Les étrangers – qu’ils vivent ou non en Espagne – jouent un rôle important dans le marché des maisons préfabriquées haut de gamme ou de loisirs. Ils sont particulièrement actifs dans l’achat de parcelles et la construction de maisons modulaire dans les zones côtières ensoleillées.
Acheter une maison en Catalogne, est-ce plus simple via le circuit du préfabriqué? (Crédit : Equinox)
Et si la maison de vos rêves n’était pas en dur, mais livrée en kit ? Face à la flambée des prix de l’immobilier en Espagne, posséder un logement individuel semble devenu un luxe hors de portée pour beaucoup. À Barcelone comme ailleurs, les terrains constructibles se raréfient, les mètres carrés explosent, et l’idée même d’acheter une maison vire au mirage. Pourtant, une alternative prend doucement racine dans le paysage : les maisons préfabriquées.
En 2019, on ne comptait qu’environ 550 maisons préfabriquées unifamiliales livrées dans tout le pays. Un chiffre qui a fortement augmenté après la pandémie de Covid-19. En 2023 (derniers chiffres disponibles), on estimait ainsi à 1 585 le nombre de maisons préfabriquées livrées dans le pays, soit autour de 2% des constructions neuves. Ce rythme de croissance signifie que le volume annuel a quasiment triplé entre 2019 et 2023. Une dynamique qui se poursuit en 2024–2025: le secteur anticipe une accélération marquée grâce aux investissements publics et privés. Selon le European Building Summit Barcelona, la construction de maisons préfabriquées augmentera même jusqu’à 40% en 2030. Soit dans cinq ans à peine. Ambitieux.
Surtout que malgré sa progression, la maison préfabriquée reste marginale en Espagne en proportion du marché total. Sa part est encore très en retard par rapport à des pays comme l’Allemagne (9%), les Pays-Bas (environ 50%) ou la Suède, où environ 90% des nouvelles maisons individuelles sont construites selon des méthodes industrialisées.
Concernant le profil des acquéreurs, on retrouve à la fois des acheteurs nationaux à la recherche d’une résidence principale ou secondaire alternative, et des acheteurs étrangers, qui ont un poids important sur le segment des résidences de vacances.
Un prix particulièrement intéressant
La Catalogne demeure l’un des leaders du marché national des maisons préfabriquées. Historiquement en tête en nombre de projets, elle bénéficie d’un intérêt tant de la part des habitants locaux que des étrangers frontaliers, notamment les Français. Selon des constructeurs interrogés dans une enquête d’Idealista, la Catalogne fait partie de leurs zones les plus demandées, notamment grâce à un important vivier d’acheteurs étrangers y cherchant une résidence. « Nous avons effectivement constaté un regain d’intérêt de la part de clients internationaux, notamment à la recherche de logements durables dans des zones tranquilles près de Barcelone », nous confirme Denis Sobetchi, directeur de Coste Casa.
C’est que l’un des atouts clés des maisons préfabriquées est leur coût généralement inférieur à celui d’une construction traditionnelle équivalente. De 2020 à 2025, les prix des maisons préfabriquées en Espagne se situent en moyenne dans une fourchette accessible : d’après les données du marché, une maison préfabriquée individuelle standard de 100 à 150 m² avec 3 chambres, salon, cuisine et salle de bain(s) coûte typiquement autour de 100 000 à 150 000 euros (terrain non inclus).
Aujourd’hui encore, on trouve des modèles économiques dès 30 000 à 50 000 € pour de petites maisons modulaires en bois ou containers (40–70 m²), tandis que des villas préfabriquées haut de gamme dépassent les 150 000 €. Le prix moyen au mètre carré d’une maison préfabriquée tourne souvent autour de 1 000 – 1 300 €/m², en fonction des finitions.
Selon Arturo Andrés, vice-président de la Plataforma de Edificación Passivhaus, construire une maison via des systèmes industrialisés coûte ainsi en moyenne 10 à 15% moins cher qu’une construction conventionnelle équivalente. D’autres estimations évoquent même jusqu’à 30% d’écart de prix en faveur des préfabriqués par rapport au prix moyen du marché immobilier classique. En pratique, un foyer qui investirait 120 000 € dans une maison modulaire pourrait obtenir une surface et des prestations qu’il n’aurait qu’en déboursant au moins 150 000 € dans le circuit traditionnel. Ce gain de coût provient de plusieurs facteurs : optimisation des matériaux en usine, réduction des imprévus et des délais (moins de dépassements de budget), et moindres frais de main d’œuvre sur site.
Ajoutons par ailleurs qu’en termes de coûts d’usage, ces maisons sont souvent très performantes énergétiquement, ce qui réduit les factures sur le long terme. Sans compter que les délais de construction sont raccourcis de 40 à 50% par rapport à un chantier traditionnel, selon des données compilées par Alimarket. Il est ainsi courant d’avoir une maison prête en 3 à 6 mois, contre 12 à 18 mois pour une construction classique équivalente.
Acheter une maison en Espagne, le parcours du combattant? (Crédit : Cyane Morel)
Les maisons préfabriquées, qu’en pensent les expatriés?
Sur le papier, les maisons préfabriquées ont donc de quoi séduire les acquéreurs potentiels. Mais est-ce vraiment une solution envisagée par l’expatrié lambda en quête d’un logis? « La vérité, c’est que les étrangers préfèrent acheter quelque chose qui est déjà construit », nous explique Ricard Esquirol, directeur de Casas Caliu. « Ils ont beaucoup de mal à faire confiance aux entreprises espagnoles pour construire. Ils ne veulent pas être auto-promoteurs ni prendre de risques. Pour l’instant, nous n’avons construit aucune maison pour un étranger. Ils regardent beaucoup, ça leur plaît, mais ils ne finissent pas par acheter. »
Autre obstacle de taille, selon les expatriés que nous avons sondés : l’achat du terrain. Car il convient de noter que, comme pour une construction traditionnelle, au prix de la maison préfabriquée s’ajoute le coût du terrain et des démarches (permis, raccordements). Même si les fabricants proposent de plus en plus des formules clé en main incluant l’ensemble du projet. « Il faut tout de même acheter le terrain, obtenir le permis de construire, raccorder les services (eau, électricité, etc.) », témoigne Gavin, un Britannique de 45 ans. « Et en général, le terrain se trouvera plus loin du centre-ville, là où les prix sont plus bas. »
« Aujourd’hui, de nombreuses entreprises construisent en usine et assemblent la maison sur votre terrain, ce qui permet de gagner en rapidité. Mais le problème, en Espagne, c’est de trouver un terrain constructible », relève également Marc, un Catalan d’une cinquantaine d’année originaire de Barcelone. « Toutes les autorités n’accordent pas l’autorisation d’installer une maison préfabriquée. Votre premier contact devrait être la mairie de la zone concernée », se préoccupe pour sa part Christine, une Anglaise d’une cinquantaine d’années expatriées aux Îles Baléares.
Pour d’autres, ça part en suspicion généralisée, doublée d’une théorie du complot. « Tout est évidemment relatif à votre point de référence. Mais d’après ce que je vois actuellement, cela semble assez corrompu, surtout dans les petits municipios. Dans l’un, vous n’obtiendrez pas vos permis si vous ne faites pas appel à l’un des trois architectes locaux. Oubliez votre ami architecte venu d’une autre ville. Dans un autre, votre dossier n’avance pas sans un pot-de-vin. Et dans un troisième, il suffit qu’un voisin veuille bloquer votre demande — même sans raison valable — pour que vous soyez coincé », nous indique David, un entrepreneur suédois qui vit à Barcelone. Bref, si les maisons préfabriquées avancent à grands pas… Les permis, eux, préfèrent rester assis pour le moment.