Le village catalan qui refuse d’être le plus beau

medecin français à Barcelone

Situé dans le parc naturel de Montsant, à deux heures au sud de Barcelone, Siurana compte 27 habitants et accueille plus de 250.000 touristes par an. Le maire dit stop et a refusé d’intégrer la liste des plus beaux villages d’Espagne. 

Photos : AC/Equinox

C’est un de ces petits villages qui semblent tout droit sortis d’un conte de fées et subjugue au premier regard. Anaïs Chauveau gère avec son mari catalan le seul hôtel de Siuarana. Arrivée une nuit d’hiver 2008 par une route sombre et tortueuse, la Française se souvient avoir voulu repartir presque aussitôt. « Et puis le lendemain matin, j’ai découvert le paysage », raconte-t-elle en montrant une vue spectaculaire sur le parc naturel.

Perché à 737 mètres d’altitude, Siurana est une terre d’histoire et de légendes, dernier bastion musulman lors de la reconquête chrétienne au XIIe siècle. Ses rues pavées et étroites, ses maisons en pierre et ses porches font de ce village médiéval une destination de premier plan pour les Catalans et les touristes de la Costa Daurada.

3184F99C EF30 401A 89B9 4E5792C98C2F scaledAlors c’est tout naturellement que l’association gérant le classement des « Plus beaux villages d’Espagne » a proposé cet été au maire d’y faire figurer Siurana. « Nous ne sommes pas intéressés pour l’instant » a répondu Salvador Salvadó. Pour l’édile, l’urgence est de limiter le tourisme. « Si on ne peut pas résoudre le problème des infrastructures, faire partie de cette liste ne nous intéresse pas. Nous ne sommes pas contre le tourisme, mais nous devons déjà le réguler » explique-t-il en indiquant qu’il ne s’agit pas d’un refus définitif.

Un parking « dissuasif »

La commune a déjà pris quelques mesures de régulation et a notamment construit un parking dit « dissuasif » de seulement 200 places. Lorsqu’il est complet, la route menant au village est barrée, et il faut attendre qu’une voiture descende pour qu’une autre puisse monter. Une manière de limiter le nombre de personnes dans les rues mais qui ne suffit plus. « Ça manque d’infrastructures, il faudrait par exemple un musée, un office du tourisme, et élargir les itinéraitres, en aménageant le chemin de ronde par exemple », suggère Anaïs Chauveau.

4E6281AF 53D3 422D B4CB 3CD77C3B5F5F scaledL’été et presque tous les week-ends de l’année, son lieu de vie rural est littéralement envahi de visiteurs. « Ça ne me dérange pas de répondre aux questions des touristes dès que je sors dans la rue, mais quand c’est 15 fois sur une seule matinée, c’est un peu trop », déplore la Française qui réclame au moins un point d’information touristique. Elle approuve d’ailleurs le refus du maire au prestigieux classement : « il faut déjà régler le problème de l’accueil des visiteurs ». Un trop-plein qui rejaillit sur les environs du village et notamment les sentiers de randonnée. Une récente étude de l’université de Lleida a révélé que les itinéraires entourant le hameau reçoivent deux fois plus de visiteurs que ce que l’écosystème peut supporter, mettant ainsi en danger l’espace naturel.

A quelques mètres de l’hôtel d’Anaïs Chauveau, Andreu Bartolomé s’affaire dans le restaurant familial à l’entrée du village. « Le maire a peut-être raison d’arrêter la promotion, mais il arrive un peu tard, lance-t-il, il aurait fallu faire les choses dans l’ordre, d’abord les infrastructures et ensuite la publicité ». Le restaurateur, dont la famille vit à Siurana depuis de nombreuses générations, s’inquiète de l’image donnée aux touristes. « Certains n’arrivent pas à entrer et doivent faire demi-tour car c’est complet, ça c’est grave », raconte-t-il. Selon l’étude de l’université de Lleida, près d’un quart des visiteurs de Siurana trouve la quantité de touristes dans le village « excessive ».

ED0814A4 2ACB 498C B2EA EC86FB67B167 scaledPour le maire, les pouvoirs publics doivent mettre la main à la poche et aider la commune à financer des travaux pour un meilleur accueil. « Nous manquons de moyens pour faire face à ce tourisme de masse, s’indigne Salvador Salvadó, et nous ne sommes pas les seuls, nous parlons notamment avec le village de Rupit qui a même problème ». Faute de financements, l’édile fait donc le buzz. Son refus aux plus beaux villages d’Espagne a fait le tour de la presse nationale et internationale. Il espère maintenant faire bouger les institutions catalanes sur le sort des villages historiques étouffés par le tourisme.

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