Interdire aux expatriés d’acheter à Barcelone : la question épineuse

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Et si Barcelone n’accordait l’achat de logements qu’à ses natifs ? À l’image de la Nouvelle-Zélande et du Canada, le débat est posé sur la table. Dans la capitale catalane, les expatriés pourraient être à l’origine de l’explosion du marché immobilier. Avis et témoignages d’experts.

Plus de 1 120 € en moyenne pour une location à Barcelone. Et jusqu’à 760 000 €, selon la plateforme immobilière Fotocasa, pour acheter. En première ligne de cette flambée des prix, les Barcelonais dont les revenus s’alignent au Smic local, ne dépassant pas les 1 080 €. Mais aussi tous les autres résidents de la cité comtale, et les expatriés venus des quatre coins de l’Europe, Royaume-Uni et Amérique. Et s’ils y étaient pour quelque chose ?

Rétorquer « à qui la faute » serait osé. Mais d’après les experts et les médias locaux, les étrangers sont en partie les déclencheurs de cette fulgurante hausse. « Depuis de nombreuses années, Barcelone attire les étrangers en quête d’une meilleure qualité de vie et d’un climat favorable. La tendance s’est accentuée depuis la pandémie », relatait Yoann Guillery, agent immobilier du réseau Iad España à Barcelone, dans un précédent article. Des « digital nomads » ou « digital sédentaires » (salariés en télétravail sous contrat étranger), dont le portefeuille s’avère bien mieux garni que celui des locaux. Si bien qu’au moment de louer ou acheter, ce sont eux qui arrivent en tête de liste.

Expatriés aux premières loges des enchères

Deux compromis de vente sur dix reviennent aux étrangers. « Ils peuvent acheter des biens à des tarifs compétitifs, qui sont presque de luxe, pour le marché espagnol », assure Romain Traversino, directeur commercial de l’agence immobilière J’achète en Espagne. Chez eux, 90 %  de la clientèle porte le drapeau bleu-blanc-rouge. Des Français qui montent sur le podium des plus gros acheteurs derrière les Anglais et les Allemands. Notamment « parce qu’une hypothèque pour un Français peut s’élever à 217 000 € » contre 140 000 € pour un Espagnol, expliquait l’expert dans une interview concernant les résidences secondes des Français en Espagne. Alors au jeu des apports, sur un marché qui atteint pourtant des records et des taux qui continuent de grimper, les expatriés possèdent bel et bien cet atout qui les place sur le devant de la scène. Et fait monter les enchères.

À titre d’exemple, suite à la publication de l’annonce sur les portails immobiliers, l’agent immo Yoann Guillery disait avoir reçu plus de cent demandes en moins de 24 heures. 22 visites et 14 dossiers recevables plus tard, il avait même reçu une proposition, venant d’étrangers avec un contrat non espagnol, à 150 euros de plus que le prix du loyer affiché. « Du jamais vu », raconte-t-il. « C’est la demande qui fait varier le thermomètre. Si le prix est trop cher, il n’y aura pas de locataires. S’il est trop bas, il y en aura trop de candidats », explique Oscar Gorgues, porte-parole de la Chambre des propriétaires de Barcelone.

Oui, dans un marché si tendu que celui de la capitale catalane, où le nombre de logements ne correspond pas aux attentes, avoir les moyens fait donc la différence. Pas seulement dans les quartiers chics de Barcelone, d’ailleurs. Dans un reportage publié par le pure-player Naciódigital, les riverains de la Bordeta, à Sants, pointent du doigt la gentrification. Depuis deux ans, relate le média, le quartier historiquement populaire se remplie petit à petit d’une élite d’expatriés qui contribue à rendre inaccessibles les appartements aux petites bourses, avec des loyers allant jusqu’à 2 300 €.

Vers un boycott des acheteurs étrangers ?

Le phénomène ne touche pas que la cité catalane. En Nouvelle-Zélande, à Amsterdam, au Canada et encore récemment en Andorre, la question d’interdire les étrangers d’acheter des logements a été posée plusieurs fois sur la table. Des politiques de logements « agressives », écrit le journal catalan Ara, qui pourraient traverser les Pyrénées jusqu’à atterrir à Barcelone. Arriveront-elles vraiment ?

Inimaginable, selon Oscar Gorgues, représentant des propriétaires barcelonais. Lui, reste stupéfait par ce débat émergent. Car dans la capitale catalane, les étrangers font partie intégrante du tissu barcelonais. « Tous ceux qui travaillent ici sont des citoyens espagnols. On ne peut pas leur boycotter l’achat de biens », déclare Oscar Gorgues avant d’ajouter : « Il faut savoir définir de quel étranger on parle. » Le retraité ou riche qui s’offre une résidence secondaire en bord de mer, le travailleur en Espagne, celui qui ne vient tout simplement pas de Barcelone, ou l’étranger qui débourse un demi-million d’euros pour avoir un pied-à-terre dans la péninsule ibérique, et au passage, un visa.

Ce sont ces derniers qui, selon la Chambre des propriétaires, auraient provoqué les nouvelles interrogations concernant les acheteurs. À injuste titre. « Les Golden visas (ou résidence par investissement) n’y sont pour rien, car ils ne touchent pas le marché basique. On parle de maisons de luxe », renchérit le représentant des propriétaires barcelonais. L’unique fautif ne serait donc que l’absence de logements ? Si seulement. À la liste des responsables, il faut tout de même ajouter les contrats temporaires d’un an pour, au lieu des cinq années obligatoires lorsqu’il s’agit d’une résidence principale. Une mauvaise surprise qui, cette fois-ci, ne s’adresse pas qu’aux expatriés.

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