Célébrer Noël comme les Catalans

noel barcelone

La fête de Noël est universelle, mais en Catalogne, on la célèbre avec des particularités culturelles. 

Rien ne prouve que le 25 décembre soit la date de naissance de Jésus, pourtant un grande partie du monde célèbre cette fête que l’Église a choisi pour qu’elle coïncide avec les fêtes païennes qui avaient lieu aux alentours du solstice d’hiver. Rien de très biblique donc dans cette célébration. En Catalogne, les festivités présentent des particularité bien singulières.

Le tio

Tio de NadalLe «Tió de Nadal» (tison de Noel) est un tronc  avec des yeux ronds et un grand sourire. Il porte sur la tête une « barretina », le bonnet typique catalan de laine et de couleur rouge, avec une ligne noire à la base. Le petit tronc bien sympathique est l’une des traditions les plus attendues par les enfants à l’approche de Noël. Pourquoi ? Parce qu’il donne des cadeaux aux plus petits ! Pour être plus précis (et moins glamour), il défèque des cadeaux. En effet, la tradition populaire veut que les chérubins, sous le regard attendri des parents, frappent de coups de bâton le tronc en bois. Avant le réveillon de Noël, il se produit donc la célèbre « cagada del Tió » (que nous ne traduirons pas par bienséance).

Le tronc porte alors un chiffon sur lui, pour qu’il n’attrape pas froid. Et, comme par magie, les cadeaux apparaissent en-dessous. En général, ils sont de petite taille ou ne sont que quelques sucreries ou turrons. Les plus beaux cadeaux arrivent plus tard, avec les Rois Mages le 6 janvier.  Le Caga Tió est généralement situé dans la cuisine à partir du 8 décembre (jour de l’Immaculée Conception). On installe devant lui une assiette contenant des oranges ou des biscuits. Il faut bien prendre soin du Caga Tió et le gâter, sinon, il ne fera pas beaucoup de cadeaux.

Le Tió de Nadal est une tradition d’origine rurale apparue en Catalogne et Aragon. Il s’agit originellement un tronc qui brûle dans le foyer pour réchauffer l’atmosphère froide de Noël. Les cendres étaient ensuite éparpillées dans les champs. Peu à peu, la tradition a évolué à la fête enfantine que nous connaissons aujourd’hui. Le tronc a été notamment humanisé par ses deux yeux ronds, sa bouche souriante et la barretina. Bien que le père Noël soit de plus en plus présent en Catalogne, le Caga Tió reste un élément incontournable d’un Nadal attendu de tous, des petits comme des grands.

Les caganers

caganersLe caganer, en catalan, c’est littéralement “celui qui fait caca”. Mais alors quel est le lien avec Noël ? Pour beaucoup, Noël, c’est le moment de faire la crèche (pesebre), une tradition encore bien ancrée en Espagne et évidemment en Catalogne. D’ailleurs, le marché de Noël de Santa Llúcia, le plus ancien de Barcelone, offre tout ce dont on a besoin pour réaliser la crèche la plus complète. Certains se contentent de réaliser juste l’étable où va naître l’enfant Jésus selon la tradition catholique quand d’autres se lancent dans de véritables scénographies reproduisant la région de Bethléem. Pour la crèche basique, on a donc besoin au minimum de Marie, Joseph, l’âne, le bœuf, les rois mages et les bergers… Et puisqu’on est en Catalogne, on y ajoutera… notre fameux caganer, ce personnage représenté dans une posture peu glamour.  Il est là, parce qu’il a la réputation de porter chance ! En effet, le personnage du caganer, dans sa version originale, est un paysan, chaussé d’espardenyes, d’un pantalon noir, d’une faixa rouge (très longue bande de tissu serrée autour de la taille), une chemise blanche et la barretina, coiffe traditionnelle du paysan. C’est dans son champ que le paysan satisfait ses besoins naturels car cela apporte de l’engrais synonyme d’une meilleure récolte l’année suivante.  Le caganer apportera donc de meilleures conditions économiques à la famille qui le met dans sa crèche. En extrapolant un peu, c’est un personnage qui porte tout simplement chance pour l’année suivante.

On comprend maintenant l’engouement qu’il y a autour de cette figurine, plutôt déroutante au premier abord. Le caganer a très vite évolué puisque après la représentation du paysan catalan, une version Père Noël a été créée. Puis, en 2003, avec le motif des élections catalanes, la célèbre entreprise Caganer.com a créé des caganers à l’effigie des hommes politiques en lice pour la présidence. Voyant que le succès était au rendez-vous, l’entreprise a élargi son catalogue avec des personnages issus de tous les milieux. À côté du personnage traditionnel, on trouve maintenant des milliers d’autres figurines qui représentent des stars du football, des personnages de films et divertissements, des hommes et femmes célèbres, tous représentés dans cette drôle de posture.

En 2022, Le président de l’Ukraine, Volodímir Zelenski, la nouvelle pépite du Barça, Robert Lewandowski ou encore le Premier ministre italien, Giorgia Meloni, toutes ces personnalités ont désormais leur Caganer. Dans le domaine culturel, l’entreprise de figurines a mis en lumière l’artiste américaine Lady Gaga et le chanteur britannique Harry Styles. Le musicien colombien Camilo s’ajoute également à cette collection. De plus, l’entreprise s’est également engagée à récupérer des personnages historiques. Cette année, il sera donc possible d’acheter la réplique du virtuose Wolfgang Amadeus Mozart. Côté cinéma, le célèbre sorcier Gandalf de ‘Le Seigneur des Anneaux’ et ‘Le Hobbit’ ou encore le super-héros Flash auront également leurs figurines.

Benzema caganer

Concernant le football, les nouveautés représentent la nouvelle recrue du Barça, Robert Lewandowski, ainsi que l’attaquant français du Real Madrid, Karim Benzema et son Ballon d’Or remporté il y a quelques mois.

Le turrón

turrónCertains opineront qu’il s’agit juste d’une sorte de nougat local, mais, sans prendre parti, il s’agit bien plus que du nougat. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les premières mentions de ce qui ressemble à du turrón viennent de la côte saoudienne explique Eduard Xatruch, chef des restaurants Disfrutar à Barcelone et Compartir à Cadaqués. « On y a retrouvé des écrits qui mentionnent un dessert fait de miel et d’amandes appelé ‘turum’, et l’on suppose qu’il s’est étendu aux côtes italiennes et espagnoles. »

Mais ce mets débarque rapidement dans la Péninsule ibérique. On en trouve les premières traces dans un ancien livre de recettes de confiserie européen, datant du XVème siècle. Et, surprise : le « Livre de tous les types de confiseries » (comme on pourrait le traduire) est écrit en… catalan valencien ! On estime donc que l’origine du turrón que l’on connaît aujourd’hui est le territoire de Valence et de la Catalogne, explique Jaume Fàbrega, historien, écrivain et guide gastronomique catalan.

Même si l’Académie espagnole dit ne pas connaître l’origine du nom de ce délice, elle peut sembler presque évidente, pour qui parle catalan. Dans cette langue, ‘turró’ signifie un « morceau », et peut être utilisé pour désigner un morceau de sucre par exemple. D’ailleurs, le mot n’a donc rien à voir avec le « nougat », venant du provençal et faisant référence aux noix.

Le premier turrón d’Alicante mettra l’eau à la bouche de tous les gourmands : il contenait du miel cuit et des amandes entières. Cette recette évolue vite, et aujourd’hui on y retrouve aussi du banc d’oeuf battu (qui lui donne sa couleur blanche), et il est réparti entre deux feuilles de riz. Un peu plus haut que la ville d’Alicante, dans la même province, Xixona adapte la recette aux environs du XIXème siècle et rend le turrón « mou ». À la place des amandes entières, elle utilise de la poudre d’amandes. Ce n’est donc plus du turrón dur, mais sous une forme de pâte qui est cuite mais reste assez molle. Aujourd’hui, ce sont ces deux turrones qui se partagent la majorité du marché : le « turrón duro » d’Alicante et le « turrón blando » de Xixona, tous deux protégés par une IGP (équivalent d’une Appellation d’origine contrôlée).   Mais ce ne sont pas les seuls turrones historiques : il existe un turrón catalan.  Sa grande particularité est qu’à la place d’amandes, il contient des noisettes et possède une forme circulaire.

turrónSi on a l’habitude de voir le turrón sur les tables espagnoles pour Noël, il se mangeait à l’origine durant toute l’année !  À partir des XVIème et XVIIème siècles, l’Espagne commence à exporter son turrón en Europe et même en Amérique du sud, selon le chef du Disfrutar ; ce délice de miel et de fruits secs devient très populaire. « C’est à partir du XIXème siècle que l’on situe la consommation du turrón à Noël », explique Jaume Fàbrega, « il devient donc à ce moment-là la confiserie la plus typique des fêtes de fin d’année, dans toute l’Espagne », et en particulier chez les familles aisées.

Aujourd’hui, ce ne sont pas les recettes créatives qui manquent : turrón à la crème et aux noix, au praliné, à la crème brûlée, au riz au lait, aux griottes et au cognac, au chocolat.

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