[REPORTAGE] Que deviennent nos déchets plastiques à Barcelone?

Pour sauver la planète, le recyclage se présente comme la solution indispensable. Pourtant, seuls 25% des déchets plastiques sont recyclés en réalité en Espagne. Depuis les emballages déposés dans les conteneurs jaunes à Barcelone, jusqu’à l’autre bout du monde, explications du chemin parcouru.

Le plastique est aujourd’hui au coeur de tous les débats, les associations écologistes pointent du doigt la surconsommation, en raison des millions de tonnes qui finissent dans les océans. À Barcelone ou ailleurs les institutions prônent qu’il faut recycler plus que jamais. Pour ce faire, les habitants doivent déposer les plastiques dans les conteneurs jaunes. Si le geste est simple en apparence pour aider la planète, la gestion des déchets se révèle bien plus complexe.

Le chemin parcouru

À Barcelone, les déchets sont gérés à l’échelle de l’Aire Métropolitaine de Barcelone (AMB), qui regroupe 36 communes et 3.239.337 habitants selon le recensement 2014, et non la mairie. Dans la capitale catalane, les conteneurs de couleurs répartis dans les rues permettent aux Barcelonais de faire le tri. Le vert pour le verre, la marron pour l’organique, le bleu pour le carton et le jaune pour le plastique. Ces derniers sont récupérés par l’AMB qui les déposera dans deux lieux différents, en fonction d’où ils ont été récupérés. Un centre de tri se situe à Gavà-Viladecans et un second à l’Ecoparc 2 de Montcada i Reixac, en banlieue de Barcelone.

Tous les déchets plastiques sont triés puis compactés en balles à l’aide d’une presse, afin d’être prêts à être récupérés par les entreprises autorisées à recycler. Ces dernières transformeront le plastique en nouvelle matière première utile, qui servira à créer de nouveaux produits et le cycle recommence ainsi de suite.

recyclage barcelone

Centre de tri de Gavà-Viladecans

Avec sept types de plastiques et d’innombrables nuances à l’intérieur de chaque catégorie, difficile d’établir la liste des emballages qui seront véritablement recyclés. Du côté d’Ecoembes, l’entreprise chargée du système intégré des gestion de déchets en Espagne, c’est très simple. « Nous recyclons tous les types de plastiques » affirme Enric Ibañez, porte-parole. Par exemple, le traditionnel sac plastique donné au supermarché sème le doute sur sa possibilité d’être recyclé, mais « les sacs d’un seul usage sont des emballages donc on les recycle. Ce sont les réutilisables épais qui sont difficiles à recycler car ils contiennent du polyamide, on les considère comme des produits et non des emballages » explique le professionnel espagnol.

Une déclaration contestée par Greenpeace: « les plastiques de trop mauvaise qualité comme les films sont jetés, ce sont essentiellement les bouteilles qui valent quelque chose » raconte Julio Barea, responsable de la campagne de plastique de l’ONG. Il ajoute que seuls 25% des emballages plastiques sont recyclés en Espagne. Que deviennent les plastiques ne pouvant pas être recyclés ? Une partie sera incinérée, aux côtés des déchets mis par erreur dans le conteneur jaune, par les entreprises autorisées. Mais ce long processus coûte cher, ainsi d’autres sociétés préférent vendre les déchets que de s’en occuper.

Des déchets en Asie

Début 2019, GreenPeace révèle un grand scandale: des pays européens vendent leurs déchets en Malaisie. Plutôt que tout gérer sur leur sol, la vente des plastiques s’avère plus juteuse sur le continent asiatique. « Le mythe du recyclage » comme le nomme l’ONG de protection de l’environnement. Julio Barea, porte-parole Greenpeace Espagne confirme que « les déchets finissent dans des décharges en Espagne, mais aussi en Malaisie et certainement d’autres pays d’Asie ».

En 2018, la Chine a mis le hòla. Alors qu’elle était le principal pays importateur de déchets plastiques européens, elle a interdit la majorité. La Malaisie a pris le relais, pour les acheter, trier et recycler. Mais la réalité est moins rose. Une grande partie des déchets plastiques n’est pas vraiment transformée, ils seront « simplement jetés dans des décharges sauvages ou brûlés essentiellement de façon non-régulée, une pratique très polluante » explique Greenpeace. De nombreuses usines de recyclage furent créées mais sans licence. Ainsi, elles brûlent sans contrôle les plastiques et des produits toxiques s’en libèrent, entraînant des conséquences sanitaires majeures. En mai dernier, la Malaisie affirme « ne pas vouloir devenir la décharge du monde ». La ministre de l’Environnement, Yeo Bee Yin, déclarait que les centaines de tonnes de déchets plastiques aller être retournés à l’envoyeur, sans toutefois les interdire totalement.

The Recycling Myth – Malaysia and the broken global recycling system

Malaysia is the new dumping site for plastic waste from more than 19 countries, including the US, UK , Australia, France , Germany, Japan, etc. Click here to read full report :

#BreakFreeFromPlastic

Video : Nandakumar S. Haridas

Publiée par Greenpeace Malaysia sur Mardi 27 novembre 2018

Barcelone, modèle de recyclage en Espagne

Alors est-ce vraiment utile de recycler? « Bien sûr, il ne faut pas décourager les gens, il faut continuer à trier rassure Julio Barea. C’est mieux que de ne pas le faire ». Barcelone reste même un modèle en Espagne. « C’est la ville du pays où on trie le plus, même s’il faut encore faire mieux, j’aimerai déjà que Madrid atteigne ce niveau » assure l’activiste. Hasard de l’histoire, la capitale catalane a accueilli le premier conteneur de recyclage du pays, en 1982 sur la place Sant Jaume.

Enric Ibañez d’Ecoembes se félicite des chiffres en Catalogne: « en 2018, le recyclage des conteneurs jaunes a augmenté de 14% et pour l’année en cours nous sommes déjà à 10% supplémentaires ». Il ajoute qu’une campagne d’Ecoembes, en accord avec le gouvernement catalan, est prévu pour la fin de l’année pour continuer d’inciter les habitants à faire le tri. L’AMB informe que toutefois, sur les 460kg de déchets générés par an par chaque habitant de l’Aire Métropolitaine de Barcelone, 164 kg seulement sont séparés correctement. Cet automne, les habitants ont reçu avec leur facture d’eau un document pour sensibiliser sur la gestion des déchets, puisque la taxe qui la finance est prélevée avec l’eau.

mer pollutionLors de son apparition dans les années 50, le plastique était vu comme une révolution. Léger et résistant, il correspondait à un idéal à ajouter dans les modes de consommation. Plus de soixante ans après, marche arrière. La pollution s’avère si grande, qu’en 2050, il y aurait moins de poissons que de déchets plastiques dans la mer. Plus que de recycler, « la vraie solution c’est de réduire au maximum sa consommation de plastique, en attendant que les gouvernements interdisent les emballages » conclut Julio Barea.


Lire aussi: Le guide du consommateur responsable à Barcelone


 

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