A Barcelone, les femmes d’expats veulent s’émanciper des clichés

Barcelone femmes d'expats

Ils ont suivi leur conjoint jusqu’au bout du monde. Mais avant de dire « ils », il fallait longtemps parler d' »elles ». Aujourd’hui, le statut des femmes d’expat a bien évolué. Surtout à Barcelone. Rencontre.

Photo d’illustration : Clémentine Laurent

La quarantaine, coquettes, bien habillées, souriantes. Un verre de vin à la main, un soir de mars, entre copines expatriées. Elles récupèrent les semaines perdues, prennent des nouvelles des enfants, parlent voyage. Le profil des femmes d’expats oscille entre élégance et aisance. Parce qu’elles en ont les moyens. Mais lorsqu’il s’agit de parler de leur statut, en toute amabilité et avec tout le charme de femmes distinguées, elles affirment, aux côtés de leurs conjoints : « ce terme nous pose problème. En fait, on n’est pas d’accord avec l’idée de `femme DE`. Ce n’est plus vraiment d’actualité ».

Ce soir-là, ils sont au moins 50 à s’être réunis pour dîner ensemble dans un restaurant de l’Eixample, le Tierra Brava. Tous font partie d’un groupe WhatsApp de Français. « On doit être 180 », estime Caroline Lambert, à l’initiative de ces rencontres. Beaucoup habitent sur les hauteurs de Barcelone, à Sarrià ou Pedralbes. « En m’installant dans ce quartier, je pensais me retrouver avec des maris qui travaillent et leurs femmes qui font le café. Mais il y a moins cette idée maintenant », avoue l’organisatrice, qui elle-même était pleine d’a priori, après avoir longtemps suivi son homme aux quatre coins du monde. 

Il faut dire que « l’étiquette femme d’expat a la peau dure », affirme Vincent Lefebvre. Et si d’ailleurs, on devait lui en appliquer une, elle se déclinerait plutôt en « homme de ». Car à 44 ans, c’est lui qui a accepté de quitter Paris, et laisser son entreprise de conseil en communication politique, pour la carrière de sa femme. Le quarantenaire a suivi le schéma type de « la femme d’expat ». Lâcher son job, s’expatrier dans un pays étranger, installer sa famille, inscrire sa fille à l’école. S’en occuper le mercredi, faire les papiers. Gérer les rendez-vous, le quotidien familial. Pendant les premiers mois, Vincent aurait pu, lui aussi, avoir le statut « d’homme d’expat”. Mais il a bénéficié d’une image un peu plus en phase avec son temps.

Famille enfants pietons gens Barcelone rue Photo Mariona Gil Ajuntament« C’était un choc pour moi, car j’avais toujours travaillé »

Car le stéréotype de la « femme d’expatrié » a bien évolué. Même si le postulat de départ reste le même. Dans les parcours des familles d’expatriés françaises, bien souvent, une trame se dessine. « Il faut miser sur la carrière la plus ´bankable' », explique Mathilde Carré-Lombard. Elle, assume entièrement sa position. Comme bien d’autres, pendant plusieurs années, elle n’a pas travaillé ou elle réalisait seulement de courtes missions. Financièrement, le salaire de son mari, chassé un peu partout à l’international, lui permettait de passer du temps avec sa fille. Alors pourquoi se priver de ce précieux avantage ?

À l’approche des 50 ans, Mathilde devient donc mère au foyer, et en profite pour découvrir les coins et recoins de la capitale catalane. « Au départ, c’était un choc pour moi. Car j’avais toujours travaillé et justement, on me reprochait même d’être obnubilée par ça. » L’ex-recruteuse dans le milieu industriel fait alors ses preuves dans une toute nouvelle logistique. Celle de l’équilibre familial, entre deux cours d’espagnol. Et tout comme Vincent, cité précédemment, elle affirme : c’est un travail à temps plein. Pour lequel, bon nombre de compagnes d’expats n’ont plus envie de se dédier sur le long terme.

femme d'expat MathildeDu changement dans les stéréotypes

Selon Caroline Lambert, « la majorité des filles du groupe bossent ou veulent bosser. Beaucoup sont dans la dynamique de chercher du travail ou de créer leur entreprise. Et celles qui n’ont rien, font du bénévolat. » Avec le temps, les femmes ont pris du pouvoir dans le monde du travail. De plus en plus, elles possèdent des postes à responsabilités. Au point que le conjoint d’expat, muté aux quatre coins du monde, a changé de genre. « François, mon compagnon, est très fier de dire que pour la première fois, en 20 ans, c’est lui qui m’a suivi », sourit Caroline, qui travaille dans l’industrie pharmaceutique.

Au point, aussi, que « plein d’hommes rêveraient que leur femme soit mutée », ajoute Vincent. Car selon l’agent immobilier reconverti, il reste tout de même plus facile pour les hommes de retrouver un emploi que les femmes. Mais là où les mœurs bougent véritablement, c’est sur la façon qu’elles ont de prendre le taureau par les cornes.

« C’est pour ça qu’elles sont nombreuses à créer leur activité de coaching, de conseil ou de création. Après, sans se mentir, il faut une surface financière pour pouvoir le faire », admet Vincent. Mais ce n’est pas tout. Au sein de la cité comtale, un autre petit obstacle motive les “traditionnelles” femmes d’expats à changer de statut. Éteignant à petit feu le cliché des véritables couples d’expatriés.

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Photo : Bastien Durand

A Barcelone, loyers et écoles forcent le « double salaire »

« Ici, les sociétés jouent sur la qualité de vie barcelonaise. On ne fait plus venir des gens avec des contreparties intéressantes, comme le logement », explique Caroline, qui connaît désormais les deux facettes des couples de Français à l’étranger. En clair, le salaire se montre toujours aussi flatteur, mais les habitations et le financement de l’école ne sont plus offerts dans le package.

« Ce qui fait qu’au-delà de la volonté d’indépendance pour les femmes, maintenant, il y a aussi une petite obligation financière. Le lycée français de Barcelone coûte 500 euros par mois et par enfant. Et les loyers à Pedralbes ne sont pas donnés. » Entre 2 000 et 3 000 euros pour un appartement ou maison avec trois chambres. Alors forcément, cela force, aussi, à doubler les salaires. « Même si, on ne va pas se plaindre », ajoute la mère de trois enfants. “On vit tous correctement”. Ce point, quant à lui, n’a pas changé au fil du temps. Autant garder les bons côtés.

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