Le vrai bilan de l’extrême droite en Espagne

L'edito d'EquinoxÉdito de Nico Salvado, fondateur d’Equinox.

Photo : Vox Flickr

L’été dernier, les accords entre la droite (Partido Popular) et l’extrême droite (Vox) pour diriger les régions de Valencia, d’Extremadura, de Murcia, de Castilla y León, d’Aragón et des Baléares ont fait grand bruit. Des pactes régionaux signés en juin, qui ne sont pas étrangers à la victoire des socialistes lors des législatives, intéressement anticipées en juillet par le Premier ministre Pedro Sánchez. La mobilisation de l’électeur de gauche a été maximale afin de sanctionner la droite.

Été 2023, Février 2024. Deux saisons plus tard, l’extrême-droite n’a pas renversé la table dans les régions qu’elle co-gouverne. Dans tous les conseils régionaux, le même modèle se reproduit : Vox obtient 30% des postes à responsabilité, mais uniquement dans des domaines secondaires, ce qui permet au parti nationaliste de ne gérer que 6% des budgets régionaux.

Vox avait annoncé, à grand bruit, la bataille culturelle que le mouvement entendait mener. Concernant les violences domestiques, sujet sur lequel le parti est classé parmi les révisionnistes, estimant que les hommes sont autant victimes de violences que les femmes, la bataille a calé avec une simple modification sémantique au Conseil régional de Valence. La droite a accepté de remplacer les termes « violences machistes » ou de « genre » par « violence intrafamiliale ». En revanche, le parti a réussi à limer les ressources financières allouées par les régions aux collectifs LGTBI.

Les subventions ont augmenté pour la chasse et la tauromachie. Les corridas ont décroché le jackpot à Valence, avec la nomination d’un ardent défenseur de cette pratique à la vice-présidence du Conseil régional.

En matière de lutte contre l’immigration illégale, Vox n’a pas fait que constater l’arrivée de 200 clandestins répartis par le gouvernement espagnol dans la région de la Castille. La droite nationaliste a vitupéré contre « l’invasion de délinquants en âge d’exercer le service militaire mettant en danger la sécurité des femmes » mais sans pouvoir prendre mesure aucune.

Autre cheval de bataille culturel de Vox qui se transforme en canasson : l’interdiction de l’IVG. Le scandale fut de taille quand Vox annonça la mise en place d’un protocole anti-avortement dans la région de Castilla y León : avec écoute des battements de cœur du fœtus et projection d’images en 4D aux mères avorteuses. Après que le gouvernement socialiste menaça de prendre le contrôle des politiques sanitaires de la région via l’article 155 de la Constitution (le même article qui servit contre la déclaration d’indépendance de la Catalogne en 2017), Vox décida de céder.

La lutte du catalan, dans le territoire historiques de Jaume I, entre Valence, les Baléares et Aragon, fait rage mais c’est uniquement dans cette dernière que Vox a pu sévir avec la suppression de la direction générale de la police linguistique.

Si le parti nationaliste ne propose pas de réhabiliter la figure du dictateur Franco, il bataille pour sacraliser les souvenirs de l’ancien régime espagnol. Certes, Vox n’a pas réussi à abroger les lois régionales de mémoire démocratique qui visent à supprimer toute référence glorifiant la dictature sur le territoire public. Mais le parti a tout de même réussi à faire déclarer comme biens d’intérêt culturel 190 vestiges en Castille.

La question, au terme de ce bilan, reste la même : faut-il pactiser avec des partis comme Vox afin d’affaiblir leur programme ou mettre un cordon sanitaire, tout en les laissant prospérer, comme ce fut le cas hier en Italie et peut-être demain en France ?

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