autres non. Nous ne sommes pas égaux face à la vie citadine. L’héritage biologique entre également en compte selon Araceli Núñez Navarro. L’étude allemande citée plus haut démontre également une différence entre les personnes nées en ville et celles qui ont grandi à la campagne. L’expérience met en lumière que la vie urbaine affecte les amygdales du cervelet, une zone qui joue un rôle régulateur des émotions et des humeurs. Chez les personnes qui sont nées et ont grandi en ville, c’est une augmentation de l’activité du cortex cingulaire, qui régule le stress, qui a été observée. « Même si une personne n’habite plus en ville, elle réagit plus fortement au stress de l’environnement urbain. Cela veut donc dire qu’une personne qui a grandi en milieu rural et qui déménage en ville sera moins sensible à l’environnement urbain, car son cerveau n’aura pas été sensibilisé au stress qui en découle » explique Jens C. Pruessner, chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et principal auteur de l’étude.

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