Espagne : le socialiste Pedro Sánchez se rapproche de l’investiture, la droite implose

Première étape cruciale avant l’investiture du Premier ministre en Espagne : l’élection du président du Parlement. Ce jeudi 17 août matin, la gauche de Pedro Sánchez, le premier ministre sortant, a remporté la bataille politique avec succès. La droite, quant à elle, n’a pas eu les mêmes facultés de négociations. Et les indépendantistes, eux, ont sauvé leurs positions tant bien que mal. Analyse.

Petite victoire pour les indépendantistes catalans, grand pas pour Pedro Sánchez, et recul pour la droite. Après près d’un mois d’expectative, l’élection de la présidence du Parlement a dépassé toutes les rumeurs. C’est finalement une cheffe du Parlement à gauche qu’ont élu 178 députés ce jeudi 17 août matin : Francina Armengol, l’ancienne leader des Baléares. Mais si la candidate menée par les socialistes du Premier ministre sortant Pedro Sánchez a obtenu cette majorité absolue, c’est grâce au soutien des sept élus indépendantistes catalans de Junts. Le parti de droite catalan du camp de Puigdemont a pris sa décision seulement deux heures avant le scrutin à bulletin secret. Pas à n’importe quel prix toutefois.

L’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, exilé en Belgique suite au référendum d’octobre 2017, l’avait annoncé dans la foulée des législatives : ils ne donneront leur vote qu’en échange d’un nouveau référendum d’indépendance de la Catalogne et d’une amnistie. Pendant plusieurs semaines, les pros Catalogne savaient qu’ils avaient les cartes en main. Et que les négociations feraient l’objet de toutes les attentions en Espagne. D’autant qu’à la clé se jouaient les chances pour Pedro Sánchez, le premier ministre sortant, d’être reconduit entre fin août et début septembre. Jusqu’à la dernière minute donc, et dans le silence, les indépendantistes catalans ont fait durer le suspense, laissant chacun aller de son propre avis. Un vote à droite, pour faire pression à Sánchez ? Pour la gauche en contrepartie d’avantages pour la Catalogne ?  Ou une abstention, pour espérer obtenir de nouvelles élections et donc plus de députés du camp Junts ?

Des accords entre la gauche et les indépendantistes catalans

Dans ce remu-ménage, avec en toile de fond la demande d’un nouveau référendum indépendantiste (de nouveau anticonstitutionnel), le Premier ministre sortant Pedro Sánchez a toutefois réussi à tirer son épingle du jeu. Lui et le parti indépendantiste ont trouvé un accord ce jeudi 17 août matin. Comme évoqué dans un tweet de Carles Puigdemont, il a été demandé que la langue catalane soit officiellement reconnue comme langue européenne. Sur la table des négociations, le leader de Junts a profité du nouveau statut de Sánchez de président du Conseil de l’Union européenne pour faire valoir la langue régionale parlée par des milliers de personnes au nord de l’Espagne. Il a aussi obtenu la promesse de mettre le catalan sur un même pied d’égalité que le castillan, sur les bancs du Parlement. Tout comme l’ensemble des autres langues régionales comme le galicien et le basque.

Autre avancée pour la Catalogne indépendantiste : Junts a négocié la réouverture d’une commission d’enquête concernant les attentats de Barcelone et Cambrils, du 17 août 2017. Ces attaques avaient eu lieu quelques mois seulement avant le référendum contesté, et depuis le doute plane encore chez les indépendantistes notamment depuis les révélations du projet Pegasus sur de possibles espionnages d’élus catalans par l’Etat espagnol.

Mais si l’ensemble de ces conditions semblent marquer une évolution pour la Catalogne, le positionnement de Puigdemont a de quoi étonner. D’une part, parce que le parler catalan au sein du Parlement a plus de symbolique que de force. Et d’autre part, parce que l’officialisation de la langue catalane par l’Union européenne avait déjà été dealée il y a un an (mais toujours pas appliquée). Difficile donc d’expliquer le choix de Puigdemont, d’ordinaire connu pour ses positions fortes et entêtées. L’amnistie reste-t-elle dans l’ombre du tableau ? Possible, car les négociations continueront jusqu’à l’investiture du Premier ministre.

Succès pour la gauche, fiasco pour la droite

Toujours est-il, qu’ici, dans la péninsule ibérique, à défaut de l’indépendance de la Catalogne, c’est la gauche qui brille. Elle rayonne même. Ce jeudi 17 août, Pedro Sánchez, le Premier ministre de gauche sortant, a encore prouvé de quoi il était capable. Et indéniablement, sa plus grande réussite, c’est d’avoir rassemblé tous les partis régionalistes derrière lui. Chose dont a été incapable son rival de droite Alberto Feijóo. Le socialiste a convaincu les Basques d’extrême gauche radicale, les catalans et les galiciens.

Alors que le candidat du Partido Popular a perdu au jeu des négociations. Les partis régionalistes des Canaries et les nationalistes basques, historiquement rangés derrière la droite, ne souhaitent pas pactiser avec l’extrême droite de Vox. Ces partis sont centristes. Et l’idée de voir le Partido Popular céder un siège à Vox au bureau du parlement ne passait pas. La droite a donc finalement refusé cette place à l’extrême droite. Conséquence : la disparition en direct du vote des 33 députés de Vox pour le candidat de droite à la présidence du parlement.

A vouloir jouer sur deux tableaux, Alberto Feijóo a donc fini par perdre ses plus gros pinceaux. Et cela ne penche pas en sa faveur. Lui qui pourtant, avec l’ensemble des députés d’extrême droite et de droite régionaliste, était à quatre voix de pouvoir être investi Premier ministre. Mais avec ce virage, son infime espoir d’être élu au gouvernement s’envole. Echec et mat, donc, signé Sánchez, dans cette nouvelle bataille politique en Espagne.

Le prochain rendez-vous sera la tentative d’investiture de Pedro Sánchez pour renouveler son mandat de Premier ministre. Entre temps, les négociations reprendront avec les indépendantistes catalans. Pour soutenir le socialiste, Puigdemont exigera l’amnistie de toutes les personnes condamnées pour la tentative de sécession de 2017 et la tenue d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. La droite, elle, estime l’unité du pays en danger et que l’Espagne est au bord de l’éclatement.

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